Tunisie : éternels opposants en quête d’un destin

Pour eux, c’est la campagne de la dernière chance. À la peine dans les sondages, contestés dans leur propre camp, ils rêvent de créer la surprise en se hissant au second tour.

De g. à dr. : Ahmed Néjib Chebbi ; Hechmi el-Hamdi ; Mustapha Ben Jaafar © Ons Abid pour J.A. ; DR

De g. à dr. : Ahmed Néjib Chebbi ; Hechmi el-Hamdi ; Mustapha Ben Jaafar © Ons Abid pour J.A. ; DR

ProfilAuteur_SamyGhorbal

Publié le 23 mai 2014 Lecture : 3 minutes.

Ahmed Néjib Chebbi

Cet avocat de 69 ans, député d’Al-Joumhouri, est l’une des grandes figures de la vie politique tunisienne. Opposant acharné aux régimes de Bourguiba et de Ben Ali, devenu ministre du Développement régional le 18 janvier 2011, il a été l’homme fort de la première transition. Il était le mieux placé pour l’emporter à la présidentielle qui devait être organisée pour remédier au vide constitutionnel créé par la révolution. Mais le mouvement Kasbah 2, qui a entraîné la chute du gouvernement de Mohamed Ghannouchi et la convocation d’une Constituante, a sonné le glas de ses ambitions présidentielles. Chef de file du camp moderniste aux élections du 23 octobre 2011, sa formation, le Parti démocratique progressiste (PDP), a subi un cuisant revers en ne récoltant que 16 sièges sur 217.

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Ahmed Néjib Chebbi, dont l’image reste associée à cette défaite, est à la peine dans les sondages, qui le créditent, lui et son parti, de 2 % à 3 % des intentions de vote. Mais il n’entend pas abdiquer. En décembre 2013, Al-Joumhouri a officialisé sa rupture avec Nida Tounes. Chebbi, qui refusait l’idée que son parti se transforme en satellite de Nida, a opéré un recentrage, interprété par ses détracteurs comme le prélude à un deal "contre nature" avec les islamistes. En réalité, l’objectif consiste à grappiller des voix chez les progressistes allergiques à Béji Caïd Essebsi et chez les conservateurs modérés qui ne se reconnaissent plus dans Ennahdha pour créer la surprise et accéder au second tour. Alors, les reports de voix aidant, tout redeviendra possible…

Hechmi el-Hamdi

Personnage baroque, mégalomane et démagogue, cet homme d’affaires sulfureux installé depuis une quinzaine d’années à Londres avait créé la surprise aux élections d’octobre 2011 avec ses listes d’Al-Aridha Chaabiya ("la pétition populaire"), arrivées en troisième position avec 26 sièges. Hamdi, natif du gouvernorat de Sidi Bouzid, le berceau de la révolution, avait mené campagne à distance via sa chaîne de télévision, Al-Mustakillah, sur des thématiques populistes. Son impact dans les régions reléguées et marginalisées avait illustré la fracture béante entre la Tunisie du littoral et celle des steppes et des tribus.

Qualifié de "clown" par ses adversaires, il rêve de rééditer son exploit en s’appuyant sur sa chaîne et sur le petit noyau de députés qu’il a réussi à préserver. Farouchement opposés à Ennahdha et rassemblés au sein du Tayyar al-Mahabba (le "courant de l’amour"), ces derniers campent sur une ligne islamo-identitaire intransigeante. Parviendront-ils cette fois à tirer leur épingle du jeu ? Peu probable. Il n’empêche : la possibilité offerte aux binationaux de se porter candidats à la présidentielle constitue en soi une "divine surprise" pour le citoyen britannique Hechmi el-Hamdi, qui n’a jamais fait mystère de son ambition ultime : devenir président de la Tunisie.

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Mustapha Ben Jaafar

Secrétaire général d’Ettakatol, le président de la Constituante veut capitaliser sur le vote de la Constitution. La présidence de la République, qu’il convoitait ardemment, lui avait échappé d’un cheveu en octobre 2011 : Ettakatol, avec 20 sièges, avait été devancé par le Congrès pour la République de Moncef Marzouki (29 sièges). À 73 ans, ce médecin radiologue sait que ces élections seront sans doute sa dernière chance.

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Opposant modéré à Ben Ali, il avait joué sans états d’âme la carte de la rupture après la révolution en refusant de participer au gouvernement de transition. Placé en embuscade, il avait réussi à combler son retard sur Néjib Chebbi. L’accord avec les islamistes d’Ennahdha lui a permis d’arracher la présidence de la Constituante et de grappiller des maroquins ministériels, mais il lui a coûté cher politiquement.

Désorientés par cette "alliance contre nature", nombre de cadres et de sympathisants d’Ettakatol ont fait défection pour rejoindre Nida Tounes. En décidant, en août 2013, au plus fort de la crise, la suspension des travaux de la Constituante, Ben Jaafar a retrouvé une partie de son crédit. Chacun reconnaît son rôle constructif lors de la formation du gouvernement de Mehdi Jomâa.

Cela suffira-t-il ? Pour l’instant, sa candidature ne prend pas dans l’opinion. Ses partisans veulent croire à une dynamique de campagne. Conciliant à la fois avec les islamistes et avec les démocrates, dont les voix seront indispensables, il risque de se retrouver une nouvelle fois en concurrence frontale pour Carthage avec son éternel rival, Néjib Chebbi…

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