Sécurité : le casse-tête sahélien

Algérie, Maroc, Mauritanie, Niger, Burkina, Tchad… Pour lutter contre les jihadistes, Bamako a tout intérêt à joindre ses forces à celles de ses voisins. Las ! Cette coopération régionale est encore bien timide.

Zahabi Ould Sidi Mohamed, ministre malien de la Réconciliation et Ramtane Lamamra. © AFP

Zahabi Ould Sidi Mohamed, ministre malien de la Réconciliation et Ramtane Lamamra. © AFP

Publié le 16 mai 2014 Lecture : 4 minutes.

Zones désertiques immenses, frontières poreuses, trafics en tout genre, rébellion dans le Nord… Confronté à de sérieux défis sécuritaires sur son territoire, le nouveau gouvernement malien va devoir faire ses preuves, sous le regard critique de ses voisins. Parviendra-t-il à réformer son armée ? Le chantier de la réconciliation pourra-t-il enfin avancer ?

"Le gouvernement d’Oumar Tatam Ly semblait penser que le problème touareg était la seule cause à la crise. Mais d’autres facteurs intérieurs entrent en jeu. L’exécutif doit faire face à des difficultés au sein même de son système : les institutions ont été ruinées par le régime d’Amadou Toumani Touré et l’État ne peut gérer seul cette situation", constate un observateur. "Le temps des discours est révolu, il faut que les Maliens entament de véritables réformes", estime Michel Reveyrand de Menthon, représentant spécial de l’Union européenne (UE) pour la région du Sahel.

la suite après cette publicité

Afin de sortir le pays de la crise, "les réalités transnationales doivent être prises en compte, poursuit-il. Or, il n’existe pas vraiment d’autorité couvrant l’ensemble de la sous-région". Soulignant la faiblesse de la coopération transfrontalière, l’UE souhaite une coordination mieux centralisée. "L’Algérie ne fait pas partie de la Cedeao [Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest], le Maroc n’est pas membre de l’Union africaine, et le Mali privilégie les relations bilatérales aux institutions régionales", souligne le diplomate. La création d’un "G5 sahélien", en février, est un premier progrès, qui ouvre la voie à une coopération technique (notamment aérienne) entre le Mali, la Mauritanie, le Niger, le Burkina et le Tchad.

L’assassinat de seize prédicateurs mauritaniens

Parmi les principaux voisins du Mali intervenant dans les questions de sécurité : la Mauritanie. Nouakchott est impliqué depuis longtemps dans la lutte antiterroriste. Cependant, si Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) entretient de bonnes relations avec son homologue Mohamed Ould Abdelaziz, la confiance tarde à se rétablir entre les deux pays. L’enquête sur l’assassinat, en septembre 2012, de seize prédicateurs mauritaniens par l’armée malienne n’a toujours pas abouti. De son côté, le Mali a peu apprécié les incursions répétées de l’armée mauritanienne sur son territoire, sous le régime d’ATT, au nom du droit de poursuite.

Partenaire historique du Mali, l’Algérie fait figure d’acteur central dans la résolution de la crise. IBK a personnellement toujours été proche de l’exécutif algérien, même si la communauté internationale se méfie des relations ambiguës qu’Alger entretient avec certains leaders jihadistes. Parmi eux, Iyad Ag Ghaly, le chef d’Ansar Eddine, qui, après avoir trouvé refuge en Algérie, a échappé à son contrôle, ou le dissident Ag Assaleh, qui a annoncé la création prochaine d’un nouveau mouvement basé à Alger.

la suite après cette publicité

Par ailleurs, le tandem algéro-malien a été bousculé par la visite de Mohammed VI à Bamako, en février. Rabat s’est engagé à apporter son expertise dans la lutte antiterroriste à travers l’échange d’informations et la formation de militaires maliens, notamment d’une partie de la future garde présidentielle. "Le Mali sait reconnaître ses amis, le Maroc en est un", a déclaré IBK mi-février. Le président malien semble être parvenu à composer à la fois avec "ses frères" algériens et marocains, dont les relations sont compliquées. C’est ce que semble indiquer la visite à Alger, le 20 avril, de Zahabi Ould Sidi Mohamed, le nouveau ministre malien de la Réconciliation. Ce dernier a préparé avec Ramtane Lamamra, le chef de la diplomatie algérienne, la prochaine réunion du comité bilatéral stratégique que les deux pays étaient convenus de mettre sur pied lors de la visite d’IBK à Alger, les 18 et 19 janvier.

Des réfugiés maliens sur le sol burkinabè

la suite après cette publicité

Pour sa part, Blaise Compaoré, le président burkinabè, a désormais d’autres priorités, d’ordre national. Son leadership dans les négociations maliennes, contesté par les Maliens eux-mêmes pendant la transition, est devenu caduc depuis l’élection d’IBK. Il ne peut cependant ignorer la situation de l’autre côté de la frontière. De nombreux réfugiés maliens vivent, en effet, sur le sol burkinabè. En outre, sa collaboration régulière avec les Occidentaux fait du Burkina une cible potentielle pour les groupes terroristes.

Le Niger, lui, a réussi à maîtriser la menace et évité que des rebelles touaregs ne s’installent sur son territoire alors que beaucoup d’entre eux, venus de Libye, transitent sur son sol avant de se rendre dans le Nord-Mali. Lors de leurs dernières rébellions (1990-1995 et 2007-2009), les Touaregs nigériens, mieux intégrés que leurs frères des pays voisins, ne se sont pas exilés dans la Libye de Kadhafi. "Niamey a pris la menace très au sérieux, en sécurisant ses frontières et en associant les Touaregs au gouvernement. Le pouvoir a négocié et reconnu ses fautes. Ce n’est pour le moment pas le cas au Mali", note un diplomate. Entre la pression de la communauté internationale et celle de l’opinion, rétive à toute concession aux groupes armés, la réconciliation semble encore bien lointaine.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires