Tunisair : Khaled Chelly préconise une cure d’austérité
Moins de destinations, moins d’avions, moins d’effectifs. Le PDG de Tunisair propose au gouvernement un « repli stratégique » de plusieurs mois pour mieux revenir.
« L’adaptation, ça n’a jamais marché. Ce qu’il faut, c’est restructurer ». Rencontré sur le site de l’aéroport parisien d’Orly, où il vient de réceptionner, mardi 29 mars, son deuxième A320 neo, et d’inaugurer une nouvelle agence commerciale, le PDG de Tunisair est formel : ce qu’il faut pour sortir la compagnie de l’ornière dans laquelle elle était plongé avant même la crise sanitaire, c’est un « repli stratégique », le temps de consolider son modèle et d’assainir ses finances.
Pour ce faire, le manager, qui doit présenter d’ici à la fin du mois d’avril son plan de restructuration en Conseil des ministres restreint, n’a pas fait dans la dentelle. « Nous avons repris toutes nos destinations une à une, revu la rentabilité de chaque ligne depuis 2011, et nous ne gardons que celles qui couvrent leurs frais d’exploitation », a expliqué le PDG en conférence de presse. Exit donc Prague, Ouagadougou ou encore Beyrouth.
Il n’y aura plus d’activité au titre social, sauf si l’État nous délivre des subventions dédiées.
Après un nouveau passage au crible des destinations conservées, le tri est fait entre celles qui vont voir leurs fréquences augmentées, par exemple la France, et celles dont les dessertes vont baisser (Vienne, Nouakchott, Dakar, Le Caire…).
Une cure d’austérité nécessaire pour une compagnie qui ne veut plus fonctionner qu’avec 15 avions, contre 21 en 2019, dans une logique de compression des coûts. Dans la même optique, la flotte sera uniformisée, la compagnie comptant progressivement se séparer de ses 737-600 et de ses A319 pour se recentrer sur ses A330 et A320 neo.
« Il n’y aura plus d’activité au titre social, sauf si l’État nous délivre des subventions dédiées », assure Khaled Chelly.
Rééchelonnement de la dette
Après la mise au régime du programme de vols et de la flotte, viendra le tour des effectifs. « La question de l’assainissement social se pose depuis 2014″, rappelle celui qui a intégré le groupe Tunisair en qualité de directeur général adjoint en 2012. À l’époque, le plan prévoyait de faire partir 1 700 des 8 400 employés. « Même s’il n’a jamais abouti, plus d’un millier d’agents sont partis d’eux-mêmes, en retraite ou pour d’autres raisons », indique Khaled Chelly. Précisant que le groupe Tunisair compte à présent 6 950 agents, dont 3 200 pour la compagnie du même nom, le reste du personnel étant réparti au sein des quatre autres entités.
Comme pour le programme de vols, Khaled Chelly a diligenté des études poste par poste « pour ramener les effectifs aux standards internationaux de 120 personnels par avion », explique-t-il, envisageant la suppression de « 600 à 900, voire de 1 000 postes ». Parmi les premières professions concernées, « celles qui disparaîtront d’elles-mêmes avec la digitalisation des process ».
Dernier volet de cette cure d’amaigrissement, l’assainissement financier, qui a commencé par une renégociation avec les créanciers, notamment trois banques tunisiennes, et avec les fournisseurs, qui ont récemment accepté le rééchelonnement sur dix ans de la dette de Tunisair. « C’est ce qui nous a permis d’éviter le pire durant ces deux années de crise », commente Khaled Chelly.
Cherche partenaire à moyen terme
Ce dernier évoque aussi la réévaluation de tous les actifs de la compagnie et la cession de biens, notamment immobiliers jugés « non indispensables ».
Les actionnaires, au premier rang desquels l’État qui détient 75 % du capital – directement (65 %) ou via les entreprises publiques (10 %) –, seront sollicités.
Nous irons en Chine en 2024 ou 2025 et aux États-Unis en 2026.
Enfin, « quand la compagnie sera restructurée et assainie », viendra la recherche d’un nouveau partenaire stratégique. Khaled Chelly indique qu’aucune « proposition sérieuse » n’a été à ce jour enregistrée, même si les noms de Turkish Airlines et Qatar Airways ont beaucoup circulé.
« In fine, ce sera le choix de l’État, pas celui du PDG », a indiqué le dirigeant qui a néanmoins précisé que Tunisair « resterait en compagnie publique ».
+ 175 % par rapport à 2021
S’il met Tunisair au régime sec, Khaled Chelly tient à préciser que la situation est temporaire. « C’est un repli stratégique pour mieux revenir », explique le dirigeant qui a déjà prévu de revenir à 17 avions en 2023, et à 19 en 2027. « Nous irons en Chine en 2024 ou 2025 et aux États-Unis en 2026″, promet le dirigeant, très satisfait des résultats de la ligne vers Montréal, qui devrait passer pour l’été de deux à trois fréquences par semaine.
Sur le papier, ce plan a tout pour fonctionner.
Pour l’heure, Khaled Chelly affiche son optimisme: « Au premier trimestre 2022, nous avons enregistré un bond de 175 % du nombre de passagers, et de 200 % du chiffre d’affaires par rapport à l’an dernier, et les réservations estivales s’annoncent tellement bonnes que nous envisageons la location d’un appareil supplémentaire pour trois à quatre mois ».
Un chiffre à relativiser avec les chiffres d’avant-crise : la desserte entre la Tunisie et la France n’est qu’à 60 % de son niveau de 2019 et atteindra au mieux 70 %.
« Du recentrage de la flotte sur quelques modèles à l’allègement des effectifs, en passant par l’élimination des liaisons non rentables, ce plan a, sur le papier, tout pour fonctionner. Mais il n’a pas encore été validé… », commente un consultant du secteur joint par Jeune Afrique.
La poste de PDG de Tunisair, pris en étau entre son ministère de tutelle et le puissant syndicat UGTT, est en effet particulièrement exposé. Pour rappel, Olfa Hamdi, la prédécesseuse de Khaled Chelly, n’était restée en poste que sept semaines avant d’être limogée devant la bronca des syndicats. Et la restructuration de Tunisair est annoncée depuis au moins aussi longtemps que son « assainissement social ».
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