Lutte contre le paludisme : une piqûre de rappel

Fatoumata Nafo-Traoré est une ancienne ministre malienne de la Santé, directrice du partenariat Roll Back Malaria.

On dénombre 650 000 décès dus au paludisme chaque année, dont 90% surviennent en Afrique. © Camille lepage/AFP

On dénombre 650 000 décès dus au paludisme chaque année, dont 90% surviennent en Afrique. © Camille lepage/AFP

Publié le 30 avril 2014 Lecture : 3 minutes.

Nous sommes à moins de 700 jours de l’échéance des Objectifs du millénaire pour le développement, et la lutte contre le paludisme se trouve à la croisée des chemins. La maladie recule dans de nombreuses régions, comme l’indique le dernier rapport de l’Organisation mondiale de la santé (publié en décembre 2013) : à l’échelle de la planète, 3,3 millions de vies ont été sauvées entre 2001 et 2012. Cependant, ces gains pourraient se trouver brutalement menacés par une possible diminution des financements dans les années à venir. Par le passé, chaque fois que les acteurs de la lutte contre le paludisme ont été confrontés à une rupture des financements, on a assisté de façon systématique et mécanique à une recrudescence des cas.

Alors que de nombreuses économies du monde traversent des périodes de turbulence, certains responsables politiques du Nord s’interrogent sur l’efficacité des programmes financés par les contribuables de leurs pays. Pourtant, les investissements dans le domaine du paludisme ont un effet immédiat sur la vie de centaines de milliers de personnes. Les bénéfices dépassent de loin les faibles sommes engagées : quelques dollars permettent d’acheter des moustiquaires pour une famille entière et, pour un peu plus d’un dollar [0,72 euro] (voire moins), on peut acquérir un traitement efficace dans de très nombreux pays africains. Et pourtant, chaque minute qui passe emporte un enfant de moins de 5 ans.

Le secteur privé a un rôle éminemment important à jouer dans le combat contre la maladie.

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La lutte contre cette maladie représente un levier pour le développement économique de tout un continent, et le secteur privé a un rôle éminemment important à jouer dans ce combat. Ses investissements en faveur de la santé de ses employés sont évidemment – au-delà de l’impératif moral d’agir – essentiels pour la protection de ces derniers. Et j’ai souvent pu constater que ces services s’étendent au-delà du personnel des entreprises pour couvrir une population beaucoup plus large. Les retombées de l’engagement du secteur privé constituent donc un bénéfice réel pour l’ensemble de la communauté.

Dans de nombreux pays, des résultats spectaculaires ont été obtenus grâce à des approches innovantes. À l’initiative de la plateforme Santé en entreprise et du partenariat Roll Back Malaria, une réunion sur le sujet s’est récemment tenue à Paris afin d’amplifier les partenariats entre le secteur public et le privé dans les pays d’Afrique francophone. L’investissement de ce dernier ne doit cependant pas se limiter à la seule zone d’intervention des entreprises. Il doit s’intégrer autant que possible dans le cadre d’une approche multisectorielle au niveau national. Une démarche collaborative et coordonnée de tous les acteurs engagés contre le paludisme est en effet une condition indispensable pour une action efficace et durable. La lutte contre le paludisme nécessite une approche intégrée, un bon système de santé et un engagement sans faille de tous.

Chacun a un rôle à jouer. Nos progrès nous obligent à poursuivre et à amplifier nos efforts. Notre responsabilité est historique.

Une Afrique et un monde sans paludisme sont possibles, même si, avec l’arsenal actuel d’interventions, un tel objectif ne pourra être atteint qu’à long terme. La recherche progresse, l’espoir est permis pour la découverte de nouveaux médicaments, d’insecticides, de vaccins et de tests de diagnostic qui permettraient de porter le combat à un autre niveau. Cependant, chaque décès dû au paludisme doit aujourd’hui être considéré comme un échec du système, car nous avons les moyens de l’éviter. C’est l’objectif, réalisable, que se sont fixé la communauté internationale et les partenaires de Roll Back Malaria. Chacun a un rôle à jouer. Nos progrès nous obligent à poursuivre et à amplifier nos efforts. Notre responsabilité est historique.

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