Soudan du Sud : une poudrière nommée Djouba

Le Kenya, l’Ouganda, l’Éthiopie et même la Chine et les États-Unis : tous ses partenaires se pressent au chevet du plus jeune État africain, ravagé par la guerre civile. Sans grand succès jusqu’ici.

Dans le camp de réfugiés de Mingkaman. Plus d’un million de personnes auraient fui les combats. © Kate Holt/Unicef/Handout/Reuters

Dans le camp de réfugiés de Mingkaman. Plus d’un million de personnes auraient fui les combats. © Kate Holt/Unicef/Handout/Reuters

NICOLAS-MICHEL_2024

Publié le 2 mai 2014 Lecture : 3 minutes.

Dès le 26 décembre 2013, au lendemain des premiers affrontements entre les partisans du président, Salva Kiir, et ceux de son ancien vice-président, Riek Machar, le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine annonçait vouloir agir pour éviter qu’un conflit n’embrase le Soudan du Sud. Il prévoyait notamment la formation d’une commission pour enquêter sur les violations des droits de l’homme…

Trois mois et demi plus tard, le 10 avril, International Crisis Group (ICG) notait : "Alors que son rapport était attendu pour le mois d’avril, la commission commence à peine un travail rendu plus difficile par la disparition des preuves et le début de la saison des pluies." Et le Soudan du Sud ne menace plus de s’enflammer : il est en pleine guerre civile. ICG évoque plus de un million de déplacés et près de six millions de civils qui auront besoin d’une aide d’urgence dans les mois à venir – soit plus de la moitié de la population.

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>> Lire "À Addis Abeba, Kerry met en garde contre le rique de génocide au Soudan du Sud"

Certes, un accord de cessez-le-feu a été signé le 23 janvier et sept des onze proches de Machar détenus depuis décembre ont été autorisés par Djouba à prendre part aux pourparlers de paix, tandis que leurs quatre camarades attendaient d’être jugés pour haute trahison. Mais sur le terrain, l’application du cessez-le-feu demeure toute théorique. Dernier événement en date, la reprise de la ville de Bentiu par les forces de Machar, le 15 avril, a suscité une vive réaction des Nations unies, car elle s’est accompagnée, selon Toby Lanzer, coordinateur humanitaire de la mission de l’ONU, de massacres de civils commis sur des bases ethniques. Capitale de l’État pétrolier d’Unité (nord du pays), Bentiu revêt une importance stratégique majeure pour les rebelles qui cherchent à asphyxier économiquement Djouba, dépendant à 98 % de l’or noir.

Toute la région risque d’être déstabilisée. L’Ouganda, le Kenya, l’Éthiopie, le Soudan et même l’Égypte pourraient subir le contrecoup du conflit sur le plan économique.

Pays en lambeaux avant même d’avoir pu fêter ses trois ans, le Soudan du Sud n’a pas su surmonter ses anciennes divisions politiques, communautaires et ethniques. Mais si ses habitants, qui affluent par milliers dans les camps souvent inadaptés des Nations unies, sont les premiers à en payer le prix, toute la région risque d’être déstabilisée. L’Ouganda, le Kenya, l’Éthiopie, le Soudan et même l’Égypte pourraient subir le contrecoup du conflit sur le plan économique.

Si Khartoum dépend de longue date du pétrole de son ancienne province, Nairobi a beaucoup parié sur le projet Lamu Port Southern Sudan Ethiopia Transport Corridor (Lapsset), qui prévoit notamment la construction d’un pipeline reliant le Soudan du Sud à l’océan Indien. L’Ouganda, qui pourrait aussi avoir besoin du Lapsset pour transporter son propre pétrole, a vu en quelques années le Soudan du Sud devenir son premier marché d’exportation. Une donnée qui, s’ajoutant à la longue proximité historique entre le président Museveni et le Mouvement populaire de libération du Soudan (SPLM, au pouvoir à Djouba), explique sans doute la célérité avec laquelle l’armée ougandaise est intervenue (dès le 20 décembre) pour permettre aux troupes de Salva Kiir de reprendre la ville de Bor.

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Beaucoup de pays semblent vouloir s’impliquer

Tandis que l’Éthiopie et le Kenya s’activent en coulisses, de nombreux pays de la zone (Rwanda, Burundi, Égypte, Djibouti, etc.) contribuent ou sont prêts à contribuer à la force d’interposition sous-régionale. Outre récemment les États-Unis par la voix de John Kerry, même la Chine, qui a beaucoup investi au Soudan du Sud et s’y approvisionne en pétrole, semble désireuse de s’impliquer. "De hauts responsables [chinois] se sont rendus à Djouba et à Addis-Abeba pour soutenir une solution négociée, et [Pékin] a entamé des pourparlers pour fournir des troupes à la Minuss [Mission des Nations unies au Soudan du Sud]", affirme ICG.

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Beaucoup de monde semble vouloir du bien au Soudan du Sud. Mais le mandat de la force internationale, qui compte près de 10 000 hommes, ne semble guère adapté aux événements. Et la menace de Washington d’imposer des sanctions à quiconque entraverait les efforts de paix, prendrait le personnel onusien pour cible ou violerait les droits de l’homme risque fort de ne pas suffire à rétablir la paix entre deux factions rivales arrivées au pouvoir par la guerre.

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