Burkina Faso : huées anti-françaises et messie russe
La bronca anti-française du Mali qui a conduit au retrait de la force Barkhane est-elle en train de faire florès au Burkina voisin ? Les premiers signes apparaissent, tant dans les rues que sur les réseaux sociaux.
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 1 avril 2022 Lecture : 2 minutes.
« La France n’est plus ce qu’elle était », semblait déjà dire, il y a une dizaine d’années, le charismatique intellectuel burkinabè Laurent Bado, ne concédant à l’ancienne puissance coloniale que la paternité de la chicorée Leroux. C’était avant la crise sécuritaire, avant l’eau jihadiste insalubre qui a, depuis, coulé sous les ponts sahéliens. Les rues du Burkina Faso sont-elles en passe de relayer la fronde anti-française malienne de ces derniers mois ?
Certes, le Pays des Hommes intègres ne dispose pas d’instituts de sondages susceptibles de mesurer précisément, en mode “rolling”, la proportion des “anti-français” de l’heure, ce qui aurait permis de distinguer expression de foule et sentiment de peuple. En ce qui concerne la position officielle, le putschiste Paul-Henri Sandaogo Damiba n’aime guère s’exprimer, tout autant qu’il n’apprécie que peu d’entendre les opposants parler. Dans le Sahel des trois pays meurtris par l’islamisme, le Faso ménage la chèvre et le chou, adoptant une position manifestement intermédiaire entre la francophilie présumée d’un Mohamed Bazoum et la quasi franco-incompatibilité revendiquée d’un Choguel Maïga.
Messie russe
Sur le plan militaire, déjà sous le premier mandat de Roch Marc Christian Kaboré, le ministre de la Défense d’alors, Chérif Sy, n’excluait pas une collaboration accrue avec de vagues partenaires russes dont l’apparition dans un pays africain induit souvent divorce avec la France. En novembre dernier, en simple transit vers le Niger, un convoi militaire français était bloqué par des manifestants, à Kaya, et chahuté sur la globalité de son parcours.
Si, depuis, la France n’a pas exprimé l’intention de déployer ou redéployer des forces issues de Barkhane au Burkina Faso – y sont présentes essentiellement des forces spéciales -, des citoyens burkinabè manifestaient, le week-end dernier, contre la coopération militaire avec l’ancien colon, à l’appel de la coalition Faso Lagam Taaba Zaaka (“La maison du vivre-ensemble au Faso”). Certains appelaient de leur vœux l’avènement d’un messie russe.
Certes, les batteurs de pavé de ce dimanche n’étaient que quelques centaines. Certes, certains slogans comme « La France tue au Faso » traduisaient une certaine irrationalité. Mais la petite musique se fait de plus en plus insistante, notamment lorsqu’elle quitte le secteur sécuritaire pour résonner sur ce terrain économique que les pourfendeurs considèrent comme le ressort de la prétendue “compassion” française.
C’est ainsi que le Consortium Burkina 2050 manifestait, lui aussi, en ce mois de mars, pour exiger l’annulation de la convention de gestion du rail avec le groupe Bolloré. Paradoxe, les anti-Macron et les anti-Bolloré – réputé proche d’Éric Zemmour – ne savent guère que leurs épouvantails respectifs sont politiquement opposés dans la course à l’Élysée qui s’achève dans une dizaine de jours…
Encore diffus dans un contexte burkinabè confus, le développement éventuel du sentiment anti-français devrait dépendre de l’évolution sécuritaire, des options politiques à venir et de l’expérience malienne.
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