Match Algérie-Cameroun : à Blida, ce n’est pas que du foot…
L’incroyable scénario de l’élimination de l’Algérie laissera des traces dans la mémoire collective. À moins que le pays ne travaille sur ce traumatisme.
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Georges Dougueli
Journaliste spécialisé sur l’Afrique subsaharienne, il s’occupe particulièrement de l’Afrique centrale, de l’Union africaine et de la diversité en France. Il se passionne notamment pour les grands reportages et les coulisses de la politique.
Publié le 2 avril 2022 Lecture : 3 minutes.
L’image restera gravée dans les rétines. Djamel Belmadi, le sélectionneur de l’Algérie, en larmes, prostré face contre terre, quelques instants après la défaite des siens 2-1 face au Cameroun en éliminatoires de la Coupe du monde de football prévue au Qatar du 21 novembre au 18 décembre 2022. Le but « assassin » de Toko-Ekambi vient de faire basculer cette soirée indécise au départ dans le registre du cauchemar pour l’Algérie. On veut bien accepter le caractère impitoyable de la loi du sport, mais il ne faut souhaiter ce dénouement à personne, même pas à son pire ennemi.
Douleur lancinante
La dramaturgie de cette élimination s’est nouée avec une singulière cruauté pour le pays hôte, d’autant qu’à dix secondes de la fin du match, les Fennecs tenaient leur billet pour le Qatar. D’une tête imparable, Ahmed Touba venait de revenir au score, avec pour conséquence de donner l’avantage aux siens sur l’ensemble des deux matches. En égalisant, le buteur confirmait au passage la légende du stade de Mustapha-Tchaker de Blida, dépeint en forteresse imprenable, enfer des équipes visiteuses promises à la défaite, lieu de pouvoir où l’équipe nationale d’Algérie n’avait jamais perdu. Il n’y avait pas de raison pour que les Lions indomptables du Cameroun échappassent à un sort similaire. La joie fut de courte durée mais le goût amer de la défaite, lui, restera pour longtemps.
La soirée cauchemardesque a eu beau avoir lieu le 29 mars dernier, elle ne passe toujours pas. Il est des traumatismes qui résistent au temps. Certains laissent dans les têtes des marques si profondes qu’on en arrive à en transmettre l’affreux souvenir à ses petits-enfants. Tout amateur de football sait ce qu’ont dû endurer les supporters algériens à cet instant fatidique où ils ont vu la balle franchir la ligne de but gardée par le portier des Fennecs, Raïs M’Bolhi, à deux secondes de la fin du match.
Pire qu’un coup sur la tête, ce devait être une lacération qui vous déchire le cœur avant de se propager en ondes lancinantes embrasant tout le corps. Cette explosion de sens qui vous assomme littéralement, vous pousse à vous ronger les ongles au sang, à vous arracher les cheveux et à tenir des propos incohérents. L’inattendu retournement de situation fut d’autant plus douloureux qu’il est survenu alors que l’affaire était pratiquement pliée, les supporters euphoriques, la tête déjà à la fête.
Le pays est exclu du premier Mondial jamais organisé dans le monde arabe
Tomber de si haut, croire qu’on va se réveiller d’un mauvais rêve… Les Français en savent quelque chose depuis un funeste 17 novembre 1993, où leur équipe fut éliminée du Mondial américain de 1994 par la Bulgarie à la suite d’un but marqué à la 90e minute par l’inoubliable Emil Kostadinov. La victoire de l’Hexagone à la Coupe du monde de 1998 pansera les plaies, mais Kostadinov continue de hanter les nuits de beaucoup de quinquagénaires.
Il n’est pas de grand pays de football qui ne soit passé par ces moments difficiles. L’humiliation par l’Allemagne de l’équipe du Brésil lors de la Coupe du monde organisée sur son propre sol est à ranger dans la catégorie des événements traumatiques que les Sud-Américains devront transcender pour gagner de nouveau.
Pour se relever, joueurs et supporters algériens vont devoir passer à autre chose. Ce ne sera sans doute pas aisé parce que, d’ici à l’ouverture de la compétition, chaque événement en rapport avec la prochaine Coupe du monde jettera du sel sur leurs blessures, rappelant à tous que le pays est exclu du premier Mondial jamais organisé dans le monde arabe.
Ensuite, devra venir le moment de l’autocritique. Une gageure pour cette génération de Fennecs caractérisée par un excès de confiance en soi, par trop sûre de ses qualités, peu encline à se remettre en question et prompte à se trouver des excuses (la chaleur, le mauvais état des pelouses, etc.) ou à désigner des boucs émissaires (l’arbitrage). Le début de la renaissance d’une grande équipe d’Algérie commence par là.
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