Congo : Pointe-Noire, la cité océane qui tourne le dos à la mer

À l’occasion des cent ans de la capitale économique congolaise, le 11 mai, Jeune Afrique revient sur l’une de ses particularités : elle semble vouloir ignorer l’Atlantique, qui est pourtant à l’origine de sa naissance et de presque toutes ses ressources. Paradoxal ?

 © DOM pour JA

© DOM pour JA

OLIVIER-CASLIN_2024
  • Olivier Caslin

    Spécialiste des transports et des questions économiques multilatérales. Il suit également l’actualité du Burundi, de Djibouti et de Maurice.

Publié le 7 mai 2022 Lecture : 3 minutes.

Issu du dossier

Congo : du bon usage de la crise

Dopée par la hausse des cours pétroliers due aux tensions politiques mondiales, l’économie congolaise est enfin en mesure de redécoller après huit années de dépression. Mais attention à ne pas répéter les erreurs du passé.

Sommaire

Le vieux phare de Pointe-Noire ne voit plus l’océan depuis longtemps. Construit en 1927, les pieds dans l’eau trouble de la baie, il a été relégué quelques années plus tard loin de la mer, à cause de la construction du port, inauguré en 1939. Aujourd’hui, il est davantage une vigie pour les norias de poids-lourds faisant la navette entre les parcs à conteneurs, qu’un guide pour les navires qui croisent au large.

Depuis l’installation des premiers portiques de Congo Terminal, en 2012, le phare et les 30 mètres de hauteur de sa tour octogonale en béton zébrée de noir ne dominent même plus l’horizon. Encore moins depuis l’inauguration, en janvier, du siège du port autonome de Pointe-Noire, le PAPN : nouveau phare de verre et de métal qui, avec ses quinze étages, permet à la capitale économique de prendre un peu de hauteur… tout en rapprochant la ville de son port.

la suite après cette publicité

Porte de l’Afrique équatoriale française

Si Pointe-Noire doit beaucoup à la mer et à ses bassins portuaires, elle leur a longtemps tourné le dos. Peut-être parce que le port devait à l’origine être construit plus au nord, près de Loango… Mais, en 1922, le gouverneur général Victor Augagneur lui préfère la baie de Pointe-Noire, qui devient la porte océane de l’Afrique équatoriale française, grâce à son port raccordé à l’hinterland par la ligne Congo-Océan, mise en service en 1934. Au passage, la construction du wharf entraîne la disparition de l’éperon noirâtre de grès qui donna son nom à la cité : la fameuse Punta Negra, identifiée sur la côte du royaume vili et mentionnée sur les cartes des navigateurs portugais dès 1484.

C’est depuis l’océan que débarquent les différentes communautés qui font de Pointe-Noire une ville à part

C’est de sa façade maritime que « Ponton » tire sa richesse. Grâce à son port, unique en son genre dans la région, grâce aussi à la découverte des premiers gisements d’hydrocarbures offshore à partir des années 1940. Et c’est depuis l’océan que débarquent les différentes communautés qui font de Pointe-Noire une ville à part, où souffle – selon ses habitants – un vent de libre entreprise apporté par les embruns du grand large.

Crainte des flots indomptés

Pourtant, Pointe-Noire ne regarde pas la mer. Les Ponténégrins n’ont commencé à goûter aux plaisirs de la Côte Mondaine que dans les années 1980. Ils ont suivi l’exemple des Français expatriés, amateurs de plage, mais aussi des Grecs et des Portugais, qui ont longtemps tenu les commerces de la ville avant de laisser la place aux Libanais (spécialisés dans la vente de véhicules d’occasion) et aux Indiens (experts en informatique). Sans oublier « les Sénégalais », les Ouest-Africains, présents, eux, depuis le début du XXe siècle : les pêcheurs béninois, les commerçants sénégalais et maliens, à la tête de la plupart des échoppes de la vieille ville, toujours appelée « cité indigène » par les locaux.

La tradition impose de faire des offrandes pour calmer la susceptibilité des esprits marins

Les Ponténégrins de souche ont appris à vivre avec l’océan sans trop s’en approcher. Sans doute parce qu’ils craignaient ses flots indomptés (quand la digue n’existait pas), et redoutent cette sirène vili qui, selon la légende, vient s’emparer des noyés. Mystère et mysticisme, comme la tradition qui impose de faire des offrandes aux esprits marins pour calmer leur susceptibilité – même Total n’oublie jamais de respecter le rituel lors de l’inauguration d’un nouveau puits.

la suite après cette publicité

L’océan, les Ponténégrins préfèrent s’en tenir à l’écart. Ils se contentent d’y mettre les pieds et d’en apprécier les poissons, qu’ils vont déguster braisés chez Gaspard. Et ce n’est pas parce que leur cité célèbre son centenaire qu’ils vont changer leurs habitudes.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Dans le même dossier

Congo : Sassou Nguesso à l’heure des comptes

Congo : une Assemblée « absolument » Sassou ?

Congo : Lissouba, Kolélas… l’opposition en famille