Mali : l’armée et Wagner accusés d’avoir commis un « massacre » à Moura

Selon des sources concordantes, entre 200 et 400 personnes auraient été tuées la semaine dernière dans ce village du centre du Mali par des militaires maliens et des mercenaires russes de Wagner.

Une colonne de pick-up des Forces armées maliennes (FAMA) qui participent à une opération militaire contre les groupes armés terroristes (GAT). © FREDERIC PETRY/Hans Lucas via AFP

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Publié le 4 avril 2022 Lecture : 3 minutes.

En dix ans de guerre, jamais l’armée malienne n’avait été accusée d’exactions d’une telle ampleur. Selon des ONG locales et des sources onusiennes, entre 200 et 400 civils auraient été tués du 27 mars au 1er avril par l’armée malienne et par des mercenaires du groupe Wagner dans le village de Moura, situé dans le cercle de Djenné, dans le centre du Mali. « Si ces chiffres macabres se confirment, il s’agirait du pire massacre causé par les Fama [les forces armées maliennes] », déplore une source diplomatique occidentale.

Dans un communiqué diffusé le 1er avril, l’armée malienne évoque, elle, « une opération d’opportunité aéroterrestre de grande envergure » dans la zone de Moura, menée du 23 au 31 mars, qui a permis la neutralisation de 203 « combattants des groupes armés terroristes ». « Le respect des droits de l’homme de même que le droit international humanitaire reste une priorité dans la conduite des opérations », poursuit l’état-major général des armées.

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Zones d’ombre

Que s’est-il vraiment passé à Moura ? Une semaine après les faits, des zones d’ombre persistent mais des témoignages de survivants commencent à émerger. Fin mars, les Fama et les hommes de Wagner qui les accompagnent en opération dans cette zone depuis janvier auraient été informés que des membres de la katiba Macina, liée au Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), étaient présents à Moura.

« Ce village se situe au cœur de la zone inondée, contrôlée depuis plusieurs années par les hommes de la katiba Macina. Mais cela ne veut évidemment pas dire que tous ses habitants sont jihadistes ou qu’ils sont liés aux groupes jihadistes », précise un bon connaisseur de la zone.

Des hélicoptères de l’armée malienne survolent le village et se mettent à tirer indistinctement sur les habitants

Le 27 mars, une foire avait lieu à Moura. Ce jour-là, selon une de nos sources, plusieurs hommes armés appartenant à la mouvance jihadiste étaient bien présents dans le village pour se ravitailler. En fin de matinée, des hélicoptères de l’armée malienne survolent le village et se mettent à tirer indistinctement sur les habitants. Puis les appareils se posent au sol. Plusieurs militaires maliens et mercenaires de Wagner en sortent, pénètrent dans le village et tirent à leur tour sur des civils. Des renforts viennent ensuite les assister. S’en suivent trois jours d’encerclement et d’occupation du village.

Bilan terrible

Les habitants, essentiellement ceux issus de la communauté peule, sont arrêtés et interrogés. « Ils ont rassemblé une partie des gens et ont commencé à procéder à des fouilles. Ceux qui avaient de la poudre à canon sur eux ou chez eux étaient assimilés à des jihadistes, mis sur le côté et tués sur le champ », explique une de nos sources.

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Des petits groupes sont constitués au fur et à mesure. Certains sont interrogés, torturés et finissent par être exécutés. Le bilan humain, encore imprécis à cette heure, est terrible : entre 200 et 400 personnes auraient été tuées durant ces quelques jours. Certaines sources évoquent notamment une fosse commune de 200 corps près du village.

Dans un communiqué publié le 4 avril, Josep Borrell, le haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères, a qualifié de « très préoccupantes » les informations selon lesquelles « les opérations menées par les forces armées maliennes accompagnées d’éléments russes auraient causé la mort de centaines de personnes dans le village de Moura ».

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Stratégie de la terreur

Comme l’UE, nombre de partenaires internationaux et d’ONG attendent désormais une enquête indépendante de la Minusma, la mission des Nations unies au Mali, sur cette affaire.

Exécutions sommaires à Balaguira, charnier à Dangere-Wotoro… Ces dernières semaines, les accusations d’exactions se multiplient contre l’armée malienne et les mercenaires du groupe Wagner. « Depuis l’arrivée de Wagner au Mali, la logique est d’appliquer une stratégie de la terreur, pour montrer aux populations qu’il ne faut pas collaborer avec les jihadistes. Ils ont certainement voulu faire de Moura un exemple », estime un responsable occidental qui s’inquiète de cette « violence décomplexée ».

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