Islamisme : foire aux échanges d’otages en Libye

À Tripoli, les enlèvements de diplomates et de fonctionnaires étrangers résidant en Libye se multiplient. Objectif de leurs ravisseurs : échanger leur liberté contre celle d’islamistes incarcérés hors du pays.

Retour au Caire, le 27 janvier, des Égyptiens kidnappés à Tripoli trois jours plus tôt. © Reuters

Retour au Caire, le 27 janvier, des Égyptiens kidnappés à Tripoli trois jours plus tôt. © Reuters

Publié le 1 mai 2014 Lecture : 2 minutes.

Le kidnapping de fonctionnaires étrangers, nouvelle stratégie des islamistes libyens ? À défaut de pouvoir semer la terreur dans les capitales voisines, les extrémistes ciblent les diplomates en poste à Tripoli et négocient leur libération contre celle de leurs "frères" incarcérés à l’étranger.

Depuis le début de l’année, ces attaques se sont multipliées. En janvier, deux diplomates et trois employés égyptiens sont enlevés dans la capitale libyenne. Leur rapt survient après l’arrestation de Chaabane Hadiya el-Zway, un chef de milice de Tripoli, le 24 janvier à Alexandrie. L’Égypte ferme alors son ambassade. Après trois jours de négociations, le responsable islamiste ainsi que les fonctionnaires sont libérés.

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Rebelote le 15 avril : Fawaz al-Itan, l’ambassadeur de Jordanie en Libye, est enlevé au cours de l’attaque de son convoi par des hommes cagoulés et armés. Son chauffeur, Mellouk Bathaoui, un Marocain établi en Libye depuis près de trente ans, est blessé par balles. Hospitalisé, il est rapatrié au Maroc avec sa famille. Le lendemain, les ravisseurs font connaître leurs revendications à Amman : ils exigent la libération du Libyen Mohamed Dersi, condamné en 2007 à la prison à vie par la justice du royaume hachémite pour avoir fomenté un attentat.

Les mesures de sécurité renforcées

Le 17 avril, c’est Aroussi Gontassi, le premier conseiller de la représentation de Tunisie, qui est enlevé alors qu’il rejoint son ambassade. Un mois plus tôt, un autre fonctionnaire tunisien, Mohamed Ben Cheikh, s’était déjà fait kidnapper. Dans une vidéo, diffusée sur internet le 21 avril et signée d’un groupe radical jusque-là inconnu, Shebab al-Tawhid ("les enfants de l’unicité"), cet otage, en larmes, exhorte son gouvernement à céder aux exigences de ses ravisseurs. Ces derniers demandent la libération d’islamistes libyens détenus en Tunisie. Plusieurs sources évoquent Hafedh Dhabaa et Imed Liwaj Badr, condamnés, en juin 2012, à vingt ans de prison par un tribunal militaire pour le meurtre de soldats tunisiens.

Résultat : les mesures de sécurité, déjà draconiennes, ont été renforcées dans les représentations diplomatiques, parfois par le biais de sociétés privées qui grouillent à Tripoli. Les fonctionnaires irakiens se savent particulièrement exposés. Leur pays a condamné à mort six Libyens pour terrorisme après en avoir exécuté un autre en novembre 2013.

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Nouvelle ambassade françcaise

Les diplomates et personnels occidentaux sont donc astreints à un couvre-feu et ont interdiction de se déplacer autrement qu’à bord de véhicules blindés. Des engins coûteux et en nombre insuffisant. Prison dorée pour expatriés, l’hôtel Radisson abrite les ambassades de Norvège, de Russie et de France. Cette dernière occupe tout le troisième étage depuis que ses anciens locaux ont été soufflés par un attentat à la voiture piégée, le 23 avril 2013. La nouvelle ambassade française, qui devrait être fonctionnelle d’ici à octobre, se trouve dans une enceinte protégée, à al-Siraj, une proche banlieue de Tripoli. En attendant, les services économiques ont été en partie redéployés à Paris et à Tunis.

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Washington, de son côté, a conditionné le maintien de sa représentation diplomatique au renforcement de son dispositif de sécurité, qui compte actuellement 90 marines. Tunis a indiqué limiter au minimum son personnel sur place, tandis que des États de la région et des "amis de la Libye" n’excluent pas une fermeture provisoire de leurs ambassades. À terme, la recrudescence des enlèvements menace la coopération internationale, pourtant vitale pour l’avenir du pays.

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