Le machisme se porte bien, merci !

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  • Tshitenge Lubabu M.K.

    Ancien journaliste à Jeune Afrique, spécialiste de la République démocratique du Congo, de l’Afrique centrale et de l’Histoire africaine, Tshitenge Lubabu écrit régulièrement des Post-scriptum depuis son pays natal.

Publié le 25 avril 2014 Lecture : 3 minutes.

Mars est derrière nous. Les femmes attendront encore un an avant que les hommes s’apitoient, une fois de plus, sur leur sort. Comme si elles ne vivaient qu’un jour sur 365, un mois sur douze. Si vous êtes attentif – je sais que vous l’êtes -, vous avez suivi avec beaucoup d’intérêt les travaux de l’Assemblée nationale kényane en mars. Alors que le monde entier célébrait la journée dite de la femme, les députés du pays d’Uhuru Kenyatta en ont profité pour examiner une nouvelle loi sur le mariage. Ils se sont particulièrement appesantis sur le mariage dit traditionnel, opposé, dans leur vision, aux mariages civil et religieux. En plein mois de mars, les femmes kényanes ont reçu une douche froide en apprenant ce qui pourrait leur arriver si la fameuse loi était promulguée. Qu’est-ce donc ? Eh bien, dans une démarche outrageusement machiste, les élus (et élues) accordent à l’homme la liberté d’épouser, dans le cadre de la coutume, autant de femmes qu’il lui plaira sans demander l’avis de la première, laquelle ne pourra qu’obéir, applaudir, se taire. Au nom de la loi, le mâle kényan sera polygame. Ainsi, la thèse selon laquelle les Africains sont "naturellement" polygames sera accréditée.

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Imaginons un seul instant que la première femme, blessée dans sa fierté, dans son amour-propre, s’oppose à pareille dérive. Et qu’elle dise à son abruti de mari : "Tu vas voir ce que tu vas voir !" Qu’au bout d’une semaine elle vienne à son tour, chaque jour, présenter au père de ses enfants un nouvel époux sans limitation de quantité. Je m’imagine la communauté des hommes – et des femmes, oui ! – traitant la pauvre de tous les noms, lui déniant le droit à la polyandrie. J’entends les uns et les autres crier au scandale, décréter qu’une femme ne peut défier son mari, se mesurer à lui. Et conclure que la femme n’épouse pas, qu’elle est épousée. Soit. Mais parce que ces chers députés veulent "moderniser" le mariage "traditionnel" en le vidant de toute sa substance, parce qu’ils veulent que les Kényans soient des chefs de harems, pourquoi n’ont-ils pas, dans la même logique, reconnu à la femme le droit de disposer de son corps et d’épouser autant de mâles qu’elle le souhaite ? Pourquoi ne promouvoir que la polygamie ?

Que je sache, dans nos sociétés – je parle des Bantous, qui sont majoritaires au Kenya -, la polygamie n’a jamais été la norme, mais une exception dictée par des circonstances exceptionnelles, par exemple, la stérilité de la première épouse. Celle-ci demandait à son mari d’épouser une seconde femme afin d’assurer la perpétuation de la lignée. Tout le reste n’est que vagabondage sexuel.

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Je suis contre la chosification et l’infantilisation de la femme. Depuis que mars est considéré comme le "mois" de la femme, la gent masculine tient des discours démagogiques que la gent féminine, qui représente plus de la moitié de l’humanité, relaie, hélas, sans que rien ne change. Ces dames sont toujours battues, violées, sous-éduquées, sous-payées, et également sous-représentées dans les sphères politiques malgré l’exigence de parité. Bref, elles ne sont pas considérées, en ce XXIe siècle, comme les égales des hommes. Jusqu’à quand, messieurs les députés kényans et tous les autres machistes ?

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