Diaspora : Tcherno Baldé, un bon job de recruteur

Tcherno Baldé est un informaticien guinéen qui crée des salons de recrutement virtuels, notamment pour la diaspora africaine.

Publié le 30 avril 2014 Lecture : 4 minutes.

Paris, 2007. Tcherno Baldé, 26 ans, salarié d’une société de services informatiques, rêve d’un retour sur le continent qui l’a vu grandir. « Mes copains diplômés et moi partagions le même constat. On serait bien rentrés en Afrique pour un job au soleil à 1 million d’euros. Mais on ne savait pas comment le trouver ! Alors j’ai pensé à une structure internet de rencontre entre candidats en France et sociétés en Afrique.

Mes amis d’enfance guinéens ont été mes premiers « bêta-testeurs » ! » Le jeune ingénieur élabore rapidement une technologie pointue et améliore le concept de salon de recrutement virtuel. Informaticien, commercial, comptable… Il est sur tous les fronts pour créer et vendre son produit – sans gagner d’argent. « J’ai du mal à croire que j’ai fait cela tout seul ! » sourit-il aujourd’hui.

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Pour son tout premier salon, en 2008, il rassemble 7 grandes entreprises (dont Ecobank et Deloitte) et 400 candidats de niveau bac +4 ou +5. L’initiative Waliidays – de walii, « travail » en langue soso – est un succès immédiat. Puis Baldé « fait le saut » : il quitte son employeur pour se consacrer à son projet, et fonde Job2day, en 2010, aux côtés d’une agence spécialisée en innovations, faberNovel. Ils sont quatre associés et réalisent deux éditions des Waliidays – la prochaine aura lieu en octobre 2014.

« Le premier créateur d’entreprise de la famille, c’est mon père ! » s’amuse Tcherno Baldé en évoquant ce chirurgien qui met sur pied une clinique en rentrant au pays, en 1990. Exilé sous la dictature de Sékou Touré, il épouse une traductrice sénégalaise avec qui il a quatre enfants, dont Tcherno, né en 1981 au Gabon. Le garçon y vit sept ans, puis deux au Sénégal et six à Conakry avant de passer un baccalauréat scientifique dans le sud de la France, à Montpellier.

Cap ensuite sur Brest, où il tente, en jouant au basket-ball, d’oublier les degrés perdus en débarquant dans cette ville de Bretagne. Il obtient son diplôme d’informaticien à l’École nationale d’ingénieurs (ENI) puis fait du conseil informatique à Paris. Mais ce passionné de nouvelles technologies développe en parallèle des projets d’innovations que personne ne lui a demandés. Le salariat n’est pas fait pour lui.

Visage calme, c’est toujours à voix basse qu’il fait rire ses interlocuteurs.

À cette époque, il a déjà rencontré une étudiante camerounaise qui deviendra sa femme. « Je n’aurais rien fait sans son soutien, dit-il. Elle est bien plus intelligente que moi ! » Tcherno Baldé est aussi discret que drôle. Visage calme, c’est toujours à voix basse qu’il fait rire ses interlocuteurs.

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Aujourd’hui, le jeune Guinéen a développé un partenariat avec handicap.fr et utilise sa technologie au service de personnes ayant des difficultés pour se déplacer. Le concept Handi2day est créé en 2011, et le 7e salon a eu lieu début avril. Il a réuni 30 000 candidats – contre 1 000 pour un salon classique. « Ce qui me fascine, ce sont les thématiques qui ont du sens, explique Baldé. Ces salons ouvrent aux personnes handicapées des portes qui ne s’ouvriraient pas autrement. Le recrutement à distance règle le problème de la mobilité, mais fait aussi disparaître la vue du handicap. » C’est à partir de sa rencontre avec Nicolas Bissardon, directeur commercial de handicap.fr, que s’est développé un partenariat fondé sur des valeurs communes. « Tcherno a une dimension humaine qui nous a plu, affirme Bissardon. Il a attaqué sa carrière par la face nord, en travaillant pour les chômeurs et les handicapés ! En plus, c’est très rare de voir quelqu’un d’aussi engagé sur le handicap sans être concerné directement. »

Celui qui travaille en jean élimé et en sweat à capuche a récemment signé avec Pôle emploi – l’organisme français qui, entre autres, indemnise les chômeurs – pour une vingtaine de salons en ligne. « François Hollande veut inverser la courbe du chômage : peut-être que, modestement, ce sera un tout petit peu grâce à nous », se réjouit Tcherno. Job2day emploie aujourd’hui cinq salariés, de nombreux prestataires, et vise un chiffre d’affaires de 1 million d’euros. « C’est un visionnaire plus qu’un homme d’affaires, précise Nicolas Bissardon. Monter sa boîte et faire reconnaître sa technologie par les grandes institutions françaises, c’est une performance ! » D’autant plus que Baldé est étranger. En quittant le salariat, le Guinéo-Sénégalais a pris des risques quant au renouvellement de son titre de séjour. Aujourd’hui père de deux enfants français, sa situation est plus simple.

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Tcherno Baldé se rend parfois dans la région de son père – les montagnes du Fouta-Djalon. « Je suis fasciné par les innovations liées à la contrainte et par le caractère inventif de l’Afrique », s’enthousiasme celui qui est pourtant peu impliqué dans le milieu entrepreneurial guinéen. Une installation en Afrique reste une piste possible, mais lointaine. Car le seul vrai problème de la vie parisienne pour Baldé, c’est le climat !

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