États-Unis : petits arrangements entre ennemis

Républicains ou démocrates, les congressmen sont désormais, dans leur majorité, millionnaires. Ils multiplient les délits d’initié et votent des lois qui leur assurent l’immunité. Belle mentalité !

Le plus riche de tous ? Darrell Issa, représentant républicain de Californie. © Manuel Balce Ceneta/AP/Sipa

Le plus riche de tous ? Darrell Issa, représentant républicain de Californie. © Manuel Balce Ceneta/AP/Sipa

Publié le 29 avril 2014 Lecture : 3 minutes.

Pour la première fois dans l’histoire des États-Unis, le Congrès compte une majorité de millionnaires. Selon une étude du centre d’analyse Center for Responsive Politics, plus de la moitié des 535 membres de la Chambre des représentants et du Sénat ont en effet déclaré en 2012 une fortune personnelle d’un montant supérieur à 1 million de dollars (724 000 euros). Le plus riche est Darrell Issa, le représentant républicain de Californie, dont la fortune personnelle, acquise grâce à la commercialisation d’un système électronique contre le vol de voitures, avoisine le demi-milliard de dollars. Mais les démocrates n’ont certes aucune raison de se plaindre !

Alors que le pouvoir d’achat de l’Américain moyen stagne et que de nombreuses villes sont devenues inabordables à New York, Los Angeles ou Miami, le loyer absorbe désormais plus de 40 % du revenu, en moyenne, contre 30 % il y a dix ans -, les parlementaires ont profité à plein de la reprise des marchés boursiers et immobiliers. L’ensemble des Américains les plus aisés sont d’ailleurs dans le même cas. Selon une étude du New York Times, la rémunération des PDG des cent plus grandes entreprises américaines a augmenté en 2013 de 9 % par rapport à l’année précédente, pour atteindre la somme record de 13,9 millions de dollars. Des "supersalaires" qui contribuent à creuser le fossé entre les très riches et… tous les autres. Barack Obama lui-même fait pâle figure avec les 480 000 dollars de revenus déclarés en 2013, son salaire de président représentant à lui seul 400 000 dollars.

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Le problème est que, pour faire de bonnes affaires – ils ne gagnent après tout que 174 000 dollars par an -, les parlementaires utilisent souvent des informations confidentielles acquises grâce à leur travail législatif. Il est arrivé, par exemple, qu’un congressman revende les actions de laboratoires pharmaceutiques qu’il possédait juste avant l’annonce de l’instauration d’une limite au remboursement de certains médicaments fabriqués par ces mêmes laboratoires… On appelle ça un délit d’initié. Quand il arrive que des traders de Wall Street s’y laissent aller, ils savent qu’ils risquent gros : plusieurs dizaines d’années d’emprisonnement.

Rien de tel avec les parlementaires. Longtemps, ils ont en la matière bénéficié d’une assez scandaleuse immunité. L’anomalie a été corrigée le 4 avril 2012 avec l’adoption d’une loi pénalisant ces pratiques et prévoyant un accès public, via internet, aux déclarations de fortune et de transaction des membres du Congrès.

Un flagrant manque de transparence

Las, un an plus tard, alors que le Sénat et la Chambre étaient quasi vides et par le biais d’une procédure d’urgence, le Congrès a adopté un amendement vidant de leur contenu des pans entiers de la loi du 4 avril. L’obligation de déclaration en ligne a par exemple été supprimée pour les collaborateurs et les familles des parlementaires. Et l’analyse des documents mis en ligne a été considérablement complexifiée.

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Ce flagrant manque de transparence a encore été aggravé par une récente décision de la Cour suprême. Quatre ans après avoir instauré les super-PACs, qui autorisent les entreprises et les syndicats à financer sans limite les candidats aux élections, la plus haute juridiction américaine vient de déplafonner le montant des dons que peut faire, tous les deux ans, un particulier. De quoi renforcer la mainmise sur la politique américaine d’une poignée de milliardaires prêts à dépenser des sommes folles pour promouvoir leurs idées, généralement très conservatrices. C’est le cas des frères Charles et David Koch, ou de Sheldon Adelson, le magnat des casinos, que les républicains courtisent sans vergogne en se livrant à une invraisemblable surenchère concernant la défense d’Israël. Ces gens-là – et eux seuls – peuvent sans nul doute se réjouir de la décision de la Cour suprême.

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