Abdelkader, à la rencontre de la bonne société de Touraine
« Un émir à Amboise » (3/4) À partir de 1851, l’émir bénéficie d’un régime de détention allégé. Il peut désormais recevoir et visiter la bonne société de la région, dont il devient rapidement la coqueluche.
« Aujourd’hui, il ne possède presque plus rien ; on ne lui donne jamais d’argent. Il a connu le luxe, et il manque même de certaines choses nécessaires. Il ne se plaint jamais, parce que, avec son caractère élevé et ses idées religieuses, il pense que toute plainte lui est interdite. » L’auteur de ses lignes, Guitton du Plessis, avocat et notable du Loir-et-Cher, est l’un des visiteurs d’Abdelkader en ce début de l’année 1851 à Amboise. Il n’est pas le seul.
Plus de deux ans sont maintenant passés depuis que l’émir et sa suite sont arrivés au château d’Amboise par une froide soirée de novembre 1848. Dans cette grande demeure délabrée, la vie est désormais moins monotone pour l’illustre hôte et les siens en dépit de la privation de liberté, des drames et des affres de l’exil. Stricte au départ, la surveillance s’est peu à peu relâchée. Notables, religieux, officiels… Ils sont désormais quelques-uns à se rendre discrètement au château pour rencontrer l’émir et échanger avec lui.
Il souffre, il est vrai, et beaucoup, mais plus encore des souffrances des siens que de ses propres douleurs »
Dans son appartement, qui renferme une petite bibliothèque, l’émir Abdelkader reçoit au printemps 1849 et pendant plusieurs jours Antoine-Adolphe Dupuch, premier évêque d’Alger de 1838 à 1846. Celui-ci lui avait déjà rendu visite à Pau, où l’émir avait été détenu quelques mois avant d’être transféré à Amboise. Ami de longue date de l’ancien chef de guerre algérien, Dupuch est un ardent avocat de l’émir dont il plaidera la cause dans son livre Abdelkader au château d’Amboise, sorti en 1849 et qu’il dédie au prince Louis-Philippe Bonaparte, le président de la République et futur Napoléon III.
Quel homme l’évêque d’Alger a-t-il laissé en quittant au printemps 1849 cette prison qui fut jadis demeure des rois et des puissants de France ? « Il souffre, il est vrai, et beaucoup, mais plus encore des souffrances des siens que de ses propres douleurs, écrit Dupuch en évoquant le malheur de l’émir et des siens. Il pleure ceux de ses compagnons de captivité qu’il a déjà perdus, sur son fils, sur sa fille, sur son neveu, gracieux enfant de la plus belle espérance ; il craint pour ceux qui restent et qui s’étiolent dans cette étroite enceinte, sous ce ciel étranger. Il craint surtout pour sa mère, sa belle-mère, sa nourrice, à cause de leur âge, de leurs infirmités et de leur perpétuelle séquestration. »
« Comme toujours, il domine sa position »
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