Moeletsi Mbeki : en Afrique du Sud, « l’ANC est à court de leaders »

Les élections provinciales et nationales du 7 mai en Afrique du Sud verront probablement l’ANC l’emporter, avec à la clé la réélection du président Jacob Zuma. Dénonçant les faiblesses du parti au pouvoir, l’analyste Moeletsi Mbeki appelle à de profondes réformes structurelles. Interview.

Moeletsi Mbeki est vice président de l’Institut sud-africain des affaires internationales. © Rex/Sipa

Moeletsi Mbeki est vice président de l’Institut sud-africain des affaires internationales. © Rex/Sipa

ProfilAuteur_PierreBoisselet

Publié le 30 avril 2014 Lecture : 2 minutes.

Frère de l’ancien président Thabo Mbeki et fils de Govan Mbeki – un leader historique de la lutte contre l’apartheid au sein du Congrès national africain (ANC) -, Moeletsi Mbeki, analyste politique, vice-président de l’Institut sud-africain des affaires internationales (SAIIA, rattaché à la prestigieuse université de Witwatersrand), livre une analyse sans complaisance de l’ANC.

Jeune afrique : À quelles surprises peut-on s’attendre lors du prochain scrutin ?

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Moeletsi Mbeki : Le vote en faveur de l’ANC va reculer, mais pas de manière brutale. Il sera particulièrement intéressant d’observer le score des Combattants pour la liberté économique [EFF, de Julius Malema], car ce parti pourrait séduire les électeurs situés à gauche de l’ANC.

Le scandale autour de la villa de Zuma aura-t-il un impact ?

C’est certain. Les Sud-Africains sont très choqués par la corruption. Elle existait sans doute dans le gouvernement de l’apartheid, mais les informations ne filtraient pas. C’est une nouveauté pour nous.

En vingt ans, le gouvernement auquel appartient Jacob Zuma n’a pas changé la structure économique dont il a hérité

La succession de Zuma pourrait-elle être accélérée au profit de Cyril Ramaphosa, le vice-président de l’ANC ?

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Non, ce parti est à court de nouveaux leaders et n’attire plus les jeunes gens dynamiques. Ramaphosa appartient à l’ancienne génération, qui s’est battue contre l’apartheid. Il n’a pas d’idée nouvelle à apporter.

Le secteur minier connaît des grèves à répétition. Est-ce inquiétant ?

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Oui. En vingt ans, le gouvernement auquel appartient Jacob Zuma n’a pas changé la structure économique dont il a hérité, malgré des programmes de redistribution. Le pouvoir a simplement promu une élite africaine dans un système qui, établi par les colons, a fait la part belle à l’industrie minière au détriment de l’agriculture. La première représente entre 55 % et 60 % de nos exportations, et près de 3 millions de Sud-Africains en dépendent. Or elle n’a pas évolué depuis sa création par les Britanniques, au XIXe siècle : elle repose toujours sur l’exploitation de travailleurs nombreux et peu payés. Aujourd’hui, ceux-ci s’opposent à ce modèle et demandent des salaires plus élevés. Il faut réformer : augmenter les qualifications, mécaniser la production et surtout fabriquer les machines en Afrique du Sud pour transférer les mineurs dans cette nouvelle industrie et éviter ainsi l’augmentation du chômage.

Quel parti pourrait supplanter l’ANC ?

Dans notre société industrialisée, la naissance d’un vrai parti de gauche est inévitable. Certains syndicats y réfléchissent en regardant le Parti des travailleurs de Lula da Silva, au Brésil.

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Propos recueillis par Pierre Boisselet

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