Guinée-Bissau : « Umaro Sissoco Embaló ne voulait pas du congrès du PAIGC »

Confronté à une fronde au sein de son parti, l’ancien Premier ministre Domingos Simões Pereira accuse le chef de l’État de vouloir l’écarter de la présidentielle de 2023 en instrumentalisant la justice.

Le président de la Guinée-Bissau, Umaro Sissoco Embaló, à Bissau, le 10 février 2022. © Aaron Ross/REUTERS

Publié le 19 avril 2022 Lecture : 4 minutes.

Trois ans après avoir vu son candidat être battu par Umaro Sissoco Embaló à la présidentielle de 2019, le Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC) est en crise, et son patron, l’ancien Premier ministre Domingos Simões Pereira, sous le coup d’une enquête pour sa participation présumée à une tentative de coup d’État.

L’ancien parti au pouvoir n’a pu tenir son congrès, prévu le 19 mars dernier. La police a fait irruption ce jour-là au siège de la formation, en face de la présidence bissau-guinéenne, dispersant les militants à coups de gaz lacrymogènes. Des affrontements ont opposé les forces de l’ordre et les membres du PAIGC, et se sont soldés par au moins sept blessés. En cause, une décision de justice interdisant l’événement après une plainte déposée en février dernier par une frange du PAIGC, dirigée par Bolom Conté. Ce dernier, qui souligne que Domingos Simões Pereira a terminé son mandat à la tête du parti, estime que l’ancien Premier ministre de José Mário Vaz n’a plus les prérogatives suffisantes pour convoquer un congrès.

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Placé sous contrôle judiciaire en février dans le cadre d’une enquête portant notamment sur une tentative de coup d’État contre Umaro Sissoco Embaló en avril 2021, Domingos Simões Pereira a désormais interdiction de quitter le pays. Dans l’entretien qu’il a accordé à Jeune Afrique, il affirme être la cible d’une procédure politique visant à l’écarter de la course à la présidentielle prévue en 2023.

Jeune Afrique : Le congrès du PAIGC prévu le 19 mars dernier n’a pas pu se tenir. Vous affirmez que son interdiction n’était pas justifiée. Pourquoi ? 

Domingo Simões Pereira : C’est la troisième fois que cela arrive. Les congrès prévus le 17 février, puis le 10 mars, ont été annulés en raison de l’état d’urgence interdisant la tenue des réunions politiques. Mais en réalité, les autres partis ont pu, dans la même période, tenir des réunions sans être inquiétés. Pour la rencontre du 19 mars, notre formation s’était conformée à toutes les exigences légales avant de procéder à son organisation. Mais il est clair que le régime d’Umaro Sissoco Embaló ne voulait pas qu’elle se tienne.

Les forces de l’ordre ont fait usage de gaz lacrymogènes et ont tiré des balles en caoutchouc sur nos militants

L’intervention de la police a pourtant été motivée par une décision de justice, qui avait été saisie par un militant du PAIGC…

Le juge de première instance, sur ce dossier, n’est autre que le neveu du ministre des Finances, Joâo Aladje Mamadu Fadia. En 2018, ce même juge avait déclaré publiquement ne plus être en mesure de statuer sur des affaires concernant le PAIGC… Et c’est lui qui a prononcé l’interdiction de la tenue de notre congrès du 10 mars, en affirmant qu’il n’était pas conforme à nos statuts. Nous avons apporté les modifications demandées, et l’interdiction a donc été levée. Mais la veille de l’événement, le juge a subitement changé d’avis. Il a accepté la requête déposée par l’avocat de Bolom Conté et décidé de l’intervention des forces de l’ordre, qui ont fait usage de gaz lacrymogènes et ont tiré des balles en caoutchouc sur nos militants.

Ce responsable du PAIGC, Bolom Conté, affirme que votre mandat à la tête du parti est terminé, et que vous n’avez donc plus les prérogatives vous permettant de convoquer un congrès. Êtes-vous confronté à une fronde interne ?

Je ne connais pas vraiment Bolom Comté, mais je sais que, parmi nos militants, il fait partie de ceux qui créent des problèmes au sein du PAIGC. Mon combat, au contraire, s’inscrit dans une démarche de cohésion, de maintien de l’unité et de bon fonctionnement du parti.

Pour être candidat, il faut le parrainage de 10 % des militants, ce n’est pas de ma faute si mes adversaires n’y parviennent pas

Certes, mon mandat est arrivé à son terme. Mais une commission ad hoc, désignée à l’unanimité, a été mise en place pour l’organisation du congrès devant aboutir à l’élection du nouveau président du parti. Nos statuts sont très clairs là-dessus. Pour être candidat, il faut avoir le parrainage d’au moins 10 % des militants. Ce n’est pas de ma faute si mes adversaires n’y parviennent pas. Le vote est un exercice démocratique. Il est temps de laisser nos égos de côté et de penser à l’intérêt supérieur du pays.

Vous accusez Umaro Sissoco Embaló d’être à la manœuvre. En quoi le chef de l’État serait-il responsable de cette situation de crise interne ? 

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Ce n’est pas une accusation mais la réalité, et les faits sont connus. L’avocat de Bolom Conté est le conseiller juridique d’Umaro Sissoco Embaló. Il est clair que les instructions viennent directement du palais présidentiel. Pour qui aspire à un poste politique dans ce pays, engager des poursuites contre moi est devenu monnaie courante. Certains fonctionnaires, des ambassadeurs et des magistrats ont obtenu de l’avancement en contrepartie d’une décision de justice, de mon arrestation et d’une atteinte à mon image. C’est cela qui explique la tentative de levée de mon immunité parlementaire et, maintenant, cette interdiction de quitter le territoire prononcée à mon encontre.

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