Libye : népotisme, racket, condamnations à mort… Le « système » Haftar
Après l’échec de son offensive militaire contre le Gouvernement d’union nationale (GUN) en 2020, Khalifa Haftar est parvenu à maintenir son emprise sur une grande partie du pays. Notamment en réduisant au silence les voix discordantes. Jeune Afrique a rencontré des témoins et victimes en exil.
Dans les territoires contrôlés par les forces de Khalifa Haftar, « tous ceux qui s’expriment ou émettent des critiques sont assassinés ou kidnappés, des dizaines d’activistes ont disparu », dénonce Ali Alaspli, directeur de Libyan Crimes Watch, une ONG basée au Royaume-Uni. Dernière victime connue en date : Mansour Atti, le responsable du Croissant-Rouge à Ajdabiya, au sud de Benghazi.
Le jeune homme a croupi dix mois dans une prison secrète. La sécurité intérieure n’aurait pas apprécié qu’il mobilise la société civile pour garantir la transparence de l’élections présidentielle prévue le 24 décembre dernier. Le 2 avril, plus de trois mois après l’annulation du scrutin, il a finalement été relâché.
La députée Siham Sergiwa, qui s’était opposée à l’offensive de Haftar contre Tripoli, n’est elle toujours pas réapparue depuis son enlèvement en juillet 2019. Ses proches pensent qu’elle a connu le même sort que Hanane al-Barassi, une célèbre militante des droits des femmes qui avait dénoncé la corruption du clan Haftar.
Quelques semaines après le cessez-le-feu d’octobre 2020, Hanane al-Barassi avait été abattue en plein jour dans l’une des rues les plus commerçantes de Benghazi. Depuis, « les seules personnes qui ont été emprisonnées en lien avec l’affaire sont ses enfants », pointent les experts des Nations unies dans leur rapport de mars 2022.
Torture et procès militaires
Au sein de sa coalition militaire qu’ont ralliée d’ex-cadres du régime Kadhafi, le maréchal ne tolère pas plus la contradiction. Plusieurs anciens gradés qui ont fui vers l’Ouest ont été torturés et ont subi des sévices sexuelles, selon une équipe d’Amnesty International qui les a rencontrés en février 2022.
« Ils racontent avoir été kidnappés et détenus jusqu’à ce qu’ils acceptent de dire “Haftar est mon maître”, simplement parce qu’ils avaient exprimé un désaccord avec Aguila Saleh [le chef du Parlement basé à Tobrouk, allié politique de Haftar] ou dénoncé le niveau atteint par la corruption », témoigne Hussein Baoumi, spécialiste de la Libye pour l’ONG.
Sur le papier, les institutions libyennes ne sont plus divisées en deux depuis la création d’un nouveau Gouvernement d’union nationale (GUN) il y a un an. Basé à Tripoli, il a été approuvé par la Chambre des représentants de Tobrouk, à l’Est, le 10 mars 2021. Mais dans les faits, les forces armées de Haftar ont conservé le contrôle de l’appareil sécuritaire dans les territoires qu’elles occupent, c’est-à-dire dans la Cyrénaïque (Est) et une partie du sud du pays.
À la différence de l’Ouest, où une myriade de milices concurrentes se partagent le gâteau sécuritaire, Khalifa Haftar a assis son pouvoir sur un système pyramidal, inspiré du régime militaire égyptien.
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