Jérôme Chenal : « Notre nouvelle stratégie rompt avec l’image parfois caricaturale du continent en Suisse »

Le directeur du centre Excellence in Africa de l’École polytechnique fédérale de Lausanne a été sollicité pour participer à la définition de la stratégie de Berne pour le continent.

L’architecte et urbaniste Jérôme Chenal, maître d’enseignement et de recherche à l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL). © Francois Wavre|Lundi13 pour JA

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Publié le 30 avril 2022 Lecture : 3 minutes.

L’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) porte toujours une attention très particulière à l’Afrique. Depuis deux ans, pour y soutenir la recherche scientifique d’excellence, elle a développé l’initiative Excellence in Africa en partenariat avec l’université Mohammed-VI polytechnique (UM6P), située à Ben Guerir, non loin de Marrakech. Dix-huit pays africains participent à ce projet qui doit s’étendre sur une dizaine d’années.

Fin connaisseur du continent, qu’il sillonne en tous sens depuis plusieurs décennies, Jérôme Chenal, 49 ans, est chargé du programme pour l’EPFL, devenue au fil du temps une composante essentielle de la coopération suisse en Afrique. Sollicité à ce titre par le gouvernement confédéral lors de la consultation organisée sur la stratégie 2021-2024 du pays en direction du continent, il nous livre son analyse.

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Jeune Afrique : Quel regard portez-vous sur la coopération suisse en Afrique ?

Jérôme Chenal : En quarante ans de présence sur le continent, notamment pour travailler sur des projets de développement rural, la Suisse a acquis une connaissance du terrain qui lui permet d’apporter une expertise susceptible de répondre aux besoins identifiés par les pays eux-mêmes. C’est notamment le cas au Sahel, où la coopération suisse dispose de réseaux et d’outils, ainsi que d’une connaissance du contexte local, qui lui donnent les capacités de poursuivre son travail sur place même dans la tourmente, comme c’est aujourd’hui le cas.

Le gouvernement confédéral a sollicité l’EPFL pour qu’elle participe à la définition de la stratégie africaine de la Suisse pour la période 2021-2024. Comment se sont passées ces consultations et quels ont été leurs résultats ?

Le Département fédéral des Affaires étrangères a consulté près de 300 personnes et institutions impliquées de près ou de loin en Afrique, dont l’EPFL en effet. Ce qui a permis à tout le monde de prendre connaissance de cette stratégie avant sa validation et, ainsi, de mieux se l’approprier. Son message principal est en rupture complète avec les pratiques suivies jusqu’alors par la coopération extérieure suisse.

Je ne suis pas sûr que la Suisse ait vraiment des ambitions africaines

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Cette stratégie rompt d’abord avec l’image, parfois caricaturale, que la Suisse peut avoir de l’Afrique, pour proposer une vision plus réaliste du continent, sans condescendance. Elle définit également une coopération qui correspond vraiment aux moyens dont nous disposons et à ce que nous souhaitons réaliser sur le continent. La Suisse est un petit pays qui n’a pas les moyens de se lancer dans de très grands projets physiques. Cette stratégie lui impose de rester concentrée sur ses expertises, dans le numérique par exemple, ou dans les plaidoyers pour la paix, entre autres.

Est-elle révélatrice de nouvelles ambitions ?

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Je ne suis pas sûr que la Suisse ait vraiment des ambitions africaines, en dehors de celles affichées par ses grands groupes privés qui voient dans le continent de nouveaux marchés pour développer leurs activités. Berne, de son côté, se préoccupe surtout de mettre de l’huile dans les rouages. Ses ambassades apportent leur soutien, mais ne disposent pas de réseau économique sur place, comme c’est le cas pour la France par exemple.

Cette stratégie est surtout révélatrice d’une prise de conscience des réalités africaines et de leurs enjeux, bien plus vastes que par le passé. Elle correspond également à l’arrivée d’une nouvelle génération de responsables politiques dans le pays, plus ouverte au monde que la précédente et qui affiche la volonté d’en finir avec un certain paternalisme pour écouter enfin ce que les Africains ont à dire.

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