Tchad : notre ami Idriss
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François Soudan
Directeur de la rédaction de Jeune Afrique.
Publié le 29 avril 2014 Lecture : 2 minutes.
Ce n’est pas à 61 ans et après deux décennies et demie à la tête de l’État qu’Idriss Déby Itno va entamer une carrière de tirailleur. Ceux qui en doutaient encore ont appris, le 3 avril, que le président tchadien n’était décidément au service de personne. Sans concertation ni information préalables – pas même de son allié français – "Idi" a annoncé le retrait de son contingent de Centrafrique, le plus important au sein de la force multinationale présente dans ce pays, embarrassant les diplomates et prenant de court les militaires.
Personnage fier et imprévisible, adepte des solutions tranchées – le taux de rotation gouvernementale des ministres tchadiens est l’un des plus élevés du continent -, l’ancien pilote de Transall qui gagna ses galons de "comchef" en écrasant les légions de Kadhafi n’a pas supporté que l’ONU accuse ses boys d’avoir tiré sur un marché banguissois bondé de civils désarmés, le 29 mars, au point de remettre en question l’octroi du label de Casques bleus aux troupes tchadiennes, dans le cadre de l’opération de maintien de la paix que les Nations unies sont en train de préparer en Centrafrique.
Pour le chef de l’État tchadien, qui estime que ses hommes ont agi en état de légitime défense face à la furie islamophobe des miliciens anti-balaka, ce coup de canif porté à l’image de respectabilité qui est la sienne dans la région depuis son intervention au Mali il y a un peu plus de deux ans n’est pas acceptable.
Les Tchadiens ont payé le prix du sang dans l’Adrar des Ifoghas, accueilli des milliers de réfugiés à leur frontière méridionale, protégé les ghettos musulmans du nord-ouest de la Centrafrique, joué le jeu des Français, qui exigeaient le départ du pouvoir de Michel Djotodia et de sa Séléka, et les voici cloués au pilori du Haut-Commissariat aux droits de l’homme, sur la base d’une enquête partielle qui n’a pas jugé bon de recueillir leur propre version des faits !
Au-delà du coup de sang, c’est à un coup de poker auquel s’est livré Idriss Déby Itno. Las d’être considéré comme partie du problème autant que de la solution en Centrafrique, le président entend démontrer qu’aucune stabilisation de ce pays n’est envisageable sans sa propre participation, quitte à laisser entrevoir un vide sécuritaire anxiogène. Message reçu cinq sur cinq à Paris, où l’on a tout fait, depuis le 3 avril, pour obtenir que "notre ami Idriss" ne mette pas la totalité de sa menace à exécution.
Longtemps considéré comme un chef de guerre qui a réussi, puis comme un autocrate sur le fil du rasoir, menacé par des rébellions répétitives, Idriss Déby Itno a chèrement acquis son statut actuel de partenaire fiable et incontournable de la communauté internationale, à la tête d’un pays en pleine phase de décollage économique. Il n’entend manifestement pas le voir remis en question.
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