Rached Ghannouchi : « Les Tunisiens doivent refuser la destruction de leurs acquis »

Rejeté par une grande partie des Tunisiens, le leader islamiste n’en demeure pas moins au centre du jeu politique. Et se pose en principal opposant à la dérive autocratique du président Kaïs Saïed. Entretien.

Rached Ghannouchi, chef du parti Ennahdha, à son domicile, à Tunis, le 18 juin 2019. © Ons Abid

Publié le 8 avril 2022 Lecture : 8 minutes.

Les traits tirés par le cumul des tensions ces derniers mois, Rached Ghannouchi, président d’Ennahdha, est toujours, à 81 ans, en première ligne. Haï par les uns, adulé par les autres, le président de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) est une figure clivante, et l’un des rares dirigeants politiques à se dresser contre le projet du président de la République Kaïs Saïed.

Malgré la dissolution de l’Assemblée, annoncée par le chef de l’État le 26 mars, il continue à s’exprimer. Pour avoir enfreint le gel du Parlement et organisé le 30 mars une plénière à distance, il devrait, ainsi que certains députés, répondre devant un juge des accusations de « complot contre la sûreté de l’État ». Dans un entretien exclusif à Jeune Afrique, le leader islamiste déroule ses arguments et espère que la sagesse prévaudra.

Jeune Afrique : Avez-vous été surpris par la décision de Kaïs Saïed de dissoudre l’Assemblée ?

Rached Ghannouchi : Elle était plausible, mais je ne pensais pas qu’il irait jusque-là. Par le gel du Parlement le 25 juillet 2021, il avait montré qu’il distinguait la dissolution de l’hémicycle d’une suspension d’activité. Il n’ignorait pas que les conditions de la dissolution de l’Assemblée telles que prévues par la Constitution sont très précises et qu’elles ne pouvaient s’appliquer selon la configuration du 25 juillet.

En gelant le Parlement, il reconnaissait son existence, si bien que la dissolution qu’il a décrétée est étrange. D’ailleurs, entre le 25 juillet 2021 et mars 2022, le président Saïed a indiqué plusieurs fois qu’il ne pouvait dissoudre l’Assemblée. Il l’a même réaffirmé deux jours avant de faire tout le contraire. Sa décision est une réaction qu’il n’a pas pondérée, il a réagi au fait que les élus aient tenu une plénière. Selon lui, ils ont passé outre ses directives.

Kaïs Saïed a détruit toutes les instances démocratiques installées depuis dix ans

Est-il vrai qu’en 2013 quand Mustapha Ben Jaafar, président de la Constituante, a souhaité suspendre l’Assemblée en raison de l’escalade des tensions politiques, vous aviez consulté un constitutionnaliste nommé Kaïs Saïed ?

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Effectivement. Il avait été alors clair et précis : Kaïs Saïed avait affirmé que les conditions n’étaient pas réunies pour dissoudre l’Assemblée. Dans un cas de figure similaire, neuf ans plus tard, il a fait exactement ce qu’il estimait être contraire aux dispositions de la loi fondamentale provisoire adoptée par la Constituante et qui ont été ensuite reprises dans la Constitution de 2014.

Le plus absurde est que le président a activé le 25 juillet 2021 l’article 80 de la Constitution au nom d’un danger imminent. Mais ce même article prévoit que, dans ce cas, l’Assemblée est réputée être en plénière permanente.

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