Pedro Sánchez au Maroc : réconciliation en grande pompe
Lors de sa visite éclair au royaume, le Premier ministre espagnol a réitéré son soutien à la position marocaine sur le Sahara. Un événement millimétré et très attendu par Rabat, qui montre des signes d’ouverture sur le sort des enclaves de Ceuta et Melilla.
Après la parole, les actes. Dans la foulée du revirement historique de Madrid en faveur du plan d’autonomie marocain pour le Sahara, le 14 mars dernier, puis d’un entretien téléphonique entre le roi Mohammed VI et le chef du gouvernement espagnol Pedro Sánchez le 31 mars, ce dernier s’est rendu au royaume le 7 avril, accompagné de son ministre des Affaires étrangères, José Manuel Albares.
Pour acter cette réconciliation, qui intervient après un an de brouille, les autorités marocaines ont mis les petits plats dans les grands. À son arrivée à l’aéroport de Rabat-Salé en milieu d’après-midi, Pedro Sánchez a été accueilli par son homologue marocain, Aziz Akhannouch, avant d’être reçu en audience à 17h30 par Mohammed VI au cabinet royal. Les deux dirigeants se sont ensuite rendus à la résidence privée du roi juste avant l’iftar, le repas de rupture du jeûne de ramadan.
À table, côté marocain, le prince héritier Moulay Hassan, le prince Moulay Rachid, le conseiller royal Fouad Ali El Himma – qui n’était pas apparu lors d’un événement officiel depuis longtemps –, Aziz Akhannouch et Nasser Bourita, le ministre des Affaires étrangères.
Un plan de table qui invite à la proximité, voire à l’intimité, et montre l’importance de cette séquence pour les deux États. Selon plusieurs observateurs, il n’y avait pas eu d’événement diplomatique aussi important depuis la visite d’une délégation israélo-américaine le 22 décembre 2020 pour acter la normalisation entre le royaume et l’État hébreu.
Reprise des liaisons maritimes
Il faut dire que le Maroc joue gros : l’appui de Madrid sur le Sahara pourrait faire des émules en Europe et aux Nations unies. Dans une déclaration conjointe, Pedro Sánchez a réitéré son soutien au plan d’autonomie proposé par le Maroc en 2007 pour le Sahara, une initiative qu’il considère comme « la plus sérieuse, réaliste et crédible ». Le Premier ministre espagnol n’a pas évoqué l’ouverture potentielle d’une représentation diplomatique à Dakhla ou Laâyoune, dans le Sahara.
Le Premier ministre espagnol laisse entendre que Rabat pourrait, au moins pour un temps, ne plus exercer de pressions sur les territoires contestés
À l’issue de l’audience royale, une feuille de route en seize points, qui doit régir les « nouvelles relations Maroc-Espagne », a également été diffusée. Parmi les points saillants : la tenue d’une Réunion de haut niveau (RHN) – reportée à maintes reprises depuis 2019 – entre les gouvernements des deux pays avant la fin de l’année en cours, pour travailler notamment sur deux « sujets d’intérêt commun » : la délimitation des eaux territoriales et la coopération en matière d’immigration illégale.
Cette réconciliation marque surtout la reprise « immédiate et graduelle » des liaisons maritimes entre les deux pays, mais aussi la normalisation des « relations commerciales et douanières ». Côté espagnol, on évoque la possibilité d’une réouverture des frontières et des douanes entre le Maroc et l’enclave de Melilla (fermées depuis 2018), et la possibilité pour l’enclave de Ceuta d’être dotée de douanes, une vieille revendication de Madrid.
Une éventualité qui devrait être discutée entre les deux pays au cours des prochains mois. La mesure pourrait offrir une véritable bouffée d’oxygène à Ceuta, dont l’économie, essentiellement basée sur le commerce transfrontalier, est à l’agonie depuis plus de deux ans.
Présides espagnols : Rabat relâche la pression
Pour autant, le Maroc ne s’est pas explicitement engagé à ne plus revendiquer les deux enclaves espagnoles. Interrogé sur ce sujet au cours d’un point presse donné juste après la rupture du jeûne, Pedro Sánchez a affirmé que le statut actuel de Ceuta et Melilla n’était pas « en danger ». De façon subtile, le Premier ministre espagnol laisse donc entendre que Rabat pourrait, au moins pour un temps, ne plus exercer de pressions sur ces territoires contestés.
Autre dossier important, dans le domaine de la coopération militaire cette fois : le contrat de construction, dans les chantiers navals Navantia, à San Fernando (Cadix), d’un patrouilleur Avante 1800 pour la marine royale marocaine, dont la livraison devait avoir lieu en 2024.
Un contrat négocié par le roi Felipe VI en personne en 2020 et suspendu après le « Ghali Gate » en avril 2021. Pour l’Espagne, il s’agit d’un dossier éminemment important puisque la construction d’un tel navire pourrait rapporter 130 millions d’euros et permettre la création de 250 emplois directs sur une période de plus de trois ans. Pedro Sánchez aurait abordé le sujet au cours de son audience avec le roi.
C’est que le Premier espagnol a besoin de marquer des points auprès de l’opinion publique. Juste avant son arrivée à Rabat, Sánchez a essuyé un camouflet au Congrès des députés espagnols, qui a dénoncé l’abandon de la position « historique » de neutralité de Madrid sur le Sahara.
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