Faïza Guène, écrivain à part et entière
Depuis le best-seller « Kiffe kiffe demain », paru il y a dix ans et vendu à 400 000 exemplaires, la jeune auteure n’a pas cessé d’écrire. Dernier opus : « Un homme, ça ne pleure pas ».
Elle a ses petites habitudes, comme quelqu’un qui a beaucoup vécu. Faïza Guène, écrivaine française, 28 ans au compteur, n’a pas pris une ride, malgré le temps qui passe. Le rendez-vous est fixé près de son domicile, dans un troquet du 19e arrondissement de Paris qu’elle fréquente beaucoup. Elle est née en 1985 à Bobigny (Seine-Saint-Denis), a grandi dans la ville d’à côté (Pantin), où elle vit toujours. Ses parents sont tous les deux algériens, d’Aïn Témouchent, une bourgade de 75 000 habitants, à 70 bornes d’Oran, dans l’ouest de l’Algérie. Voilà pour la minibio. À part le serveur, personne ne semble la connaître. « Les gens oublient vite, mais ça ne me dérange pas. J’aime la discrétion et puis c’était il y a dix ans », dit-elle très calmement. La première fois que Faïza Guène est apparue sur les écrans de télé, c’était en 2004. À l’époque, elle venait de publier Kiffe kiffe demain (Hachette Littérature).
À la sortie du bouquin, une consoeur du Nouvel Observateur avait consacré une double page à Kiffe kiffe demain en disant tout le bien qu’elle pensait du livre. Le début d’un emballement médiatique. Ce premier roman casse la baraque. Traduit en 26 langues, il se vend à 400 000 exemplaires. La raison de ce succès ? L’histoire de Doria, une ado de 15 ans qui livre sa vie dans un journal intime, parle à tout le monde. Et surtout, le livre est bien écrit. Pour de nombreux journalistes de l’époque, elle est aussi l’une des rares banlieusardes à être publiée chez un gros éditeur. « Je n’ai jamais compris pourquoi on nous considère comme des écrivains de banlieue, dit-elle. C’est comme si on disait pour quelqu’un qui vient du 16e que c’est un écrivain bourgeois. » Dix ans après Kiffe kiffe demain, son statut a un peu changé. « On me considère de plus en plus comme un écrivain à part entière. Pour preuve, j’ai été invité à La Grande Librairie, l’émission littéraire de France 5, sourit-elle. Et puis en dix ans, d’autres écrivains issus de la banlieue ont émergé, alors forcément les mentalités ont évolué avec. »
Entre Faïza Guène et les livres, c’est une longue histoire d’amour. Elle a sauté la classe de CP pour se retrouver directement en CE1 après la maternelle parce qu’elle savait déjà lire. « Quand le professeur m’a demandé comment j’avais appris à lire, je lui ai répondu « en regardant La Roue de la fortune », dit-elle avec un joli sourire. « Gamine, j’écrivais des tas de petites histoires sur des cahiers de brouillon », poursuit-elle. Douée pour la plume, elle devient, sans surprise, rédactrice en chef du journal de son collège, où un prof de français anime un atelier d’écriture. « Dès le premier cours, j’ai adoré. Je venais tout le temps. Je peux dire aujourd’hui que je dois une partie de mon parcours à ce prof. » Lequel est tombé sur les trente premières pages de Kiffe kiffe demain, le roman qu’elle était alors en train d’écrire. « Je ne l’écrivais pas pour en faire un livre, c’était plutôt un loisir. » Lui pense que Kiffe kiffe demain, qui ne s’appelle pas encore comme ça, mérite d’être publié et insiste pour montrer son pas-tout-à-fait-livre à une maison d’édition. Quelques jours plus tard, Isabelle Seguin, éditrice chez Hachette Littérature, appelle la jeune fille. « Isabelle avait tellement aimé qu’elle m’a proposé de finir d’écrire l’histoire. C’était bizarre, ça s’est fait tellement vite. » On connaît la suite…
Faïza Guène publiera encore deux autres livres, Du rêve pour les oufs et Les Gens du Balto, chez Hachette Littérature avec Isabelle. « On est devenus très proches toutes les deux. Ça a été très dur de la voir partir », raconte-t-elle toujours avec autant d’émotion. Isabelle est morte au printemps 2012, alors que Faïza venait d’entamer l’écriture d’un quatrième roman.
Rédigé en deux ans, Un homme, ça ne pleure pas est sorti en début d’année chez Fayard. L’histoire se passe à Nice, où l’on suit les Chennoun, une famille algérienne, dans ses tumultes. Le livre raconte la transmission, l’héritage et le décalage qu’il peut y avoir entre les générations. Faïza Guène nous entraîne, au fil des pages, dans une histoire drôle et douloureuse à la fois. Est-ce autobiographique ? « Pas vraiment, même si, comme tous les écrivains, je m’inspire de ma vie. » Cette vie qui n’est plus la même depuis que son père a quitté le monde d’en bas : elle relativise beaucoup plus. C’était l’été dernier…
L’avenir, le sien, elle le voit peut-être en Algérie, où elle se rend chaque année. « Ma mère, mon frère et ma soeur sont en France, mais le reste de ma famille est là-bas. » Continuera-t-elle d’écrire de l’autre côté de la Méditerranée ? « Je ne sais pas. J’écris quand je suis inspirée. Dans l’absolu, oui : j’aimerais continuer d’écrire, mais je ne ferai pas un livre juste pour faire un livre. Il faut que j’aie des choses à raconter. »
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