Armée égyptienne : kaki business…
L’annonce par l’armée égyptienne d’un don de plusieurs terrains pour la construction de 1 million de logements sociaux relance les spéculations sur son poids économique et financier.
L’armée égyptienne fait un retour fracassant sur la scène économique avec l’annonce, en mars, d’un don de plusieurs terrains – en tout 160 millions de m2, répartis dans treize provinces, notamment dans le Sud – qui serviront à la construction de 1 million de logements sociaux. Le projet a été confié à Arabtec, une société de bâtiment émiratie.
Ce don, ajouté à l’octroi par le gouvernement de grands projets d’infrastructures d’un montant de 1 milliard de dollars (724,4 millions d’euros) à des sociétés détenues par des militaires, a relancé les spéculations sur un secret bien gardé : le poids économique et financier de l’armée. Cette initiative laisse aussi à penser que les militaires veulent accroître leur influence dans la sphère économique après s’être imposés sur le terrain politique en renversant le président islamiste élu Mohamed Morsi, en juillet 2013.
L’armée, un grand propriétaire terrien
Selon des analystes occidentaux, l’empire économique de l’armée représenterait 40 % de l’économie nationale. Un chiffre largement exagéré, selon le général Mohamed Amin, chargé des affaires financières et des intérêts économiques des militaires. Ce dernier, qui a récemment rejoint le Conseil suprême des forces armées (CSFA), évalue à 1,75 milliard de dollars la valeur totale des avoirs de l’institution au 30 juin 2013, soit moins de 1 % du PIB. "Toutes nos entreprises ont d’abord pour objectif d’assurer à l’armée une autosuffisance afin qu’elle ne devienne pas un fardeau pour les pouvoirs publics", explique le général Amin dans un entretien au Financial Times.
Sur son site web, le ministère de la Défense recense une longue liste d’entreprises sous son contrôle dont les activités couvrent un large spectre.
Sur son site web, le ministère de la Défense recense une longue liste d’entreprises sous son contrôle dont les activités couvrent un large spectre (pâtes, eau minérale, ciment, gaz industriels, insecticides, engrais…). L’armée est également un grand propriétaire terrien, est active dans le secteur de l’agriculture mais aussi de la construction navale et possède ses propres hôtels, clubs et hôpitaux, dont beaucoup sont ouverts au public. Bien que les comptes de cette galaxie d’entreprises demeurent opaques, tout comme le budget de la Défense, le général Amin soutient que les données financières sont transmises à l’agence centrale d’audit chargée de surveiller les dépenses publiques.
Annulation d’appels d’offre
En novembre dernier, le gouvernement de transition avait suscité bien des craintes en annonçant que des appels d’offres pourraient être annulés afin de permettre l’octroi de contrats publics à l’armée ou à des entreprises étatiques de son choix. Selon des analystes proches du gouvernement, cette décision était motivée par la volonté d’accélérer la relance économique dans un environnement postrévolution et de prémunir des ministres contre un secteur privé redouté pour son niveau de corruption. Dans la foulée, l’armée a été chargée de mettre en oeuvre un projet d’aide économique financé par les Émirats arabes unis portant sur la construction de 50 000 logements, des écoles, des centres médicaux et des ponts de chemin de fer. Ce sont des entreprises appartenant à l’armée qui se sont vu confier ces chantiers, sous-traitant certaines tâches à des sociétés privées, lesquelles sont habituées à travailler avec les militaires, jugés plus efficaces que l’État pour mener à bien ce type de grands projets, et plus sûrs en termes de paiement.
Hommes d’affaires et experts sont plutôt sceptiques quant aux affirmations selon lesquelles l’armée détiendrait une part significative de la production nationale. "Je n’y crois pas, confie un économiste cairote. En revanche, les propriétés foncières représentent une richesse importante, ce qui est différent des parts dans le PIB." Si les activités économiques de l’armée sont sans commune mesure avec celles des grandes entreprises du secteur privé, l’institution est plus puissante que jamais, tant financièrement – elle a, en 2011, prêté 1 milliard de dollars à la Banque centrale – que politiquement.
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© Financial Times et Jeune Afrique
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