Entre Brazzaville et Kinshasa, course d’obstacles sur le fleuve Congo
En attendant le pont qui reliera un jour Brazzaville et Kinshasa, maints « pourboires » et formalités s’imposent au voyageur qui veut gagner l’autre rive.
Difficile de s’y retrouver lorsqu’on débarque pour la première fois au "beach", le port fluvial de Brazzaville, pour se rendre à Kinshasa, de l’autre côté du majestueux fleuve Congo. Par où commencer les formalités ? Impossible de le savoir sans l’assistance d’un "démarcheur". Nelson, 32 ans, fait partie de ces "agents" informels qui aident les passagers, moyennant quelques billets, à accomplir les démarches nécessaires à l’embarquement. "Sans eux, on passerait toute la journée à attendre", reconnaît Sophie Bouyou, une Brazzavilloise qui fait souvent la navette entre les deux capitales du monde les plus proches géographiquement… et pourtant si lointaines administrativement. Maints tampons et autant de billets sont en effet nécessaires pour avoir le droit de monter à bord d’une embarcation pour gagner l’autre rive – dans un sens comme dans l’autre.
Après deux heures de formalités, on peut prendre place
Cela commence dès l’entrée du beach. Un agent en civil, assis derrière une table banalisée, vérifie si tous les passagers en partance pour Kinshasa disposent bien d’un laissez-passer ou, pour les ressortissants de la RD Congo, d’une pièce d’identité. Et malheur à celui dont le passeport porte la mention "employé" ! Il devra ajouter à son dossier l’autorisation de sortie de son employeur. Mais "on finit toujours par s’arranger", glisse l’agent. Décodage : un "petit pourboire" suffit généralement à faire oublier l’absence du document exigé.
À l’intérieur du port, c’est un labyrinthe de procédures.
À l’intérieur du port, c’est un labyrinthe de procédures. Sur des bancs alignés devant le bureau du Service spécial frontalier du beach de Brazzaville, des commis de la Direction des chantiers et des transports fluviaux et leurs collègues de la Direction de la navigation fluviale procèdent à l’enregistrement des voyageurs. Outre le ticket de transport (qui coûte 11 000 F CFA, soit 16,77 euros), il faut acquitter divers frais, notamment la vignette sur passagers (400 F CFA), la redevance portuaire (1 200 F CFA) et la taxe sur le colis. Même la Brigade de surveillance et de contrôle portuaire monnaie à 1 000 F CFA sa fouille du voyageur…
>> Lire aussi : Brazzaville-Kinshasa, l’enfer du Beach
Après environ deux heures de formalités, on peut enfin prendre place à bord du Transpool, le canot rapide motorisé qui doit nous emmener à Kinshasa. Des gilets de sauvetage d’un autre âge sont distribués, on ne s’en plaindra pas. Car derrière notre embarcation, c’est pire : passagers, marchandises et animaux (chèvres, poules…) s’installent vaille que vaille dans un autre bateau aux équipements bien plus rudimentaires qui attend encore le feu vert pour se lancer.
Quatre kilomètres et sept minutes de navigation plus tard, nous voilà au beach de Kinshasa. À l’arrivée, des agents de la Direction générale de l’immigration récupèrent cartes d’identité et passeports pour vérification. À deux pas de là, un commis perçoit la redevance portuaire (1 500 francs congolais, soit 1,17 euro). "Bientôt, toutes ces longues procédures seront allégées", rassure Pius Ngoie, conseiller chargé de la planification au ministère des Infrastructures de la RD Congo : "Lorsque le pont sera jeté sur le fleuve, il n’y aura plus qu’un point de passage." Autrement dit, les passagers ne seront contrôlés que dans la ville de départ.
Les Brazzavillois redoutent une invasion des Kinois
Où est en le projet de pont route-rail entre Brazzaville et Kinshasa ? Le financement de l’ouvrage, dont le coût est estimé à plus de 700 millions d’euros, reste à boucler, pour un lancement de l’appel d’offres prévu d’ici à la fin de 2014. Dans les deux capitales, on y croit. Les appréhensions de départ – la province du Bas-Congo craignait que l’activité du port de Matadi ne soit affectée par la concurrence du pont, tandis que les Brazzavillois redoutaient une invasion des Kinois – se sont estompées, rassure-t-on dans les ministères chargés du dossier, où l’on est convaincu qu’avec la croissance économique et la production en constante augmentation il faut créer davantage de voies d’évacuation des marchandises. En attendant, la traversée Brazza-Kin ou Kin-Brazza demeure un parcours du combattant.
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Par Trésor Kibangula
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