Maroc : la culture « saharo-hassanie », une composante comme une autre ?

Dans la Constitution, la culture « saharo-hassanie » est l’un des socles du royaume. Bien pratique pour esquiver la question des discriminations…

La musique gnaoua plonge ses racines au sud du Sahara. © FADEL SENNA / AFP

La musique gnaoua plonge ses racines au sud du Sahara. © FADEL SENNA / AFP

Publié le 24 avril 2014 Lecture : 2 minutes.

Portier d’un immeuble art déco du centre-ville chic de Casablanca, Ali est marocain et noir. Le premier qualificatif est revendiqué. Le second, une évidence à l’oeil. Des petits métiers comme le sien, Casablanca en offre quantité aux nouveaux arrivants poussés par l’exode rural. La trentaine bien entamée, Ali est originaire de la région d’Agdz. Témoignant, par sa géographie et sa démographie, de la proximité du Maroc avec le reste de l’Afrique, cette ville du sud-est du royaume est surtout célèbre pour son bagne, qui accueillit des opposants à Hassan II. Ce dernier avait écrit, au milieu des années 1970, que "le Maroc est un arbre dont les racines plongent en Afrique et qui respire par ses feuilles en Europe". Des racines que, de retour d’une énième tournée sur le continent, son fils et successeur Mohammed VI a réaffirmées.

Arrivé enfant dans la grande ville, Ali n’aborde pas facilement le sujet du racisme. La violence qui émaille parfois le quotidien des étrangers subsahariens au Maroc l’interpelle, bien sûr : "Nous avons une tradition d’hospitalité bien connue. Il faut être à la hauteur de cette réputation. Beaucoup de Noirs subsahariens sont des musulmans comme nous. Les accueillir dignement est une obligation religieuse." Quant au racisme qui vise les Noirs marocains, il est encore recouvert d’un voile pudique. "Il y a parfois des remarques désagréables, reconnaît Ali. Mais je ne pense pas que le terme azzi ["négro"] soit raciste." Et la campagne "Masmiytich Azzi" ("je ne m’appelle pas négro"), lancée le 21 mars par des associations de défense des migrants subsahariens ? Ali n’en a pas entendu parler : "Tu sais, au final, nous sommes tous des Marocains."

la suite après cette publicité

>> Lire aussi : Maroc, halte au racisme anti-noir

Réconcilier le royaume avec son histoire

Cette esquive par le plus grand dénominateur commun est commode. Depuis 2011, le préambule de la Constitution place la culture "saharo-hassanie" au même niveau que les composantes "arabo-islamique" et "amazighe" parmi les socles de l’identité marocaine. Il y est en outre fait référence à l’"affluent africain". Une manière, sans doute, de réconcilier le royaume avec son histoire, qui fut aussi impériale, transsaharienne et esclavagiste. Récemment, l’hebdomadaire TelQuel retraçait les revendications socio-économiques des Haratines, habitants noirs de la vallée du Draâ, descendants d’esclaves amenés de force il y a quatre siècles. Victimes de discriminations diverses (administration, justice, foncier), ils demandent collectivement une égalité de traitement et de meilleures conditions de vie. Comme des citoyens à part entière.

>> Retour au sommaire du dossier

la suite après cette publicité

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires