Racisme : les populations noires, boucs émissaires des milices
Bien que représentés dans les plus hautes sphères, les Noirs sont trop souvent assimilés aux mercenaires de Kadhafi, et, à ce titre, persécutés.
Mis à jour à 18 heures 10
"Pour les Libyens noirs, tout allait bien… jusqu’à la révolution." Tel est le constat, amer, d’un ancien membre du Conseil national de transition (CNT). Pourtant, dans cette Libye plus tournée vers le désert que vers la Méditerranée, la couleur de peau compte bien moins que l’appartenance tribale ou régionale. Mais les rancoeurs politiques et claniques, elles, sont tenaces. Et nul n’a oublié l’influence de Béchir Salah Béchir, l’indéfectible directeur de cabinet de feu Mouammar Kadhafi, souvent seul homme noir des délégations de la Jamahiriya. Né au Niger et issu de l’ethnie touboue, ce fidèle de l’ancien régime représente, pour de nombreux Libyens, le côté intriguant des Libyens noirs.
Amalgame entre Noirs et mercenaires
Personne n’a oublié, non plus, les combattants sahariens – notamment tchadiens – à la solde du défunt "Guide". Dès septembre 2011, pourtant, Jean Ping, alors président de la Commission de l’Union africaine, avait mis en garde le CNT contre le risque d’amalgame entre Noirs et mercenaires. En vain. Après la révolution, des citoyens noirs parmi les plus vulnérables se sont subitement retrouvés livrés à la vindicte de puissants groupes armés. Et aujourd’hui, à Tawergha, petite ville réduite en poussière par les milices de Misrata, des dizaines de milliers de Libyens noirs sont des déplacés internes, claquemurés dans des camps de fortune dont ils ne sortent pas, de peur d’être enlevés, torturés ou, pire encore, tués.
Parallèlement, au sein même du gouvernement et de l’armée, des Noirs ont conservé des fonctions importantes. Le chef toubou Mohamed Sidi Ibrahim, par exemple, est secrétaire d’État au ministère des Martyrs, tandis que le charismatique général Wanis Boukhmada, ancien gouverneur du Fezzan, occupe le poste sensible de commandant des forces spéciales de l’armée à Benghazi, avec des pouvoirs élargis. Enfin, Abdallah al-Theni, le ministre de la défense, à la peau ébène, devenu éphémère premier ministre sur nomination du Congrès général national (CGN, parlement), en remplacement d’Ali Zeidan. Il a finalement démissioné quelques jours plus tard après avoir été victime d’une attaque armée mais continue d’honorer sa fonction jusqu’à la nomination d’un successeur.
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