Finance : le secteur privé, nouvelle priorité de la BADEA
Déjà richement dotée par ses actionnaires, la Banque arabe pour le développement économique en Afrique a reçu une nouvelle injection de fonds propres et veut doubler ses prêts au secteur privé africain.
« Il s’agit d’une preuve sans équivoque que les actionnaires de la BADEA [Banque arabe pour le développement économique en Afrique] sont déterminés à renforcer la position de la Banque sur le marché financier et à accomplir sa mission », assure à Jeune Afrique un représentant de l’institution basée à Khartoum (Soudan) et active depuis 1975 au sud du Sahara.
Pour rappel, statutairement, elle ne peut intervenir directement sur les marchés de ses pays membres parmi lesquels la Libye, l’Algérie, le Maroc, la Tunisie, l’Égypte, le Soudan et la Mauritanie.
Revue du tour de table
Le 7 avril, la banque dirigée depuis 2015 par Sidi Ould Tah, ancien ministre mauritanien de l’Économie, a bouclé une revue en profondeur de son tour de table. Dans un communiqué, elle a salué la hausse de 376% de son capital autorisé, qui passe de 4,2 milliards à 20 milliards de dollars, une « augmentation de capital historique », approuvée « à l’unanimité par les 18 actionnaires souverains de la banque, membres de la Ligue des États Arabes ».
Dans le détail, le capital entièrement versé par les actionnaires est passé de 4,2 milliards de dollars à 5 milliards de dollars. Les pays membres – dont l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, le Koweït et le Qatar, qui contrôlent ensemble 61% de la banque – ont approuvé en outre l’instauration d’une part supplémentaire de 5 milliards de dollars de capital exigible (en cas de besoins urgents) et acté, enfin, la hausse du capital autorisé à 20 milliards de dollars.
Sortie sur les marchés de capitaux
Grâce à ces réformes, reconnaît un porte-parole, la banque se rapproche des autres banques de développement, telles que la BAD qui avait également procédé à la fin 2019 à une hausse des montants des capitaux versés, exigibles et autorisés.
Si l’injection de cash reste limitée, cette nouvelle structure capitalistique permet à la banque multilatérale de mobiliser encore plus de financements, quitte à lever des fonds sur les marchés financiers. En 48 ans d’opérations, elle n’a encore jamais eu recours à l’émission de dette et les 800 millions de dollars injectés au capital ont été puisés dans ses réserves, alimentés par ses bénéfices annuels et qui avaient atteint 1,3 milliard de dollars début 2022.
Si selon l’agence internationale Moody’s, qui lui a accordé en février 2022 une note d’investissement particulièrement élevée (Aa2), les actifs liquides de la banque « pourraient facilement couvrir ses opérations pendant environ quinze ans sans avoir recours aux marchés des capitaux ». La BADEA se laisse la possibilité « d’établir progressivement une petite présence sur les marchés internationaux des capitaux, en particulier pour financer certaines opérations libellées en euros en Afrique occidentale et centrale », note l’agence qui n’entrevoit aucune difficulté dans la réalisation de pareilles levées de fonds.
La part des financements au secteur privé subsaharien est attendue à 20% du portefeuille de prêts d’ici à la fin 2024
La solidité financière de l’institution panarabe a également son revers : le conservatisme affiché dans les financements accordés, avec près de 88% du portefeuille de prêts concentrés au niveau des États, contre à peine 12% pour le secteur privé, selon les analystes de l’agence Moody’s.
Plan 2020-2024
Dans le cadre de son plan 2020-2024, la banque se veut donc plus ambitieuse. « L’augmentation de capital vise à renforcer la mise en œuvre du 8ème plan quinquennal, qui prévoit 1,7 milliard de dollars [de financements] pour le secteur public, 1 milliard de dollars pour le secteur privé, 520 à 600 millions de dollars pour le commerce [entre pays arabes et subsahariens] et 50 millions de dollars pour les subventions », a indiqué à Jeune Afrique le représentant de la banque.
Le précédent plan quinquennal (2015-2019) tablait sur 1,1 milliard de dollars de financements pour le secteur public, 450 millions pour le secteur privé et 250 millions de dollars (en crédit revolving) pour le commerce. L’enveloppe de dons pour l’assistance technique reste stable à 50 millions de dollars. La part des financements au secteur privé subsaharien est attendue à 20% du portefeuille de prêts d’ici à la fin 2024, selon Moody’s.
Entre 1975 et 2020, la BADEA a déboursé 4 milliards de dollars pour des financements en Afrique subsaharienne. Ses revenus bruts en 2020 ont reculé à 282 millions de dollars, contre 391 millions en 2019, du fait notamment de la pandémie du Covid-19.
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