Algérie : face aux pressions du pouvoir, Atmane Mazouz veut relancer le RCD
Dans le collimateur des autorités pour avoir soutenu le Hirak, le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) s’apprête à renouveler ses instances dirigeantes.
La course à la succession à la tête du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD, fondé en 1989) est lancée. Les assemblées générales des wilayas (préfectures) auront lieu entre le 15 et le 30 avril pour élire les congressistes et dégager parmi eux des candidats potentiels, apprend-on auprès d’Aomar Saoudi, président de la commission de préparation du sixième congrès, annoncé pour les 4 et 5 juin prochain. « La liste des postulants reste toutefois ouverte, jusqu’au congrès », précise le cadre dirigeant du RCD à Jeune Afrique.
Le soutien apporté par le RCD aux manifestations populaires qui ont débuté le 22 février 2019 pour s’opposer à un cinquième mandat de l’ancien président Abdelaziz Bouteflika et réclamer la fin du système en place depuis l’indépendance, en 1962, a valu de telles pressions au parti que dans certaines régions, les sympathisants et certains militants redoutent de s’afficher sous ses couleurs.
À moins de deux mois du congrès, Atmane Mazouz, ancien député et membre de la direction du parti, est seul à sortir du bois. Dans une lettre adressée aux militants le 4 avril, il annonce son ambition de prendre les rênes du RCD, formation bien ancrée en Kabylie.
Capitaliser sur le Hirak
« Enfant du parti, ma conviction me dicte de ne pas fuir mes responsabilités en ces moment de difficultés et de terreur. Mon expérience et l’appui dont je dispose au sein de l’encadrement de mon parti et du collectif des militants ont fini par me convaincre de me porter candidat », nous confie l’ancien président du groupe parlementaire.
« S’il y a d’autres postulants, tant mieux, cela permettra une compétition et c’est aux congressistes de décider », ajoute-t-il. Les joutes du pré-congrès sont prévues en mai pour débattre de l’avant-projet des statuts et du programme du parti.
Malgré les persécutions, le parti aura son mot à dire grâce à ses militants aguerris
« Les militants proposent qu’à l’avenir le président du parti soit élu par le conseil national. C’est le principal ajustement qui pourrait être introduit dans les statuts. Pour le programme, les fondamentaux seront maintenus, on va simplement inclure les leçons tirées de la révolution de février 2019 », affirme Aomar Saoudi.
C’est une étape importante dans l’histoire de cette formation politique de l’opposition, constamment dans le collimateur des autorités. Mais l’enjeu de ce sixième congrès n’est pas seulement l’élection d’un nouveau président. Il s’agira aussi pour le parti de capitaliser sur l’expérience et l’audience acquise lors du Hirak pour être au cœur de l’alternative démocratique.
« Le RCD s’investit déjà pour le regroupement des forces démocratiques, nous allons continuer dans cette voie pour imposer un rapport de force. Malgré les persécutions, le parti aura son mot à dire grâce à ses militant aguerris », promet le candidat, sous le coup de plusieurs poursuites judiciaires.
Le 21 octobre 2021, Atmane Mazouz a été condamné à un an de prison ferme, assortie d’une amende de 50 000 dinars (320 euros), après son audition, en mars, par la gendarmerie nationale, sur le déplacement qu’il a effectué à Oran, en décembre 2019, pour soutenir les manifestants du Hirak, durement réprimés lors de ce 44e vendredi.
Pressions judiciaires
En mai 2021, il a été auditionné pendant deux heures par le juge d’instruction près du tribunal de Sidi-Aïch (wilaya de Béjaïa) à propos de ses déclarations et de ses publications sur les réseaux sociaux considérées par la justice comme une « incitation à l’attroupement » et un « outrage à corps constitué et atteinte à la personne du président de la République ». ‘Je sais que la conjoncture est difficile et que d’autres pressions sont à venir. Malgré ça, je n’ai pas hésité à me porter candidat », insiste Atmane Mazouz.
Mohcine Belabbas, président du RCD depuis 2012, qui ne souhaite pas être candidat à sa propre succession, subit lui aussi la pression judiciaire. Le 10 janvier dernier, il a été placé sous contrôle judiciaire par le juge d’instruction près du tribunal de Hussein Dey (Alger) dans le cadre de l’affaire du décès d’un ressortissant marocain qui effectuait des travaux à son domicile.
Mohcine Belabbas a vu son immunité parlementaire levée en décembre 2020 à la demande du ministère de l’Intérieur. Le 6 janvier 2022, le RCD a également reçu une mise en demeure du même département pour avoir abrité dans ses locaux, le 24 décembre, une réunion politique.
Une crise sociale se profile. On ne peut pas réprimer à la fois les libertés et le ventre
Ce jour-là, des militants et des membres de la société civile ont créé, dans l’enceinte du siège du parti, un Front contre la répression et pour les libertés. Dans sa notification, le ministère de l’Intérieur menace d’appliquer les mesures prévues par l’article 66 de la loi organique relative aux partis politiques. En l’occurrence, une suspension temporaire pouvant conduire à la dissolution du parti.
Dès le 23 juin 2020, le ministère de l’Intérieur a saisi la direction du RCD, lui reprochant de mener des activités anti-statutaires, à savoir prêter ses locaux à des organisations non-agréées.
Rapport de force
Quid de l’empreinte à donner au parti après le sixième congrès ? « Le parti a déjà une identité qu’il faut préserver. J’essaierai de renforcer l’apport de la jeunesse et d’insister sur la complémentarité générationnelle », plaide Atmane Mazouz.
Sur le plan politique, « le RCD, qui œuvre déjà pour un regroupement démocratique, va continuer dans cette voie pour pouvoir imposer un rapport de force », dit-il.
« Nos militants savent que la situation est très difficile, le RCD ne peut pas organiser de réunions publiques, ni s’exprimer à la télévision, mais je pense qu’il y a des courants politiques qui ont un ancrage populaire comme notre parti, le Front des forces socialistes (FFS), le Front de libération nationale (FLN) et certains partis islamistes qu’on ne peut pas exclure de la solution. D’autant qu’une crise sociale se profile. On ne peut pas réprimer à la fois les libertés et le ventre. Je pense qu’à la tête de l’État, on est conscient de ça », conclut Aomar Saoudi, également chargé des questions économique au RCD.
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