Street art : Zoo project en toute liberté

L’artiste franco-algérien qui avait rendu hommage aux martyrs de la révolution tunisienne a été retrouvé mort.

Dans le camp de Choucha (Tunisie), à la frontière libyenne. © http://zoo-project.com

Dans le camp de Choucha (Tunisie), à la frontière libyenne. © http://zoo-project.com

Publié le 9 avril 2014 Lecture : 2 minutes.

"La rue a tué l’artiste de rue", soupire Amor Ghedamsi, secrétaire général du Syndicat des métiers des arts plastiques tunisien, repensant à Bilal Berreni, alias Zoo Project, rencontré dans le hasard du bouillonnement postrévolutionnaire. Le jeune street artist de 23 ans, qui avait notamment rendu hommage aux morts de 2011, a fini sa course à la morgue de Detroit (Michigan), fauché par une balle dans la tête.

"C’était un aventurier du macadam, un introverti, inconscient de la violence des villes et épris de liberté. Il se taisait, observait, s’effaçait pour absorber tout ce qui l’entourait", se souvient Halim, un riverain de la rue Zarkoun, à Tunis, où Bilal avait été hébergé quelque temps par une famille. Celui qui porte le prénom du premier affranchi de l’islam a si bien cultivé son anonymat qu’il a fallu neuf mois à la police américaine pour faire le lien entre le corps sans papiers retrouvé en juillet 2013 dans un squat et l’artiste qui redoutait toute médiatisation. "C’est simple : je fuis les gens qui creusent pour en savoir plus sur moi. Je n’ai jamais fait de peintures pour avoir mon nom sur la toile", avait-il écrit au magazine alternatif Article 11.

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Ce diplômé en graphisme et communication qui a fréquenté l’École Boulle, prestigieux établissement parisien d’arts appliqués, a souffert de l’exclusion : "Zoo Project est parti des pigeons. Ils sont là, tout le monde les rejette. Un peu comme pour moi qui peignais sur les murs. On me disait : "Va peindre ailleurs !" C’est une dure leçon : quand tu fais vraiment ce que tu veux, tu restes seul", expliquait en 2011 au quotidien français Le Monde celui qui était admiratif du travail d’Ernest Pignon-Ernest, locomotive de l’art urbain.

S’il refusait de s’exposer, il persistait à transcrire le chaos qu’il traversait. Avec 600 euros en poche, ce Franco-Algérien avait déboulé à Tunis en mars 2011 pour "voir une révolution, car l’art n’est pas en dehors de la vie". D’une discussion avec le frère d’une victime des émeutes surgit l’idée d’immortaliser les martyrs tunisiens, en installant, dans les lieux publics, leurs effigies, grandeur nature, brossées dans le deuil du noir et blanc. Mais l’escadron de papier qui veillait sur une agora naissante n’a pas suffi à protéger l’artiste de la curiosité des médias et des sollicitations. Comme à l’accoutumée, il a fui.

Attiré par "la détresse de ceux qui ne sont plus considérés ni traités comme des humains, parqués dans des non-lieux", c’est avec ses nouveaux amis du camp de réfugiés de Choucha, à la frontière libyenne, qu’il créa la même année au coeur du désert une improbable armada où de grandes voiles, portant l’effigie de ces clandestins – la plupart subsahariens -, signifiaient à la fois l’errance et la liberté. Depuis, le vent de sable a tout emporté, mais Bilal, qui aimait tant brouiller les pistes, laisse une quarantaine de pages écrites lors d’une brève incarcération en Ohio, un documentaire réalisé en Russie et un pan de mur, à Tunis, du côté de la rue du Diwan. "Les oublier serait les tuer une seconde fois", disait-il des martyrs.

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