Turquie : victoire en trompe-l’oeil pour l’AKP

Malgré les affaires de corruption présumée, l’AKP a remporté les élections municipales. Mais moins nettement que les législatives de 2011. Et au prix de nombreuses fraudes.

Recep Tayyip et Emine Erdogan après l’annonce des résultats à Ankara, le 31 mars. © Depo photos/AFP

Recep Tayyip et Emine Erdogan après l’annonce des résultats à Ankara, le 31 mars. © Depo photos/AFP

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Publié le 9 avril 2014 Lecture : 2 minutes.

Le mouvement contestataire de Gezi… Les scandales de corruption et la diffusion d’écoutes téléphoniques liées à ces affaires… L’adoption de mesures liberticides comme le blocage de Twitter et de YouTube… La crainte de voir Recep Tayyip Erdogan glisser de plus en plus vers l’autoritarisme… Rien n’y a fait. Sans surprise, lors des municipales du 30 mars, l’AKP a conservé son statut de premier parti et a remporté son huitième scrutin d’affilée depuis 2002, avec 43,3 % des voix (à l’heure où nous mettions sous presse). Mieux qu’aux municipales de 2009 (38,8 %), mais six points de moins que lors des législatives de 2011, où la formation islamo-conservatrice avait culminé à 49,8 %.

À ceci près que, cette fois, le scrutin est entaché de fraudes. Dans quarante villes, des coupures d’électricité ont perturbé les opérations de dépouillement. À Ankara, où il n’y avait lors du recomptage du 3 avril que 32 000 voix d’écart en faveur de l’AKP, elles étaient dues à l’intrusion d’un chat dans un générateur, a affirmé sans rire le ministre de l’Énergie.

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Malgré les deux mille recours déposés devant le Haut Conseil électoral, le succès de l’AKP est réel. Fort de sa réussite économique, il conserve une base solide – la nouvelle bourgeoisie anatolienne, pieuse et affairiste – et bénéficie de l’incapacité de l’opposition à se renouveler. Ainsi, le CHP (centre gauche) stagne à 25,6 %, tandis que progressent deux partis antagonistes : le MHP (ultranationaliste d’extrême droite), avec 17,6 %, et le BDP-HDP (prokurde), 6,6 % à l’échelle nationale, mais grand vainqueur dans le Sud-Est.

"Le Premier ministre a réussi avec brio à faire passer les accusations de corruption pour un complot contre son gouvernement, explique Emre Erdogan, sociologue à l’université Bilgi d’Istanbul. Selon un sondage sortie des urnes, 95 % des électeurs de l’AKP ont indiqué que ces accusations n’avaient eu aucune influence sur leur vote." Dire qu’elles n’ont pas eu d’impact serait inexact : les déçus se sont à l’évidence reportés sur le MHP, qui gagne deux millions de voix par rapport à 2011.

La Turquie plus divisée que jamais

Conscient de ce début d’érosion, Erdogan saura-t-il avec le même brio se maintenir au pouvoir le plus longtemps possible ? Nul ne sait encore s’il va se présenter à la présidentielle du mois d’août ou s’il va opter pour le statu quo en restant Premier ministre. Mais, à le voir parader le soir de sa victoire au côté de ses proches (dont Bilal, son fils, et deux de ses anciens ministres mis en cause dans des affaires de corruption) et à l’entendre menacer ses opposants, on comprend que des mois de turbulence attendent une Turquie plus divisée que jamais.

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