Venezuela : l’autocrate et la pasionaria

Après deux mois de manifestations souvent violentes, la répression se durcit. Face à Nicolas Maduro se dresse une très charismatique contestatrice. Son nom ? María Corina Machado.

La députée Maria Corina Machado interdite d’entrée à l’Assemblée, le 1er avril. © Miguel gutierrez/EFE/Sipa

La députée Maria Corina Machado interdite d’entrée à l’Assemblée, le 1er avril. © Miguel gutierrez/EFE/Sipa

Publié le 8 avril 2014 Lecture : 3 minutes.

Sept semaines après le début de manifestations antigouvernementales qui ont déjà provoqué la mort de trente-neuf personnes, une issue à la crise est-elle en train de se dessiner ? Rien n’est moins sûr. Le président Nicolas Maduro a certes accepté d’ouvrir le dialogue et de cesser ses attaques verbales et physiques contre les leaders de la contestation. "Je vais bien les traiter pour qu’ils viennent me voir au palais de Miraflores", dit-il. Il a aussi accepté que des observateurs de l’Union des nations sud-américaines (Unasur) se rendent au Venezuela pour superviser la médiation.

Léthargique depuis des mois faute d’être parvenue à élire un nouveau secrétaire général, l’organisation s’est brusquement réveillée et a dépêché à Caracas, quarante-huit heures durant, ses douze ministres des Affaires étrangères. Ces derniers ont tour à tour reçu des opposants, des étudiants protestataires, des représentants de partis proches du pouvoir et de l’épiscopat, et des associations de défense des droits de l’homme. Coalition des partis d’opposition, la Table de l’union démocratique (MUD, en espagnol) a accueilli favorablement la proposition du père Federico Lombardi, porte-parole du Vatican, que Mgr Pietro Parolin, le secrétaire d’État (et ancien nonce apostolique à Caracas), participe aux pourparlers. Maduro n’a cependant pas caché le scepticisme que lui inspire cette initiative : "Ils sont allés chercher le chancelier du Vatican, le pauvre, ils vont lui faire perdre son temps. Ils veulent absolument un témoin ? Eh bien, qu’il vienne !" a-t-il lancé lors d’une allocution retransmise par tous les médias du pays. Mais pour l’opposition, le principal obstacle est moins le gouvernement que ses propres divisions : certains de ses leaders sont de droite, d’autres de gauche.

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Privée de son immunité, Maria Corina Machado risque d’être arrêtée à tout moment

Il y a d’abord Henrique Capriles, le candidat malheureux à la présidentielle d’avril 2013, qui se refuse à enfreindre la Constitution et prône le dialogue. Mais l’émergence dans les manifestations de nouvelles figures plus radicales a changé le visage de la MUD. Leader de Voluntad popular, Leopoldo López est partisan des grandes démonstrations de rue, fussent-elles violentes. Arrêté le 18 février, il est toujours en prison. Mais la vraie vedette de la contestation, c’est l’ingénieure María Corina Machado (46 ans), députée indépendante très largement élue en 2010. Une sacrée battante. En 2011, elle avait lancé à l’adresse du président Hugo Chávez (1999-2013) un slogan resté fameux : "Exproprier, c’est voler !" Le 21 mars, elle s’est rendue à Washington pour participer – en tant que représentante du Panamá – à une réunion de l’Organisation des États américains (OEA). L’Assemblée nationale en a profité pour l’accuser de trahison et pour la destituer. Rentrée au Venezuela le 26 mars, elle n’a pas pu entrer au Parlement le 1er avril et a annoncé qu’elle déposerait un recours en justice pour la restitution de son mandat de députée. Désormais privée de son immunité, elle risque néanmoins d’être arrêtée à tout moment, comme l’en a menacée Diosdado Cabello, président de l’Assemblée et numéro deux du régime. "Elle a gagné un vrai leadership, estime l’analyste politique María Teresa Romero. Le gouvernement multiplie les violations de la Constitution, mais la destitution de Machado est encore plus grave."

>> Lire aussi : Venezuela, Nicolas Maduro reprend la main

Une semaine plus tôt, les maires de San Cristóbal et de San Diego, deux bastions de la contestation, avaient été arrêtés et condamnés en urgence à, respectivement, un an et dix mois de prison. Des élections municipales sont en préparation. "Nous avons déjà nos candidats", a plastronné Maduro. Trois généraux de l’armée de l’air accusés de préparer un coup d’État ont par ailleurs été placés en détention. Hétéroclite, divisée sur les moyens d’agir et durement réprimée, l’opposition n’a au fond qu’un seul dénominateur commun : son rejet absolu du chavisme.

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