Maroc : Mohamed Fizazi, le salafiste de Sa Majesté

« Je n’ai pas retourné ma veste, je la porte désormais à l’endroit », explique Mohamed Fizazi. Condamné à trente ans de prison après les attentats de Casablanca en 2003, cette figure haute en couleur du salafisme local a bénéficié d’une grâce royale au bout de huit ans. Entretien exclusif.

Le cheikh Mohamed Fizazi à son domicile, le 2 avril, à Tanger. © Hassan Ouazzani pour J.A.

Le cheikh Mohamed Fizazi à son domicile, le 2 avril, à Tanger. © Hassan Ouazzani pour J.A.

Publié le 11 avril 2014 Lecture : 26 minutes.

Vendredi 28 mars 2014, Tanger. Mosquée Tariq Ibn Ziyad, à Beni Makada, quartier populaire. C’est ici que Mohammed VI a choisi d’accomplir ses dévotions. Un choix peu banal. C’est ici qu’officie régulièrement le cheikh Mohamed Fizazi, l’une des figures du salafisme local. Condamné à trente ans de prison après les attentats de 2003, il a bénéficié d’une grâce royale au bout de huit ans. La cérémonie de la prière du vendredi est retransmise en direct à la télévision : on voit le roi, flanqué des ministres des Affaires religieuses et de l’Intérieur, pendant les différentes phases de la liturgie : psalmodie d’un poème à la gloire du Prophète, prêche du cheikh Fizazi, qui dirigera enfin la prière. Un événement majeur à l’aune de la personnalité et de l’itinéraire du cheikh ainsi honoré, voire adoubé.

Il n’y a pas de hasard, dit le poète, il n’y a que des rendez-vous. Il se trouve que, quelques semaines auparavant, j’ai pu longuement m’entretenir avec le cheikh Fizazi. Je l’avais rencontré en marge d’un débat sur la chaîne 2M. Le thème en était le takfîr (excommunication) prononcé par un obscur cheikh salafiste contre le leader socialiste qui avait osé remettre en question les stipulations du Coran sur l’égalité entre l’homme et la femme. Fizazi s’était imposé comme la vedette de l’émission : il défendait les positions les plus archaïques, mais savait, avec humour, gagner l’adhésion de l’auditoire. Il réservait ses flèches aux "laïcs", tout en invoquant à chaque occasion l’autorité du roi, Amir al-Mouminine (Commandeur des croyants). Son credo est très simple et implacable : vive le roi, à bas les modernistes ! À coup sûr, l’homme vaut le détour. Aucune réticence à la proposition d’interview et rendez-vous est pris.

Il affiche un faible pour les uniformes, à qui il réserve force salamalecs et bénédictions.

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Week-end salafiste à Tanger exactement un mois avant la visite royale. D’abord le prêche du vendredi. RAS. L’interview était prévue ensuite dans un hôtel. Je l’ai attendu en vain au salon pour découvrir que lui aussi attendait – mais dehors. "Je ne peux pas entrer, on sert ici de l’alcool ! Allons ailleurs." Un complexe touristique déserté hors saison. Il finit par trouver deux chaises et on s’installe dans l’immense salle des mariages désaffectée. Il me montre une porte, c’est la chambre nuptiale. À l’appel du muezzin, il va y faire sa prière avec un compère.

La randonnée dans sa voiture permet de se faire une idée de sa popularité. Tout le monde le connaît et il connaît chacun. Il affiche un faible pour les uniformes, à qui il réserve force salamalecs et bénédictions. Samedi relâche : il donne ses cours. Une autre séance est prévue le dimanche, cette fois dans un endroit plus confortable. Tout au long de ces entretiens, le cheikh fait preuve d’une rare disponibilité, déployant un talent certain de communicant. Simple coquetterie ou ruse de guerre, il récuse le label de salafiste. En l’écoutant, on découvre ce pan de l’islam marocain qui prospère à l’ombre de la monarchie chérifienne. On suppose qu’il est sous surveillance, mais il n’en a pas moins son propre agenda, lequel n’a rien à voir avec la modernité.

Jeune Afrique : Quel est l’état de la piété au Maroc ? Les Marocains sont-ils plus ou moins croyants, disons sur une période de dix ans ?

Mohamed Fizazi : Nous n’avons pas de sondages à ce sujet. Je constate que les mosquées sont plus fréquentées le vendredi. La fréquentation dépend des oulémas qui officient. Certains sont seuls, d’autres drainent les foules.

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Des noms ?

Ne comptez pas sur moi pour prononcer des propos négatifs sur les collègues. Sur les autres, en ce qui concerne Tanger, je peux mentionner les cheikhs Mustapha Bouhiaoui, Mohamed Jardi, Mohamed H’mamou.

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Et Zemzmi ?

La révélation qu’il possède une "grima" de car [déformation de agrément, autorisation administrative pour exploiter un moyen de transport public] l’a tué. De toutes façons, il est interdit de prêche.

Y a-t-il plus de femmes que d’hommes à vos prêches ?

La topographie tranche : l’espace réservé aux hommes est quatre fois supérieur à celui des femmes.

Vous êtes bien un prêcheur officiel ?

J’ai été nommé par le ministère des Affaires Religieuses en 1981. Ma mission avait été naturellement interrompue pendant mon emprisonnement (2003-2011), puis elle a repris en juillet 2013, très exactement le 26e jour du ramadan.

Votre salaire ?

Il ne dépasse pas 1 500 DH.

Êtes-vous soumis à des conditions, à une orientation.

Nullement. Mais il va sans dire que nous respectons spontanément les constantes du pays : l’islam, le rite malékite, l’intégrité territoriale, les institutions, et en particulier la Commanderie des croyants.

Y a-t-il eu de la part des prêcheurs des bévues, des manquements ?

Il est arrivé que le ministère suspende des imams. Exemple : le cheikh Khamlichi, de la mosquée Imam Ali, à Fès, qui avait critiqué le Festival Mawazine en 2013. Plus récemment, un imam à Rabat a connu le même sort, mais je n’en connais pas le motif. Il y a encore le fameux Abounaim, qui avait fait l’objet d’une sanction bien avant ses sorties contre le leader socialiste Driss Lachgar, mais j’ignore les causes de la mesure.

Peut-on dire qu’il y a deux Fizazi ?

Pourquoi deux seulement ? Il y en a de multiples : le Fizazi de la maison n’est pas le Fizazi de la mosquée.

Je m’en tiens à des critères politiques : le Fizazi d’avant les attentats du 16 mai 2003 et le Fizazi d’après sa libération, en 2011.

Si vous voulez.

Fizazi I soutenait publiquement Ben Laden.

Non, il soutenait le jihad en Afghanistan contre les Soviétiques.

Il parlait du "cheikh Ben Laden, que Dieu le garde". Et personne n’a oublié vos passages inspirés sur Al-Jazira.

J’ai effectivement participé, en 1998, à l’émission d’Al-Jazira "À Contre Courant". C’était un débat sur les droits de l’homme avec un Irakien. Puis, en 1999, j’ai été invité à un autre débat, cette fois avec le mufti syrien sur le dialogue des religions.

Et c’est sur cette antenne, évoquant Farag Foda, l’intellectuel égyptien assassiné par les islamistes en juin 1992, que vous avez dit ceci : "Que Dieu bénisse ceux qui l’ont tué !"

C’est vrai. Et je le regrette. Parce que je suis convaincu aujourd’hui que le débat avec Farag Foda et ses semblables ne devrait pas dégénérer en violence, laquelle risque de mener au chaos.

Je regrette toutes ces attaques. Il ne m’appartient pas de juger les autres.

Vous accusiez à l’époque les oulémas marocains d’être corrompus ("soumis au dirham et au rial") et d’être inféodés à l’Arabie saoudite. Vous avez même publié un livre intitulé Oumala, la Oulama (Des agents, pas des savants).

Je regrette toutes ces attaques. Il ne m’appartient pas de juger les autres.

Les oulémas saoudiens n’étaient pas ménagés.

C’est vrai. Je leur reprochais leur soutien sans réserve aux Américains dans la guerre d’Irak. Aujourd’hui, je demande pardon à tous ces oulémas. Je n’avais pas tort sur le fond, mais dans la façon de les critiquer en lançant des anathèmes contre eux (takfîr).

Youssef al-Qaradawi, le président du Conseil mondial des oulémas, en prenait pour son grade.

Il était ma cible préférée. Je lui reprochais son laxisme doctrinal. Avec lui, tout devenait licite (halal). Il distribuait des fatwas à tour de bras, autorisant la vente d’alcool dans un magasin en Europe ! Je n’avais pas pour autant le droit de m’attaquer à sa personne. J’ai eu l’occasion de le rencontrer l’année dernière au Caire et je lui ai demandé pardon.

Tous les partis islamistes étaient vilipendés…

Ils étaient à mes yeux des hérétiques. Je ne supportais pas leur conversion à la démocratie.

Sur ce point précis, qu’est-ce qui vous a fait changer d’avis ?

En vérité, ce sont les démocrates qui ont changé. Au temps de Hassan II, la démocratie était factice, les élections étaient truquées. Aujourd’hui, sous le nouveau règne, la situation est différente, la vie politique se déroule dans une certaine transparence et le jeu démocratique correspond plus ou moins à la réalité. La concurrence entre les acteurs politiques existe ou peut exister. À preuve, le Parti de la justice et du développement (PJD) a remporté les élections et il dirige le gouvernement. Impensable sous Hassan II.

Fizazi I avait une intense activité internationale…

En effet, j’étais souvent invité par des associations culturelles au Royaume-Uni, en Allemagne, en Belgique, en Italie, au Danemark… mais aussi en Algérie. Le thème de mes conférences ne variait guère : l’islam.

Vous avez pourtant séjourné, paraît-il, à Hambourg en même temps que Mohamed Atta, le chef du commando du 11-Septembre.

Je n’en ai jamais entendu parler. Je ne suis resté que dix jours à Hambourg. Je n’avais aucun rapport avec les réseaux jihadistes.

Le jihad est légitime quand il est décidé et mené par l’État.

A-t-on tout dit sur Fizazi I ?

Pas que j’étais déjà hostile au terrorisme, me prononçant résolument pour le jihad défensif. Le terrorisme utilise la tromperie et frappe indistinctement innocents et civils. Il n’obéit à aucune règle. Une autre différence, politique celle-là, est que le terrorisme est le fait d’individus  ou de réseaux secrets, alors que le jihad est du ressort de l’État qui possède les moyens de la défense du pays. En ce sens, le jihad est légitime quand il est décidé et mené par l’État.

Que pensez-vous du 11-Septembre ?

C’est un acte terroriste en contradiction avec les enseignements divins et que rien ne saurait justifier.

Telle a toujours été votre opinion ?

Absolument. Comme j’ai condamné les attentats de Madrid [11 mars 2004, 191 morts, 1 400 blessés] et de Londres [7 juillet 2005, 56 morts, 700 blessés]. Ce qui ne m’a pas empêché d’être hostile à la guerre américaine en Afghanistan et en Irak.

Parlons, si vous le voulez bien, des attentats du 16 mai 2003 au Maroc [45 morts, dont 12 terroristes, et une centaine de blessés]. Votre jugement ?

C’est une catastrophe à tous points de vue, et c’est d’abord en tant que victime que j’en parle. J’ai été arrêté le 28 mai. On estimait que mes idées avaient inspiré les kamikazes.

Quelles idées exactement ?

Mon insistance sur le jihad en Afghanistan était considérée comme un appel au jihad en général et singulièrement au Maroc. Ce que j’étais loin, très loin d’imaginer…

On peut pourtant aisément supposer que des esprits faibles ou exaltés aient pu être influencés par vos idées.

Mais je n’avais aucun lien avec Casablanca ! Tenez, je vais vous révéler un fait qui a son importance. Comme vous le savez, deux kamikazes du 16-Mai ont échappé à la mort. Or j’ai pu rencontrer en prison [à Aïn Bordja], en 2003, l’un des deux, qui s’appelle Mohamed Omary. Je l’ai interrogé sur les hommes qui l’avaient poussé à accomplir son forfait. Il n’en savait rien et était incapable de me fournir la moindre réponse.

Vous savez bien qu’il y a eu des manipulateurs…

Mais moi je ne les connais pas. Sans doute parce qu’ils étaient en rapport avec les kamikazes qui sont morts.

Vous aviez tout de même, disons indirectement, une certaine responsabilité morale…

Non, dans la mesure où il n’y a aucune relation entre l’Afghanistan et le Maroc. Le jihad en Afghanistan durait depuis trente ans. De plus les moudjahidine [talibans] n’avaient jamais monté d’opérations terroristes en dehors de l’Afghanistan. C’est Al-Qaïda qui a introduit de telles pratiques, et je n’ai jamais eu le moindre contact avec ses réseaux.

Votre explication du 16-Mai ?

Pour moi le mystère reste entier. C’est une énigme qui dépasse mon entendement. D’ailleurs, politiquement, c’est une opération absurde, qui n’a aucun intérêt, qui ne profite à personne.

Que pensez-vous de la riposte de l’Etat ?

Il s’est montré très fort malgré les bavures que le roi a reconnues en 2005 dans El Pais. Bavures dont je suis bien placé pour témoigner.

Avec le roi Mohammed VI, le 28 mars, à la mosquée Tariq Ibn Ziyad, à Tanger. © Azouz Boukallouch

Comment s’est déroulé votre procès ?

Le juge a énoncé le chef d’accusation, où il m’est reproché en substance d’avoir théorisé l’action des terroristes. Ma réponse de bon sens : si c’était vrai, je l’aurais fait à Tanger dans les cours que je donne tous les jours. D’autant qu’à Tanger les éventuelles cibles d’opérations terroristes ne manquent pas ! Devant le tribunal, j’ai lancé un défi : si on trouve le moindre lien entre les kamikazes et moi, qu’on me coupe la tête ! Et puis, j’ai adressé quatre lettres à Sa Majesté pour clamer mon innocence en répétant le même argument.

Avez-vous subi des sévices lors de votre détention ?

Nullement. J’ai toujours été traité avec respect. Ce qui n’empêche pas que pendant les six premiers mois, j’étais, comme les autres détenus, privé de tout : ni visites, ni "couffin", ni même un Coran !

Comment était assurée votre défense au procès ?

Par un seul avocat, Me Ibrahimi, dont ma famille a payé les honoraires en contractant un emprunt [60 000 dirhams].

On croyait que Me Mostafa El Ramid, actuel ministre de la Justice et des Libertés, avait assuré votre défense.

Il était l’avocat de Hassan Kettani et de Abdelwahhab Rafiki (Abou Hafs).

Qu’en est-il de la vie en prison ?

Au départ, nous étions soumis à l’isolement, puis nous avons été répartis en trois ou quatre détenus par cellule. Début 2004, nous avons connu une amélioration sensible de notre condition. Je lisais beaucoup. J’écrivais des poèmes.

Je n’hésite pas à dire qu’entre 2005 et 2011 j’ai vécu dans… un hôtel 5 étoiles. À cette différence près que je n’ai pas déboursé un sou !

Comment a été montée la grève de la faim ?

Grâce à l’organisation que nous avons créée ouvertement en prison. La grève a démarré à Kénitra, en avril 2005, avant d’être suivie partout : Salé, Casa, Tanger, Oujda, Meknès, etc. Au total, elle a mobilisé 1 200 prisonniers. Le mouvement a duré presque un mois. Nous nous abstenions de manger mais aussi de boire. L’un des grévistes, qui était malade, a succombé. Nous avons bien entendu utilisé le drame. Pour briser la grève, les autorités ont dispersé les cheikhs : Hamdouchi a été envoyé à Tétouan, Abou Hafs à Fès, moi à Tanger, etc. Notre séparation a été un coup dur. La grève a pris une tournure tragique ; 25 grévistes étaient dans le coma. En guise de nourriture, nos familles nous envoyaient dans les couffins des… linceuls. En tant que chef du mouvement, j’ai adressé une lettre au ministre de la Justice, le socialiste Mohamed Bouzoubaa, pour l’inviter à prendre ses responsabilités, et des pourparlers ont été engagés. Solutions retenues : appel, révision du jugement ou grâce. Les libérations devaient être échelonnées à partir de mai 2005, intervenir par étapes et à l’occasion des fêtes. En contrepartie, nous avions décidé de suspendre la grève. Jusqu’à la première occasion d’élargissement promise pour quelques semaines plus tard. Le pouvoir a respecté son engagement : 34 détenus ont été libérés. En attendant, nous avons eu droit à un traitement privilégié : visites familiales prolongées (une demi- journée), sport, chaînes satellitaires, etc. Et puis il y a eu l’affaire Ryadi (l’attentat du cyber café à Casablanca en 2007), qui a tout remis en question. Plus exactement, les libérations ont été interrompues, mais les privilèges ont été maintenus, en particulier pour les cheikhs. Je n’hésite pas à dire qu’entre 2005 et 2011 j’ai vécu dans… un hôtel 5 étoiles. À cette différence près que je n’ai pas déboursé un sou !

Dans une interview mémorable publiée dans Al-Jarida Al-Oukhra, vous refusiez la grâce.

C’est une affaire de principe : les innocents ne demandent pas la grâce.

C’était ce que vous disiez en 2005. Par la suite, vous avez nuancé votre position.

J’ai en effet déclaré en 2010 que la grâce pouvait être un moyen de corriger une erreur judiciaire. Et c’est en ce sens que nous avons demandé la grâce royale.

Qui a soufflé cette "fatwa" ?

Le procureur du roi.

Pendant votre détention, vous avez eu l’occasion de conférer avec des parlementaires…

Une commission composée d’une dizaine de députés appartenant à différentes tendances nous a rendu visite en 2005 pour débattre avec nous. Nous avons estimé qu’il n’y avait pas matière à débats et nous leur avons fermé la porte. Nous ne sommes ni favorables au terrorisme ni hostiles à la monarchie. Personnellement, comment pourrais-je combattre les institutions alors que je suis deux fois fonctionnaire (enseignant et imam officiel), que ma femme est professeure et mes deux filles étudiantes ?

Comment jugez-vous le traitement par le Maroc du terrorisme islamiste donné en exemple à l’extérieur ?

Le pouvoir a su faire preuve d’anticipation et prendre des mesures préventives. Et il a réussi à assécher les sources potentielles du terrorisme. Son action s’est accompagnée de nombreuses bavures et injustices dont je suis, je ne le répéterai jamais assez, le meilleur exemple.

Venons-en à votre libération.

Elle a eu lieu le 14 avril 2011. J’ai bénéficié d’une grâce royale en dehors de toute occasion avec 91 détenus, dont le cheikh Abdelkrim Chadli, condamné comme moi à trente ans de prison.

Ramid a-t-il joué un rôle ?

À ma connaissance, il n’y a eu aucune intervention d’une quelconque instance [PJD ou Association marocaine des droits humains, AMDH]. Il s’agit d’une décision souveraine du roi. Et c’est pour quoi, à ce jour, je ne remercie personne hormis Sa Majesté. En revanche, Me Ramid a joué un rôle déterminant dans la libération, un an plus tard, de trois cheikhs : Hamdouchi, Kettani et Rafiqi.

Est-ce que le contexte politique créé par le Printemps arabe a favorisé les mesures de clémence ?

Je ne le crois pas, pour la bonne raison que d’autres détenus arrêtés dans les mêmes affaires n’ont pas été élargis. Soyons précis, tout le monde réclamait notre libération : le PJD, le Mouvement du 20-Février, toutes les associations de la société civile. Sans oublier les manifestations incessantes de nos familles devant les prisons. En outre, j’ai tout lieu de croire que les rapports des services sur nos positions et notre conduite nous étaient favorables. Une chose est sûre : le pouvoir ne m’a libéré que lorsqu’il était absolument convaincu que je n’avais aucun lien avec le terrorisme. Les services en étaient persuadés et adressaient des rapports honnêtes et fidèles en haut lieu.

Je tiens la démocratie pour une donnée politique dont il faut s’efforcer de tirer les bienfaits.

Toujours est-il qu’après votre libération, vous n’étiez plus le même homme. À tel point qu’on peut désormais parler de Fizazi II.

À vrai dire, le changement a commencé en prison. Non pas parce que je n’étais plus terroriste – je ne l’ai jamais été –, mais parce que j’ai pris la résolution essentielle d’engager le débat avec mes divers contradicteurs, islamistes ou non. Un deuxième point : ma position à l’égard de l’État s’est totalement modifiée. Désormais, je considère que cet État-là est le mien et que si l’on doit lutter contre l’injustice et la corruption, c’est de l’intérieur de l’État qu’il faut le faire. Avec le pouvoir et non contre. En troisième lieu, je ne rejette plus la démocratie. Je la tiens pour une donnée politique dont il faut s’efforcer de tirer les bienfaits. Aussi ai-je voté au référendum constitutionnel et aux législatives. C’est la première fois que je le faisais.

Pour qui avez-vous voté ?

Je ne veux pas le dire.

Vous êtes devenu un monarchiste "adonf" comme disent les jeunes : "Le califat n’est pas la seule forme de pouvoir selon la charia."

En effet, le Commandeur des croyants est pour nous le calife. La notion de Amir al-Mouminine date, comme vous le savez, de Omar Ibn Khattab, désigné comme le calife du calife Abou Bakr. Et pour éviter l’enchaînement sans fin [calife du calife du calife…], on a opté pour Amir al-Mouminine.

Vous considérez le roi "comme le premier révolté contre l’injustice"…

Je l’ai dit lorsque le roi a anticipé sur une éventuelle révolution dans son discours historique du 9 mars 2011 et piégé du coup le Mouvement du 20-Février.

Ne craignez-vous pas qu’on vous traite d’opportuniste ?

J’ai répondu une fois pour toutes à ce genre d’accusation en affirmant que je n’ai pas retourné ma veste mais que je la porte désormais à l’endroit !

Tout ça c’est de la "bolitique", comme on dit en Algérie. Pourquoi ne pas faire de la politique ouvertement ?

J’ai envisagé début 2012 de fonder un parti. J’en avais même choisi le nom : hizb l-‘ilm wa l-‘amal [Parti de la science et du travail]. Et puis je me suis rendu compte que les conditions n’étaient pas encore mûres.

Mais encore ?

Je fais allusion au climat politique extrêmement tendu avec échanges d’insultes et d’accusations. En créant un parti, je risque d’ajouter à la confusion ambiante. Pour le moment, je préfère me consacrer à la da‘wa [prédication] et ne pas être l’homme d’un parti mais l’homme de tous.

Avez-vous été approché par des partis ?

Oui, le PJD, Al-Nahda wa l-Fadila [Renaissance et Vertu, un petit parti islamiste]. Mais je n’ai pas franchi le pas, pour rester en bons termes avec tout le monde.

Vous vous distinguez par une position double : soutien total à la monarchie et guerre totale à ce que vous appelez les "laïcs"…

Le mot guerre n’est pas approprié, car je n’éprouve pas d’inimitié envers les laïcs. J’ai seulement avec eux des divergences intellectuelles, idéologiques et, partant, politiques. En dehors de notre attachement commun à la patrie et à la paix civile, nous ne sommes d’accord sur rien. Et nous n’arrêtons pas de débattre dans le respect mutuel.

L’ennui avec votre principal contradicteur, l’intellectuel Ahmed Aassid, c’est qu’il connaît parfaitement les choses de l’islam…

C’est au contraire un analphabète ! Je dirais que l’islam n’est pas sa spécialité, pour rester poli.

Mais pourquoi la religion serait-elle du ressort des seuls "spécialistes"?

Nous parlons des sciences de l’islam qui se proposent de comprendre les textes religieux et ce sont ces sciences qui requièrent l’intervention des spécialistes.

Au sujet de l’initiative de Driss Lachgar, le leader des socialistes, proposant d’ouvrir le débat sur la polygamie et l’inégalité dans l’héritage entre femme et homme, vous aviez une position ambiguë. Vous n’étiez pas au fond contre le takfîr du leader socialiste par un cheikh salafiste mais contre la forme dans laquelle il a été prononcé.

Je suis contre le takfîr prononcé par des individus. Le takfîr est du ressort des institutions compétentes et, en fin de compte, du Conseil suprême des oulémas présidé par le Commandeur des croyants.

Je considère mes contradicteurs comme des musulmans ignares.

Vous procédez régulièrement dans vos débats avec les modernistes à une sorte de takfîr de fait de votre contradicteur…

Ce n’est pas exact. Je considère mes contradicteurs comme des musulmans ignares.

Je n’ai pas dit autre chose.

Le musulman ignorant n’est pas kâfir [mécréant].

Mais vous l’excluez du débat.

C’est parfaitement vrai, car, en toute logique, le premier devoir de l’ignorant est d’apprendre ! Si je refusais vraiment le débat, pourquoi m’y prêterais-je régulièrement ? Ce sont souvent les autres, à commencer par le professeur Aassid, qui refusent de débattre avec moi. Récemment, lors d’un colloque organisé à Oujda à l’occasion de la journée de la femme, le 8 mars, tous se sont récusés : Nabila Mounib, Driss Lachgar, Said Saadi…

Vous êtes un défenseur fervent de la polygamie.

Parce qu’elle est légitime à tous égards : selon la charia, le droit et la coutume.

La Moudawana [code de la famille] la limite et la réglemente en en faisant une exception exigeant le consentement préalable de l’épouse.

Mais notre livret de famille prévoit toujours quatre pages pour les épouses et des pages sans limite pour les enfants.

Dans le Coran, le verset cité pour justifier la polygamie évoque "une, deux, trois, quatre femmes", mais aussi clairement des esclaves… Pourquoi vous arrêter en chemin ?

La citation est exacte. Il y a beaucoup à dire sur cette question, mais ce n’est pas le moment…

L’inégalité dans l’héritage édictée par le Coran serait justifiée par le statut dépendant de la femme, qui est à la charge de l’homme. Ce n’est plus le cas aujourd’hui dès lors que les femmes travaillent et gagnent leur vie.

Mais ce n’est pas nécessairement un progrès ! L’homme doit conserver sa place naturelle primordiale. Autrement, nous n’avons plus affaire à une société musulmane.

Que devient le principe universel d’égalité entre l’homme et la femme ?

Il faut parler de complémentarité plutôt que d’égalité. Ce qui n’empêche pas l’égalité entre les sexes dans certains domaines, comme la foi ou les obligations rituelles – lesquelles comportent d’ailleurs des nuances : l’homme est tenu de se rendre à la mosquée, pas la femme. La femme jouit de privilèges comme la rupture du jeûne pendant les périodes menstruelles. La complémentarité ne signifie pas que la femme a un statut inférieur à celui de l’homme.

Supposons que la femme épouse deux hommes et qu’elle tombe enceinte. Qui est le père ?

Mais c’est quand même l’homme qui épouse quatre femmes !

Ce n’est pas par hasard. Supposons que la femme épouse deux hommes et qu’elle tombe enceinte. Qui est le père ? Cette seule donnée évidente clôt toute discussion sur la polyandrie. De plus, n’oubliez pas qu’aujourd’hui les femmes sont plus nombreuses que les hommes.

Que pensez-vous des écrits du Dr. Asma Lamrabet sur le féminisme dans l’islam ?

Désolé, je ne l’ai pas lue.

Et la Constitution tunisienne ?

C’est une Constitution laïque à 100% !

La consommation de l’alcool ?

De tous les points de vue, Coran, Sunna, consensus de la Oumma, il est interdit.

Ici, au Maroc, sa consommation est pourtant tolérée.

Que dire sinon rappeler qu’il est interdit pour les musulmans ?

L’Arabie saoudite doit être à vos yeux un modèle…

Vous vous trompez : c’est un anti-modèle ! Exemple d’aberration : cette interdiction faite aux femmes de conduire une voiture. Aucun rapport avec la charia.

Et la "police des mœurs" qui oblige les gens à prier à l’heure dite ?

Ça se discute.

Et couper la main du voleur ?

Indiscutable. Le Coran est très clair là-dessus.

On doit donc s’empresser de l’appliquer dans tous les pays musulmans sans exception ?

Ce n’est pas à moi de le dire. C’est l’affaire des autorités compétentes.

On parle d’un "islam marocain" qui se distingue par la tolérance.

Il n’y a qu’un seul islam qui est par définition fondé sur la tolérance.

Vous connaissez peut-être le célèbre mot de Voltaire considéré comme le critère de la tolérance : "Je ne suis pas de votre avis mais je suis prêt à mourir pour que vous puissiez l’exprimer."

C’est assurément de belles paroles. Et bien entendu, je suis d’accord.

Pourquoi dites-vous que vous n’êtes pas salafiste ?

Parce que c’est la vérité. Je suis musulman et le Coran nous désigne comme des musulmans et non comme des salafistes. En outre, le terme salafiste a pris ces derniers temps une connotation péjorative, il est synonyme de terroriste, d’extrémiste, de fanatique.

Votre refus de cette dénomination n’est-il pas simplement une astuce, une ruse de guerre ?

C’est simplement le reflet de la réalité.

En deux mots, que retenez-vous du Printemps arabe ?

Une grande révolution qui a échoué.

Que va-t-il en rester ?

L’effondrement du mur de la peur et la liberté d’expression à haute voix. Nous devons parler en tout cas du Printemps démocratique pour ne pas chagriner nos frères amazighs ou kurdes…

Votre position sur la Syrie est ambiguë : vous êtes pour le jihad mais les Marocains ne doivent pas y aller.

Le jihad, parfaitement légitime, est l’affaire des Syriens. Je trouve insupportable que des Syriens viennent mendier devant nos mosquées alors que des Marocains vont se faire tuer inutilement en Syrie ! On voit là-bas des Marocains et même des Tangérois s’entretuer dans deux groupes rivaux (Jabhat al-Nosra et Da’ch) !

Une nouvelle Al-Qaïda s’installe en Syrie.

J’ai toujours été contre Al-Qaïda, nouvelle ou ancienne, dont les méthodes n’ont rien à voir avec la charia.

Et l’Égypte ?

Elle n’a pas fini de souffrir du coup d’État contre la démocratie et la légitimité. Je condamne sans hésitation la persécution des Frères musulmans assimilés à de vulgaires terroristes. C’est une folie.

Morsi est le président de l’Égypte élu par le peuple.

Votre opinion sur Mohamed Morsi ?

Il est le président de l’Égypte élu par le peuple.

Ses erreurs ?

Qui n’en commet pas ?

La Libye ?

Le cheikh Abdelhamid Kichk, le célèbre prêcheur égyptien, disparu voilà quelque vingt ans, avait prononcé publiquement une prière mémorable, implorant le Seigneur que Kadhafi soit tué comme un rat, au milieu des égouts et que sa dépouille ne trouve pas de tombe. Exactement ce qui lui est arrivé.

Khomeiny ?

Je l’ai soutenu comme tout le monde lors de la révolution iranienne sans mesurer les périls du prosélytisme chiite…

A-t-il touché le Maroc ?

Je le crains malheureusement, mais ce n’est pas encore un phénomène significatif.

Que pensez-vous de l’accord qui se dessine entre les États-Unis et l’Iran ?

Ce n’est guère surprenant.

L’Arabie saoudite s’en inquiète beaucoup, paraît-il…

Et alors ?

Votre sentiment sur le conflit entre sunnisme et chiisme ?

En s’en prenant aux Compagnons du Prophète, les chiites ont commis un crime impardonnable.

"La pêche est une véritable addiction. Deux ou trois fois par semaine, j’enéprouve le besoin irrésistible". © DR

Parlons maintenant de Mohamed Fizazi, l’homme.

Je suis né en 1950 dans la tribu des Mernissa, entre Taounat, dans la région de Fès, et Taza. Mon père, le cheikh Mohamed, lauréat de la Qaraouiyine, était capitaine des Forces armées royales [FAR] et y prêchait avec le titre de morchid [équivalent d’aumônier]. Il avait édifié sur ses propres deniers la mosquée Aboubakr Esseddik à Fès. C’est auprès de lui que j’ai entamé mon apprentissage des sciences de la charia.

Vous ne parlez jamais de votre mère.

Elle s’appelait Maïmouna et était issue du même milieu. Elle est décédée lorsque j’étais en prison et je n’ai pas été autorisé à assister à ses funérailles. J’étais son unique enfant et j’avais 2 ans quand elle a été répudiée. J’ai été élevé loin d’elle.

On dit que vous avez eu une adolescence dissolue…

Je me tenais à l’écart de la religion, passionné de cinéma et de musique arabe. Mes idoles : Oum Kalthoum, Abdelwahab, Abdelhalim, Sabah Fakhri, Asmahane, Faïrouz… Les Marocains aussi : Abdehadi Belkhayat, Abdelwahab Doukkali, Mohamed Hayyani. J’aimais chanter, composer des poèmes. J’étais passionné également de dessin, de peinture. J’exécutais des portraits, des paysages…

Le sport ?

Le foot, avec ma taille, plus de 1,90 m, j’étais goal bien sûr. Le handball aussi.

Des étés inoubliables, sur la plage de Martil, dans le Nord…

J’habitais chez ma tante et c’était la fête pendant deux mois.

"Outre une belle allure, j’avais le goût des chansons et de l’humour à tout crin." © DR

Les filles ?

Comme tous les jeunes. Avec un avantage sur les autres : outre une belle allure, le goût des chansons et de l’humour à tout crin. Je me suis marié à l’âge de 22 ans avec la fille du cheikh Mohamed Jbari laquelle avait 15 ans et qui m’a donné dix enfants.

Comment s’est opéré le changement de personnalité ?

En 1976, à 26 ans. J’avais attrapé la typhoïde et dû être hospitalisé pendant deux semaines. Un fait curieux m’avait profondément ébranlé : aucun de mes innombrables amis, sans doute des laïcs ! ne s’était soucié de mon sort et ne m’avait rendu visite. Et, bizarrement, un fqih, imam dans la mosquée de mon père qui ne ratait pas une occasion de me sermonner et que je détestais cordialement, avait eu une attitude très différente. Lui, il était venu me voir à l’hôpital et prenait régulièrement de mes nouvelles. J’en étais extrêmement touché, puis métamorphosé. Après ma guérison, je me suis éloigné de mes amis avant de me consacrer à l’étude de l’islam. Je dévorais les livres classiques : charia, langue, grammaire… Je suivais les cours des grands cheikhs comme Taqieddine al-Hilali ou Qadi Zoubeir…

Que reste-t-il de votre période "laïque", comme vous dites ?

La pêche. Une véritable addiction. Deux ou trois fois par semaine, j’éprouve le besoin irrésistible d’aller à la mer, parfois jusqu’après minuit.

Quel est au juste votre cursus ?

J’ai d’abord fréquenté l’école coranique. A partir de 1957, j’ai eu droit à l’école moderne à Rabat dont je fus lauréat en 1970. J’ai entamé une carrière dans l’enseignement : prof de français et de maths à Fès, Mohammedia et enfin Tanger. Parallèlement, je poursuivais mes études islamiques pour obtenir une licence à la Qaraouiyine.

Vous avez beaucoup écrit…

Mon premier livre, "Le message de l’islam", se voulait une critique d’Abdessalam Yassine [le leader d’Al Adl Wal Ihsane]. Tiré à 50 000 exemplaires, il est épuisé. Ont suivi une vingtaine d’ouvrages sur la charia, la démocratie, la Moudawana…

Quand a eu lieu votre deuxième mariage ?

En 1998, avec une collègue, prof de français, âgée de 38 ans. Nous avons eu deux enfants qui ont aujourd’hui 14 et 11 ans. C’est en 2012, après ma sortie de prison, que j’ai contracté mon troisième mariage avec une Palestinienne de 34 ans. Je l’ai rencontrée au Caire. Journaliste de formation, elle travaillait comme réalisatrice de télévision. Elle m’a donné une fille et nous attendons ces jours-ci un heureux événement [Depuis, une fille est née et a reçu le prénom Amina]. Au total, ma famille se compose de 3 épouses et de 14 enfants (dont 2 garçons). Et j’ai 9 petits-enfants.

Un détail : comment avez-vous obtenu l’accord de la première épouse prévu par la Moudawana ?

Secret de fabrication !

La quatrième, c’est pour quand ?

Rien n’est prévu faute de moyens.

Pouvons-nous parler de vos revenus ?

Mes émoluments attribués par le ministère des Affaires religieuses au titre d’imam, ajoutés à ma retraite d’enseignant, ne dépassent pas 3 000 Dh. Heureusement, il y a le commerce. On ne le sait peut-être pas, mais j’ai été un marchand d’huile d’olive prospère. Je me suis également adonné à la spéculation foncière. En outre, deux de mes épouses gagnent leurs vies ou plutôt notre vie. Enfin, mon père est riche et m’aide à l’occasion. J’ajoute que quatre de mes filles sont mariées et vivent en Europe : deux à Bruxelles, une à Barcelone et une à Hambourg. Ma famille est, Dieu merci, unie et solidaire.

Vos trois épouses vivent-elles dans la même maison ?

Chacune a son appartement et dans des quartiers différents. Il faut diviser pour régner !

Elles s’entendent bien ?

En tout cas elles ne me font pas la guerre. Et c’est déjà beaucoup.

Elles n’ont pas, j’imagine, le même comportement à votre égard ?

C’est vrai. Quand je sors, la Palestinienne me souhaite de revenir, grâce à Dieu, en pleine forme. Et les Marocaines me demandent de ne pas oublier de descendre la poubelle !

Qui s’occupe des enfants ?

Le Prophète n’aimait pas les femmes mais ses femmes. Nuance.

Je mets la main à la pâte.

Le Prophète aimait beaucoup les femmes…

Vous connaissez le hadith : "Il m’a été donné d’aimer ici-bas trois choses ; le parfum, les femmes et la prière." Je corrige votre propos : le Prophète n’aimait pas les femmes mais ses femmes. Nuance.

À vous entendre, l’islam est une religion d’homme.

Comme le dit le Coran, l’islam est une religion pour l’humanité.

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Propos recueillis à Tanger par Hamid Barrada

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