Arabie saoudite : la vieillesse s’éternise sur le trône

En élevant son demi-frère au rang de vice-prince héritier, le roi Abdallah sécurise la succession. Pendant que la génération suivante trépigne d’impatience. Et prend de l’âge.

Moqrin Ibn Abdelaziz fut notamment chef des renseignements de 2005 à 2012. © Fayez nureldine/Reuters

Moqrin Ibn Abdelaziz fut notamment chef des renseignements de 2005 à 2012. © Fayez nureldine/Reuters

Publié le 15 avril 2014 Lecture : 4 minutes.

Le 27 mars, à la veille d’une visite très attendue du président américain Barack Obama, Moqrin Ibn Abdelaziz a été nommé vice-prince héritier par son demi-frère le roi Abdallah, 89 ans. Et le décret royal de préciser que Moqrin accéderait au pouvoir "en cas de vacance simultanée des postes de prince héritier et de roi". D’après Asharq al-Awsat, le quotidien londonien propriété de Fayçal Ibn Salman, fils de l’actuel ministre de la Défense et prince héritier, cette annonce vise à "mettre le pays à l’abri des situations désagréables" qui "pourraient survenir dans un contexte régional instable". L’éditorial du journal, généralement considéré comme un porte-parole officieux de la famille royale, souligne "l’importance de trancher rapidement la question de la succession afin de prévenir les incertitudes". Autre média propouvoir, Al-Arabiya, la chaîne d’information panarabe contrôlée via le holding MBC (famille Hariri), a donné, peut-être involontairement, des indices sur le scénario des événements futurs : le site web de la chaîne avait visiblement prévu d’annoncer une autre nouvelle que la nomination de Moqrin. Des copies d’écran qui ont circulé sur Twitter montrent que l’adresse URL de l’article paru le 27 mars en fin d’après-midi comportait une mention directe d’une abdication d’Abdallah. Ce dernier est apparu le surlendemain au côté d’Obama. Équipé d’un appareil respiratoire, dont le tube est visible sur la photo prise par Pete Souza, le photographe officiel de la Maison Blanche, il est notablement affaibli.

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Dans un système politique où les informations sont rares, à commencer par les dates de naissance des puissants, on a tout de même appris de source officielle que la nomination de Moqrin avait été approuvée par "plus des trois quarts" des trente-quatre membres du Conseil d’allégeance. Cet organe mis en place par l’actuel roi est chargé de régler les questions de succession et de nominations aux plus hautes fonctions. La simple mention d’une majorité fait sourire certains commentateurs, qui raillent le poids désormais connu de l’"opposition" : un quart de l’establishment. Le Conseil de l’allégeance rassemble les trente-quatre branches des fils du roi Abdelaziz (décédé en 1953). Les petits-fils, prenant la relève de leurs défunts pères, y sont de plus en plus nombreux. Mécaniquement, le saut de génération devrait se faire, mais pas trop vite, puisque Moqrin apparaît comme un prince héritier, et un futur roi, de transition. Âgé d’environ 70 ans, Moqrin est un personnage central dans le dispositif du roi Abdallah, qui l’avait nommé, il y a un an, vice-Premier ministre. Pilote de chasse diplômé de Cranwell, au Royaume-Uni, il a été successivement gouverneur de Haïl, puis de Médine, et directeur général des renseignements de 2005 à 2012. Il n’appartient pas à la branche des Soudaïri, la faction la plus influente des descendants du roi Abdelaziz et de son épouse Hassa Bint Soudaïri.

Pour Moqrin, cette promotion n’aurait pas été possible sans l’acquiescement de l’actuel prince héritier, Salman. À 80 ans, ce dernier a une santé chancelante. Il est souvent absent pour des raisons médicales et passe de longues périodes de convalescence à l’étranger, notamment au Maroc. Alors qu’Abdallah, roi depuis 2005, a déjà usé deux princes héritiers – Sultan est décédé en 2011 et Nayef l’année suivante -, beaucoup pensent que Salman risque bien de ne jamais monter sur le trône. La faute à la biologie certainement, mais aussi à un curieux mode de succession. À Riyad, le pouvoir se transmet de frère en frère parmi les fils du roi Abdelaziz. Jusqu’à extinction de cette lignée, le pouvoir ne se rajeunit plus. D’où les appels répétés à passer la main à la génération suivante ; les petits-fils d’Abdelaziz trépignent depuis une vingtaine d’années et la longue agonie du roi Fahd, qui a régné de 1982 à 2005. Le fils de ce dernier, Mohamed Ibn Fahd, a été gouverneur de la province orientale, celle où se concentrent les gisements de pétrole et la minorité chiite. Il a cédé ce poste en 2013 pour n’avoir pas su contrôler des émeutes locales. On le crédite d’un grand appétit en matière d’affaires et de commissions diverses. Autre prince en vue, Bandar Ibn Sultan est actuellement très discret. Il récupère d’une opération à l’épaule. Chargé du dossier syrien – il soutiendrait plusieurs groupes rebelles armés -, c’est l’un des hommes les plus appréciés des États-Unis, où il a été ambassadeur. Son surnom : Bandar Bush, pour sa proximité avec les deux anciens présidents américains. Son handicap : sa mère est une servante yéménite.

Duel de petits-fils

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Le match devrait se jouer entre Miteb Ibn Abdallah et Mohamed Ibn Nayef. Miteb est le fils aîné de l’actuel roi, il dirige la Garde nationale et a été élevé au rang de ministre. Dans un système reposant sur la primogéniture, il aurait été le successeur évident. Son concurrent le plus sérieux reste son cousin Mohamed Ibn Nayef : ministre de l’Intérieur, il a poursuivi avec succès la politique antiterroriste, survivant à une tentative d’assassinat à la bombe en 2009. Le problème de ces petits-fils d’Abdelaziz est qu’ils sont souvent déjà grands-pères. Même si le pouvoir leur échoit, les problèmes d’âge et de santé se poseront à nouveau très rapidement.

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