Justice : après Simbikangwa, qui ?
Patrick Baudouin est président d’honneur de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH).
Le procès de Pascal Simbikangwa, qui s’est déroulé du 4 février au 14 mars 2014 devant la cour d’assises de Paris et s’est soldé par la condamnation de l’accusé à vingt-cinq années de réclusion criminelle pour génocide et complicité de crimes contre l’humanité, a constitué une remarquable avancée de la justice française, allant dans le sens d’une progression des procédures à l’encontre d’accusés de génocide se trouvant dans l’Hexagone, en suspens depuis de nombreuses années.
Cependant, ce procès a également mis en lumière, a contrario, le retard considérable pris par les autorités françaises sur ces dossiers. Manque de moyens des juges, interférences politiques, rupture diplomatique entre Paris et Kigali : nombreux ont été les obstacles dressés sur le chemin des victimes rwandaises et des ONG qui avaient saisi la justice française.
La création d’un pôle spécialisé dans les crimes de génocide, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre au sein du tribunal de grande instance de Paris, en janvier 2012, a sans nul doute constitué un tournant majeur. Elle a permis de faire en sorte que des magistrats spécialisés dans ce type de dossiers relatifs à des crimes internationaux commis à l’étranger se consacrent exclusivement à ces affaires.
Deux autres dossiers qui concernent le génocide des Tutsis au Rwanda sont aujourd’hui en cours devant les juridictions françaises, qui doivent y consacrer la même attention afin de les mener à terme. Le premier concerne des plaintes déposées en 2004 et 2005 par des victimes rwandaises concernant des allégations de viols et d’autres crimes, ainsi que de complicité de génocide, portées à l’encontre des militaires français présents au Rwanda dans le cadre de l’opération Turquoise. Le second dossier, plus récent, concerne une plainte déposée en juin 2013 par la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH), la Ligue des droits de l’homme (LDH) et l’association Survie à l’encontre de Paul Barril pour complicité de génocide, pour avoir notamment signé le 28 mai 1994 et partiellement exécuté un contrat d’assistance de fourniture d’armes et de munitions, de formation et d’encadrement, avec le gouvernement intermédiaire rwandais, au plus fort du génocide.
Ces deux procédures viennent utilement compléter le panorama des affaires en cours devant la justice française concernant le génocide des Tutsis au Rwanda. Elles sont importantes car elles peuvent contribuer, directement ou indirectement, à éclairer davantage le rôle de la France pendant cette période. À l’heure où nous commémorons les vingt ans du génocide, il est essentiel que la lutte contre l’impunité pour les crimes commis en 1994 puisse enfin progresser en France.
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