L’Afrique victime de discrimination sur les marchés financiers ?

Malgré des niveaux d’endettement plus bas que les pays riches, les États d’Afrique subsaharienne consacrent une part disproportionnée de leurs revenus – jusqu’à quatre fois la moyenne en Occident – au remboursement de leurs dettes. Cette situation peut-elle durer ?

La dette publique brute des pays africains est estimée autour de 60 % du PIB en 2021, contre un peu plus de 40 % du PIB en 2015. © Getty Images

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Publié le 13 avril 2022 Lecture : 3 minutes.

C’est un tableau sombre que dépeint le nouveau rapport sur le « Financement du développement durable ». Rendu public le 12 avril et consacré au dépassement du « Grand fossé financier » (« The Great Finance Divide »), cette étude met en exergue l’impact dévastateur de la pandémie du Covid-19 que vient aggraver la crise en Ukraine. Sous l’égide des Nations unies, la « task force » pilotée par le Chinois Liu Zhenmin, secrétaire général adjoint de l’ONU, rassemble une soixantaine d’institutions dont la Banque mondiale, l’OMC mais également le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire.

Selon leurs estimations, le PIB par habitant au sud du Sahara en 2021 est inférieur de 5 % aux niveaux prédits avant la pandémie. De même : 77 millions de personnes supplémentaires – soit trois fois la population de la Côte d’Ivoire – vivaient dans l’extrême pauvreté en 2021 par rapport à 2019. Ce qui représente un recul de « près d’une décennie » dans la lutte contre la pauvreté.

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À quel niveau maintenir le ratio dette/PIB ?

Face à une situation aussi sévère, la task-force onusienne s’alarme du profond handicap financier qui touche les pays en développement dont la grande majorité sont africains. La dette publique brute des pays africains est estimée autour de 60 % du PIB en 2021, contre un peu plus de 40 % du PIB en 2015, une très nette remontée. Ce niveau reste cependant inférieur aux ratios moyens constatés dans les pays développés (près de 120 % du PIB) ou en Asie de l’Est (environ 100 %).

Le fossé financier existe. Il n’est pas nouveau, ni propre aux pays africains…

« Alors que la charge du service de la dette dans les pays développés reste faible, même à des niveaux d’endettement élevés », cette enveloppe représentent au moins un quart des recettes publiques pour plus d’un pays subsaharien sur deux, relève le nouveau rapport. En moyenne, dans l’ensemble des pays en développement les plus pauvres, 14 % des revenus sont consacrés aux intérêts de la dette, contre 3,5 % dans les pays développés, souligne la même source.

« Le fossé financier existe. Il n’est pas nouveau, ni propre aux pays africains, mais s’applique à tous les pays en développement », tempère l’économiste Brahima Sangafowa Coulibaly, vice-président du think tank américain The Brookings Institution. « Les pays africains ont un PIB plus volatil, ainsi que des sources de revenus moins stables. Il est logique, par conséquent qu’ils maintiennent leur ratio dette/PIB à un niveau plus bas. La question qui demeure de savoir s’il doit être en-dessous de 60 % ; 50 % ou 40 %. C’est la question clé qui doit être débattue », explique à Jeune Afrique ce spécialiste en économie mondiale et en développement.

Un désengagement prématuré

Quoi qu’il en soit, constatent encore les experts onusiens, « la plupart des pays en développement ont déjà retiré ou s’apprêtent à retirer la plupart des mesures de relance budgétaire au cours de la période considérée ». Un désengagement jugé « prématuré », car il pourrait entraver la reprise économique, « ce qui se traduirait en fin de compte par des ratios dette/PIB encore plus élevés ».

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Parmi les solutions préconisées par le groupe de travail figurent l’accélération de l’allègement de la dette et l’extension des critères d’éligibilité aux pays à revenu intermédiaire très endettés. Le rapport promeut également la réallocation de 100 milliards de dollars de droits de tirage spéciaux vers les pays qui en ont besoin.

« Alors que nous arrivons à mi-chemin du financement des Objectifs de développement durable, les conclusions sont alarmantes », a plaidé pour sa part Amina Mohammed, vice-secrétaire générale des Nations unies. Selon la dirigeante nigériane, « il n’y a aucune excuse à l’inaction en ce moment décisif pour la responsabilité collective ; il faut faire en sorte que des centaines de millions de personnes sortent de la faim et de la pauvreté ».

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