Chipper Cash : réseau américain, succès africain

Avec 250 millions de dollars levés et un nouveau statut de licorne, la fintech, qui doit en partie son succès à la grande proximité de ses fondateurs avec la Silicon Valley, a connu une année 2021 de folie.

Ham Serunjogi et Maijid Moujaled, les fondateurs de Chipper Cash. © Chipper Cash

Publié le 27 avril 2022 Lecture : 4 minutes.

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Classée parmi les start-up à suivre en 2021 selon les médias Techgist Africa et African Vibes et l’influenceur Alex Mitchell, Chipper Cash a tenu ses promesses. Alors que le monde économique se redresse lentement après deux ans de pandémie, la start-up de transfert d’argent international, fondée en 2018 par l’Ougandais Ham Serunjogi et le Ghanéen Maijid Moujaled, n’a pas cessé de se hisser en une de l’actualité au cours de l’année écoulée.

En mai 2021, elle lève 100 millions de dollars dans un tour de table mené par SVB Capital, l’un de ceux qui fait « probablement » d’elle « la start-up africaine la mieux valorisée », avance son PDG Ham Serunjogi, sans pour autant révéler le montant de cette valorisation. Si ces propos ont fait quelques sceptiques, l’extension de série C de 150 millions de dollars en novembre, cette fois dirigée par FTX, la plateforme d’échange de cryptomonnaies du plus jeune milliardaire du monde, Sam Bankman-Fried, a donné raison à l’Ougandais, puisque la valorisation de Chipper atteint alors 2 milliards de dollars.

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La start-up devient officiellement la quatrième licorne africaine de l’année, et la sixième de l’Histoire. « C’est une étape importante, mais je crois que certains s’attardent un peu trop sur la valorisation », rétorque Ham Serunjogi lors d’une table ronde virtuelle organisée par MTN Soudan du Sud en novembre.

Rencontre dans l’Iowa

Cet ancien nageur professionnel, qui préfère mesurer son succès « à la longévité » de sa start-up plutôt qu’à ses performances à court-terme, a notamment utilisé les fonds levés pour s’implanter au Royaume-Uni en mai 2021 et aux États-Unis en octobre de la même année. Chipper Cash est désormais présent dans neuf pays, dont sept pays africains (Ghana, Nigeria, Rwanda, Ouganda, Kenya, Tanzanie et Afrique du Sud).

L’une des spécificités des levées de Chipper Cash, qui se montent aujourd’hui à plus de 302,2 millions de dollars, réside dans la nature de certains de ses investisseurs. Avant elles, SVB Capital, FTX, Deciens Capital – qui a mené un tour d’amorçage en 2019 et participé à trois autres levées depuis – ou même Bezos Expeditions, fonds personnel du fondateur et propriétaire d’Amazon, qui finance Chipper depuis 2020, n’avaient jamais montré d’intérêt pour l’Afrique. C’est grâce à leur réseau américain que Ham Serunjogi et Majid Moulaed ont réussi à financer la croissance de leur start-up.

Certains s’attardent un peu trop sur la valorisation

L’aventure de Chipper Cash démarre loin du continent quand les deux hommes se rencontrent dans l’Iowa, en 2013. Ils évoquent l’envie de monter un projet ensemble pendant un road trip en Californie. Au fil des miles, podcasts sur les fintechs et les cryptomonnaies en fond sonore, ils décident de lancer une solution de transfert d’argent, « pas seulement d’envoi de fonds depuis les pays occidentaux, comme cela existe déjà, mais aussi entre États africains », précise Ham Serunjogi.

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Consolidation

Deux ans plus tard, après une pige chez Facebook à Dublin, Ham Serunjogi rejoint Maijid Moujaled qui travaille chez Imgur, à San Francisco. Ensemble, ils fondent Chipper Cash, depuis la Bay Area californienne, suivant les traces du Nigérian Olugbenga Agboola, dit « GB » dont la fintech Flutterwave est aussi enregistrée à San Francisco. « Cette localisation proche de la Silicon Valley y est sans conteste pour quelque chose dans la capacité de Chipper Cash à lever des fonds si rapidement, argue Dario Giuliani, du cabinet d’analyse britannique Briter Bridges. Plus de la moitié de l’argent versé dans les dix plus grosses levées de start-ups africaines ces trois dernières années provient des États-Unis. »

Dans cette conquête de l’Ouest, le patron peut s’appuyer sur le chanteur nigérian Burna Boy, qui fait lui aussi du marché américain un objectif majeur et dont il loue les services en tant qu’ambassadeur.

Au fil des miles, podcasts fintechs et cryptomonnaies en fond sonore, ils décident de lancer une solution de transfert d’argent

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Mais si 2021 a été l’année des financements pour Chipper Cash, 2022 sera celle de la consolidation. En plus de sa solution de transfert interétatique, qui offre à plus de 4 millions d’utilisateurs des frais autour de 5 %, contre 10 ou 15 % avec les solutions d’envoi de fonds (MoneyGram, Western Union, WorldRemit…) et près de 30 % avec les banques traditionnelles, la start-up développe une poignée de nouveaux produits, comme Chipper Checkout, un service de paiement pour les professionnels, des cartes Visa ou des solutions pour investir en Bourse ou dans les cryptomonnaies.

Potentiel des cryptos

Sur ce sujet, le PDG reste prudent : « Les cryptos représentent un potentiel énorme pour la fintech africaine, mais nous voulons les intégrer à nos produits de manière sûre et en accord avec la régulation », insiste-t-il lors de la table ronde organisée par MTN. C’est la raison pour laquelle le service crypto de Chipper, limité au bitcoin, est indisponible au Nigeria, où il serait hors la loi.

Régulièrement cité en exemple, Ham Serunjogi veut utiliser le succès financier de Chipper Cash pour contribuer à faire grandir l’écosystème des start-up africaines : « J’aurais tellement aimé savoir, quand j’ai commencé ma carrière, l’importance d’avoir un réseau puissant. C’est pourquoi, avec Chipper, nous allons investir de plus en plus dans les entrepreneurs africains qui n’ont pas eu la chance d’accéder au capital aussi facilement que nous. »

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