Israël – États-Unis : Jonathan Pollard, sa vie est un thriller
Condamné en 1987 à la réclusion à perpétuité pour espionnage au profit d’Israël, ce juif américain se retrouve malgré lui au coeur d’un marchandage visant à raviver le processus de paix au Proche-Orient.
On le dit gravement malade. Le 5 mars, il aurait été une nouvelle fois hospitalisé d’urgence dans le centre médical de la prison fédérale de Butner, en Caroline du Nord. Incarcéré depuis 1985, Jonathan Pollard, 59 ans, pourrait néanmoins finir ses jours en homme libre, en Israël, le pays pour lequel il a tout sacrifié. Comme un symbole, son retour en Terre promise interviendrait avant les fêtes de Pessah (la Pâque), le 14 avril.
Pour offrir un énième sursis à un processus de paix israélo-palestinien moribond et, du même coup, éviter un affront diplomatique, l’administration américaine dit étudier la possibilité de libérer cet espion juif, condamné en 1987 à la réclusion à perpétuité pour faits de haute trahison envers les États-Unis. S’il se concrétisait, "l’accord Pollard" permettrait aux négociations de se prolonger jusqu’en 2015. En contrepartie, Israël élargirait 400 détenus palestiniens, et s’engagerait à suspendre la construction de logements dans les colonies juives de Cisjordanie. Reste à attendre l’avis de l’intéressé qui, selon Uri Ariel, le très nationaliste ministre du Logement, refuse d’être échangé contre des "terroristes".
Bien qu’aucun rapport ne l’atteste formellement, l’espion aurait fourni à Tel-Aviv les codes d’accès et de cryptage des écoutes de la NSA dans le monde.
Voici vingt-neuf ans que le "cas Pollard" empoisonne les relations bilatérales. En 1984, alors qu’il travaille pour la marine américaine comme analyste du risque terroriste, ce natif de Galveston (Texas) se procure des centaines de documents secrets sur les activités du renseignement américain dans le monde arabe.
Un comportement "mythomane et excentrique"
Se sentant investi d’une mission pour Israël, il offre naïvement ses services au Mossad qui, dans un premier temps, cache son existence au gouvernement. Ses recherches, sans aucun lien avec ses fonctions, finissent par alerter ses supérieurs hiérarchiques. Ils relèvent chez lui un comportement "mythomane et excentrique". Quand le FBI l’interroge pour la première fois, en novembre 1985, Pollard comprend qu’il est traqué. Il tente alors de fuir avec Anne, son épouse. Au volant de son véhicule, il force les grilles de l’ambassade d’Israël à Washington en réclamant l’asile politique. Les gardes le refoulent. Des agents fédéraux surgissent de leur planque et le braquent. La scène est digne d’un film d’action. Lors de son procès, il est inculpé pour "transfert d’informations classifiées, sans intention de nuire aux États-Unis". Il plaide coupable.
Cette affaire aura altéré les relations israélo-américaines. Car, bien qu’aucun rapport ne l’atteste formellement, l’espion aurait fourni à Tel-Aviv les codes d’accès et de cryptage des écoutes de la National Security Agency (NSA) dans le monde. Selon certaines sources, un manuel de décryptage a même été livré à l’URSS ; en échange, 1 million de juifs soviétiques auraient été autorisés à émigrer vers Israël.
Jonathan Pollard a toujours assumé sa condamnation, sans exprimer la moindre rancoeur à l’égard de l’État hébreu. Ce dernier a pourtant attendu 1995 pour lui octroyer sa nationalité et trois ans de plus pour lui reconnaître la qualité d’agent israélien.
Du fond de sa cellule, ce barbu au crâne dégarni est devenu une icône du camp nationaliste. Les gouvernements israéliens successifs ont longtemps demandé sa grâce. Sans succès. Car, dans les milieux du renseignement américain, on compare les dommages causés par cet espion peu banal à ceux d’Edward Snowden. Lorsqu’il était à la tête de la CIA, George Tenet avait même menacé de démissionner si on le libérait.
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