Sommet UE – Afrique : l’important, c’est d’y participer !

Accords de partenariat économique, compétence de la CPI, droits des homosexuels… Africains et Européens ne sont pas d’accord sur tout, loin s’en faut. Mais ils se sont parlés avec franchise. Et ça, c’est déjà beaucoup.

Bruxelles a accueilli 92 délégations étrangères. © AFP Photo/Georges Gobet

Bruxelles a accueilli 92 délégations étrangères. © AFP Photo/Georges Gobet

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Publié le 10 avril 2014 Lecture : 4 minutes.

Les Bruxellois croyaient connaître le prix à payer pour vivre dans la capitale de l’Union européenne. Ils s’étaient habitués à voir s’agglutiner des groupes de délégués badgés dans les transports en commun, des cortèges passer toutes sirènes hurlantes, des kilomètres de bouchons… Mais, depuis quelques semaines, la coupe est pleine : après les visites successives de l’Américain Barack Obama et du Chinois Xi Jinping, ce fut au tour du sommet Union européenne-Afrique, les 2 et 3 avril, de paralyser la ville. Un sommet dont Herman Van Rompuy, le président du Conseil européen, reconnaît lui-même qu’il est le plus imposant que Bruxelles ait jamais accueilli. Jugez-en : 92 délégations étrangères, dont une cinquantaine de chefs d’État et de gouvernement.

Parmi les absents, le Polisario et la RASD, que le Maroc et ses alliés subsahariens sont parvenus à exclure. Pour la délégation marocaine, conduite par Salaheddine Mezouar, le ministre des Affaires étrangères, il était hors de question de déroger au cadre du partenariat UE-Afrique fixé en 2000, selon lequel seuls les membres de l’ONU bénéficient d’un carton d’invitation. Privée de visa, la première dame du Zimbabwe n’a pu être du voyage ? Qu’à cela ne tienne, par solidarité conjugale, Robert Mugabe a boycotté le sommet. L’Ougandais Yoweri Museveni a, lui, préféré éviter de subir les remontrances des Européens après l’adoption dans son pays d’une loi jugée homophobe.

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>> Lire aussi : Ils ont soutenu Grace Mugabe et ne sont pas venus au sommet

Malgré les séances solennelles et leur cortège de discours lénifiants, quelque chose a changé…

Dans le quartier "européen" bunkérisé, on a bien sûr eu droit aux séances solennelles et à leur cortège de discours lénifiants. Et pourtant, quelque chose a changé… Le continent est redevenu attractif, et ses dirigeants comptent bien profiter de cette embellie. "Ces vingt dernières années, l’Europe allait chercher des relais de croissance en Europe de l’Est puis en Asie", rappelle un diplomate burkinabè. Daniel Kablan Duncan, le Premier ministre ivoirien, confirme : "En 1996, les pays de l’UE représentaient 55 % des échanges extérieurs de la Côte d’Ivoire. Aujourd’hui, ils n’en représentent plus que 4 %, même si les montants ont augmenté [ils sont passés de 3 à 4,3 milliards d’euros]".

884  millions d’euros pour soutenir l’intégration régionale

Pour rattraper ce retard, une stratégie conjointe pour la période 2014-2017 a été élaborée lors de ce sommet. Ses grands axes ? Paix, sécurité, bonne gouvernance, droits de l’homme, développement et croissance durables… Plusieurs annonces ont été faites, dont certaines portent sur la création ou le renouvellement de mécanismes de financements. Ainsi, l’octroi de 844 millions d’euros sur les sept prochaines années, destinés à soutenir l’intégration régionale, de 30 milliards d’euros d’investissements – avec le concours de fonds privés -, principalement dévolus aux infrastructures, et de 30 autres milliards censés stimuler le secteur agricole dans plus de trente pays africains.

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Les Européens reviennent cependant sur la pointe des pieds, tant les obstacles sont nombreux. Ils souhaitaient conclure les accords de partenariat économique (APE) lors de ce sommet. Il n’en a rien été. Douze ans après l’ouverture des négociations ouvrant la voie au libre-échange entre l’UE et l’Afrique, et bien que Bruxelles ait concédé une période transitoire de vingt ans pour protéger le quart des produits agricoles, aucun accord n’a été signé. Au sein de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), le Nigeria, qui "pèse" 65 % de l’économie de la zone, bloque le processus. Abuja exige des garanties afin de protéger son agriculture de la concurrence des produits importés. Avec les autres communautés (Afrique de l’Est, Afrique centrale, Afrique australe), les discussions n’ont pas non plus abouti. L’Afrique du Sud de Jacob Zuma, grand absent du sommet, s’oppose résolument à ces accords.


Catherine Samba-Panza, Herman Van Rompuy et Ban Ki-moon à Bruxelles,
le 2 avril. © Geert Vanden Wijngaert/AP/Sipa

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"Il faut changer de mentalité"

Pour Robert Dussey, le ministre togolais des Affaires étrangères, "il faut changer de mentalité". "Que les Européens nous respectent, et que les Africains tiennent leurs engagements", résume-t-il. Pour construire un nouveau partenariat, mieux vaudrait donc changer de logiciel… Dans les couloirs, des délégués africains se sont montrés intransigeants sur les habituels points de crispation. Le réchauffement climatique, par exemple. "Que ceux qui polluent la planète prennent leurs responsabilités", s’insurge un diplomate burkinabè. Autre source de tensions : la protection des minorités, notamment sexuelles. "Nos Parlements n’accepteront pas de voter des lois qui sont contraires à nos réalités", prévient Charles Koffi Diby, le ministre ivoirien des Affaires étrangères. Résultat, la question ultrasensible des droits des homosexuels n’a pas été évoquée dans la déclaration finale. Le paragraphe portant sur la lutte contre l’impunité a lui aussi été âprement discuté. Les Africains, qui contestent le fonctionnement de la Cour pénale internationale, veulent redéfinir le principe de compétence universelle. Ce dialogue aura lieu "dans les instances convenues entre les deux parties" – lesquelles restent manifestement à définir.

Deux continents, deux partenaires

"Il faut définitivement briser la glace entre l’Afrique et l’Europe." Cette formule, utilisée lors de sa présentation par Charles M. Mbire, le président de l’opérateur de télécommunications MTN en Ouganda, résume à elle seule l’objectif du cinquième Forum des affaires UE-Afrique, organisé les 31 mars et 1er avril à Bruxelles. Dans cette optique, les secteurs privés des deux continents "sont appelés à jouer un rôle de premier plan", a rappelé Nkosazana Dlamini-Zuma. "Il faut pour cela changer la perception du risque en Afrique", a insisté la présidente de la Commission de l’Union africaine lors de son discours d’ouverture, devant plus de 500 responsables économiques des deux continents. Ce que se sont évertués à faire les pays africains auprès des investisseurs européens présents. Une véritable opération séduction, destinée à stimuler l’injection de capitaux étrangers dans l’économie africaine tout en renforçant les échanges commerciaux, au moment même où l’accord de partenariat économique (APE) négocié en février entre l’UE et la Cedeao vient d’être remis en question par le Nigeria.

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