Papas présidents !
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Tshitenge Lubabu M.K.
Ancien journaliste à Jeune Afrique, spécialiste de la République démocratique du Congo, de l’Afrique centrale et de l’Histoire africaine, Tshitenge Lubabu écrit régulièrement des Post-scriptum depuis son pays natal.
Publié le 4 avril 2014 Lecture : 2 minutes.
C’est reparti. La plupart de nos dirigeants, bien ou mal élus, malgré de longues années de pouvoir, se sont illustrés par leur impéritie. Ils n’ont pas réussi à nous faire manger à notre faim, à nous construire de belles écoles, à éradiquer les maladies qui nous tuent, à dompter l’électricité, à assainir l’eau, à tracer des routes… Rien, sauf à prolonger la jouissance du pouvoir. Nuit et jour, ils complotent contre nous, musellent toute voix discordante, embastillent les fortes têtes. Tous les mensonges sont bons pour confisquer le pouvoir. Quand leurs mandats, limités par la Constitution, arrivent à terme, des courtisans zélés, jamais repus, les supplient de ne pas partir. Comme si, sans eux, le soleil risquait de ne plus apparaître tous les matins à l’est. Les hommes de paille, toute honte bue, osent nous dire que leurs champions doivent parachever l’oeuvre d’édification du pays. Sauf que, on peut le vérifier dans toute l’histoire de l’humanité, aucun roi, aucun empereur, aucun prince, aucun président n’a jamais rien achevé. On n’achève pas, on apporte simplement sa pierre à l’édifice. Prétendre le contraire est une hérésie.
Faut-il ou non modifier une Constitution ? Évidemment, si cela se justifie. Mais réviser la loi fondamentale pour qu’un homme, un seul, multiplie les mandats est inacceptable. Car une république n’est pas un royaume. Ni un costume taillé sur mesure. Surtout pas une association de malfaiteurs dont la seule ambition est l’accumulation au détriment de l’État et du plus grand nombre. La démocratie n’a de sens que s’il y a alternance. Sinon, pourquoi organiser des élections grâce, souvent, à l’aide financière de la communauté internationale qui a, ainsi, son mot à dire sur des situations qui relèvent de notre souveraineté ?
>> Lire aussi notre dossier : Élections : partira, partira pas ?
D’aucuns prétendent que celui qui a accumulé des mandats sans discontinuer ne peut partir que si son successeur lui garantit l’impunité. Si je comprends bien, quand on est à la tête d’un pays, on doit s’illustrer par la mauvaise gouvernance et la gabegie pour, à la fin, refuser de passer le témoin à condition d’être absous ? Tous les prétextes sont bons pour ces prédateurs qui prennent des peuples entiers en otage et retardent, par là même, la marche en avant.
Un ancien président français a déclaré, dans les années 1990, qu’il y avait incompatibilité entre Afrique et démocratie, ou une ânerie de ce genre. Malheureusement, il se trouve encore des Africains pour y accorder du crédit. Dans les sociétés modernes, la démocratie a remplacé la tyrannie. Ce n’est pas un système parfait, bien entendu. Mais il donne au moins à tout citoyen, quelle que soit sa condition, le droit d’élire librement ses représentants pour une durée déterminée. Et celui de les sanctionner lorsqu’ils n’apportent pas de solution à ses problèmes. S’il y en a qui confondent république et royauté, restaurons alors tous nos anciens royaumes. Ainsi, il n’y aura plus de Constitution à respecter, plus de partis, plus d’élections… Un seul homme, le papa roi, pourra diriger pendant cinquante ans. Comme nos actuels papas présidents. Vive nous, vive la léthargie !
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