Séries du ramadan : de la créativité, mais pas trop…

Certains feuilletons dits « du ramadan » essuient les critiques des tenants d’une certaine moralité. Mais aussi, des opposants politiques.

 © Damien Glez

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Publié le 14 avril 2022 Lecture : 2 minutes.

Depuis quelques années déjà, l’Afrique du Nord a inscrit le mois du jeûne musulman dans la modernité audiovisuelle. Comme il existe des films de Noël christianisants et sirupeux, des séries télévisées créées spécialement pour le ramadan agrémentent, en mode telenovelas, la rupture familiale du jeûne. Si la liberté de création ne s’use censément que si l’on ne s’en sert pas, la dramaturgie du millésime 2022 gêne certains aux entournures, en Algérie, en Tunisie ou en Égypte…

Scènes « immorales »

En Algérie, c’est le feuilleton Hab el-Mlouk (“Les cerises”) qui a été suspendu pour une semaine par Ennaha, après la diffusion de quelques épisodes. Convoqué par l’autorité de régulation de l’audiovisuel, le directeur la chaîne privée a sous-entendu qu’il n’avait pas « passé en revue tous les épisodes » dont certains comportent, selon des téléspectateurs, des scènes « immorales ».

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La séquence qui a mis le feu aux poudres montre une employée aguicher lascivement son patron – à la limite, selon certains, de la « prostitution » – mais la distance insuffisante qui sépare les protagonistes hommes et femmes est aussi montrée du doigt. Distance évaluée dans un tweet au risque de “french kiss”.

Production tuniso-algérienne, la série Hab el-Mlouk est toujours diffusée sur la chaîne tunisienne Hannibal TV. En Tunisie, c’est plutôt le feuilleton Baraa (“Innocence”) qui fait grincer des dents : le personnage principal entend s’unir avec une deuxième épouse, au nom de la charia qui serait, selon lui, « au-dessus de toutes les autres lois ».

Or, comme aime le rappeler une Marine Le Pen soucieuse de sanctionner le port du voile dans l’espace public, le Code du statut personnel (CSP), promulgué le 13 août 1956 par le président Bourguiba, a fait de la Tunisie un pays pionnier en matière de droits des femmes. Le Parti destourien libre (PDL), formation anti-islamiste, dénonce donc une promotion audiovisuelle de la polygamie et du mariage religieux dit orfi, à savoir non reconnus par la loi.

Al-Sissi, sauveur de l’Égypte

L’ONG Aswat Nissa (“Voix des femmes”) demande à la Haute autorité de l’audiovisuel tunisien (Haica) d’intervenir contre la chaîne privée El Hiwar Ettounsi, tandis que les défenseurs de la liberté d’expression rappellent qu’une œuvre d’art est habilitée à représenter des délits, au bénéfice des débats nationaux sur des sujets tabous.

La distance insuffisante entre les protagonistes hommes et femmes est montrée du doigt

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En Égypte, c’est la série politique al-Ikhtiyar de la chaîne On Drama qui cristallise la grogne. Pour la première fois dans le pays, un président en exercice est incarné dans une œuvre de fiction. Les pourfendeurs de ce programme qui tisse reconstitution romancée et images d’archives jugent la représentation d’Abdel Fattah al-Sissi par trop hagiographique.

Le chef de l’État apparaît comme le sauveur d’une Égypte menacée par la guerre civile et la radicalisation islamique. Et le média en ligne Arabi21 de rappeler que même Hosni Moubarak avait refusé un projet de film retraçant son parcours. Dans l’ambiance recueillie et festive du ramadan, chacun voit midi à sa porte audiovisuelle…

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