Algérie : 1999-2014, les années Bouteflika
Selon ses partisans, le président brigue un quatrième mandat pour parachever son oeuvre. Et notamment faire de l’Algérie un pays émergent, doté d’une Constitution relookée.
Algérie : 1999-2014, les années Bouteflika
Pour convaincre les électeurs d’accorder leur suffrage au candidat Abdelaziz Bouteflika, 77 ans, qui brigue un quatrième mandat le 17 avril, son staff de campagne, que dirige Abdelmalek Sellal, développe un curieux argumentaire, selon lequel il faudrait reconduire le chef de l’État dans ses fonctions afin de garantir la sécurité et la stabilité du pays. Est-ce à dire que l’Algérie, malgré ses indéniables avancées économiques et sociales, sa diplomatie rayonnante et son statut de puissance militaire régionale, est si fragile qu’elle risque l’implosion en cas d’alternance ? En termes de marketing politique, un tel slogan suffirait à lui seul à ruiner le bilan des trois mandats d’un président à nouveau candidat… Ailleurs, sans doute, mais pas en Algérie.
Quinze ans après l’entrée en vigueur de la loi sur la Concorde civile, qui, adoptée par référendum le 16 septembre 1999, a contribué à la reddition de plus de 6 000 maquisards de l’Armée islamique du salut (AIS), suivie, en septembre 2005, par la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, la société reste traumatisée par la guerre civile des années 1990, ses 200 000 morts et ses 20 milliards de dollars de pertes pour l’économie. La crainte d’une rechute l’a prémunie de la contagion révolutionnaire du Printemps arabe et l’a, semble-t-il, vaccinée durablement contre le changement.
Une loi sur l’audiovisuel met fin à un monopole d’État
"Dans la région, notre pays n’est pas une exception mais un exemple", estime Amara Benyounès, chef du Mouvement populaire algérien (MPA, soutenant la candidature d’Abdelaziz Bouteflika) et ministre du Développement industriel. Une manière de dire que ce n’est pas le spectre d’un retour des fantômes de l’islamisme jihadiste qui a rendu l’Algérie imperméable aux vents révolutionnaires, mais ses avancées démocratiques et sociales.
L’ancien patron du Front de libération nationale (FLN), Abdelaziz Belkhadem, redevenu conseiller spécial du président le 13 mars, avec rang de ministre d’État, fournit une autre explication, assurant que "ce sont les réformes politiques de fond, lancées le 15 avril 2011 par le chef de l’État, qui nous ont évité le recours à la rue pour imposer le changement".
Les réformes en question ? La levée de l’état d’urgence, deux décennies après son instauration en 1992 (même si l’interdiction de manifester dans la capitale est toujours en vigueur). Une nouvelle loi sur les partis, qui a permis à une vingtaine de formations politiques de voir le jour, ainsi qu’une sensible augmentation du nombre de femmes dans les assemblées élues – qui s’est vérifiée lors des élections municipales et législatives de 2012. Sans oublier le plus important, une loi sur l’audiovisuel qui met fin à un monopole d’État.
Le bouleversement de l’offre télévisuelle a en effet donné à l’opposition l’occasion d’être plus présente dans les médias. Il y avait certes déjà plus de 140 quotidiens arabophones ou francophones, dont plus de 90 % privés et manifestement hostiles au chef de l’État. Mais, malgré une diffusion de plus de 2 millions d’exemplaires par jour (tous titres confondus), leur impact sur l’opinion était marginal face à la "parole d’évangile" que distille, chaque soir à 20 heures, le journal télévisé de la chaîne publique – suivi par près de 12 millions de téléspectateurs… La fin du monopole d’État a donné naissance à une dizaine de chaînes privées généralistes. Manifestations d’opposants, débats contradictoires, reportages, enquêtes sur les affaires économico-judiciaires, images inédites filmées à l’intérieur de bidonvilles… La vraie Algérie défile désormais à longueur de journée sur les écrans. Un sacré changement pour ses habitants, qui n’avaient accès à ces images que sur les chaînes étrangères. Cinquante années de monopole, cela laisse des traces.
Faire de l’Algérie un pays émergent
Mais le seul engagement pris par Abdelaziz Bouteflika dans son discours du 15 avril 2011 et qui attend encore un début de mise en œuvre est de taille, c’est celui du projet de révision constitutionnelle, l’"acte de naissance de la IIe République", comme s’en étaient enthousiasmés les partisans du chef de l’État. "C’est pour parachever ce processus, explique doctement Abdelaziz Belkhadem, que le président, malgré les séquelles d’un accident de santé, se représente devant le suffrage universel." Ses promesses électorales ? Faire de l’Algérie un pays émergent avant la fin du quinquennat, tout en transformant la "démocratie populaire" en démocratie sociale. Tout un programme.
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