Tchad : pourquoi le Grand Dialogue national autour de la transition est condamné à réussir
Un an après le décès du maréchal Idriss Déby Itno, le dialogue national prévu à N’Djamena le 10 mai devra offrir bien plus qu’un catalogue de bonnes intentions. Le pays tout entier en dépend.
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Éric Topona Mocnga
Journaliste à la rédaction Afrique francophone de la Deutsche Welle (média international allemand), à Bonn.
Publié le 15 avril 2022 Lecture : 3 minutes.
Le 20 avril 2021, au Tchad, le temps suspendait son vol. Les Tchadiens et la communauté internationale apprenaient avec effroi le décès tragique du chef de l’État en fonction, le maréchal Idriss Déby Itno, alors âgé de 68 ans. La stupeur tenait à la soudaineté de ce tragique fait d’actualité qui survenait dans un ciel tchadien apparemment tranquille et sans nuages. Le président de la République venait de se faire réélire avec une confortable majorité (79,32 % des suffrages exprimés lors du premier tour de la présidentielle du 11 avril 2021), et aucune menace sérieuse ne semblait à même d’ébranler son nouveau mandat.
Chamboulement dramatique
Le sentiment d’effroi tenait de ce que ce chamboulement dramatique installa soudain la nation tchadienne et l’appareil d’État au carrefour de toutes les incertitudes. Le chef de l’État disparu avait été l’architecte d’un régime présidentialiste fort, au sein duquel son exercice du pouvoir irradiait toutes les strates de la société. Sa disparition brutale semblait sonner le glas de la paix relative qui régnait dans le pays.
Deux sentiments traversèrent alors l’opinion publique et les observateurs extérieurs de la scène politique tchadienne. La crainte pour certains de voir s’ensuivre une déstabilisation croissante du pays, menacé à ses frontières par diverses forces irrédentistes. L’espoir, pour d’autres, de voir enfin se lever l’aurore, voire le soleil d’une véritable et durable refondation sociétale et politique du pays. Les appréhensions des uns et des autres ne manquaient pas de pertinence.
Il faut en permanence avoir conscience de la vague contestataire, des remous, des postures dissidentes qui se sont exprimés au moment de la mise en place des organes de la transition
Si nous ne sommes pas encore à l’heure du bilan de la nouvelle séquence historique qui s’est ouverte le 21 avril 2021, le moment nous semble néanmoins opportun de partager nos réflexions quant aux perspectives souhaitées pour l’avenir du pays à quelques semaines du Grand Dialogue entre les Tchadiens.
D’emblée, il est important, voire crucial, dans la perspective du Grand Dialogue national à venir, que les tenants de l’ordre gouvernant aient en permanence conscience de la vague contestataire, des remous, des postures dissidentes qui se sont exprimés au moment de la mise en place des organes de la transition. Ces bourrasques ont fait craindre des moments sombres, tant pour la cohésion nationale que pour l’Afrique centrale, dont le Tchad est l’un des piliers.
Les semaines à venir seront donc cruciales, décisives et surtout vitales pour la cohésion du Tchad et la crédibilité de la parole politique
Le calme précaire actuel s’explique par la formation d’un gouvernement d’ouverture, d’une part, mais aussi et surtout, au premier chef, par la promesse ferme du gouvernement de transition de tenir dans les meilleurs délais un véritable dialogue inclusif dont les recommandations seront exécutoires. Les semaines à venir seront donc cruciales, décisives et surtout vitales pour la cohésion du Tchad et la crédibilité future de la parole politique dans notre pays depuis son accession à la souveraineté internationale en 1960.
Palabre progressiste
Le Tchad, il faut le rappeler, n’en est pas à son premier dialogue inclusif. Dans le sillage de l’arrivée au pouvoir du régime Mouvement patriotique du salut (MPS) fut organisée, en 1993, une conférence nationale qui ne fut souveraine que de nom. Ce forum national fut un catalogue de bonnes intentions démocratiques et sociétales comme on en trouve dans les démocraties les plus avancées. La montagne, hélas, accoucha d’une souris ! Il en fut de même des assises de 1996 au terme desquelles fut élaborée une Constitution qui semblait consacrer l’État de droit.
Pour l’intérêt de tous les Tchadiens, le prochain dialogue national inclusif doit être un véritable moment de refondation, dans le respect des divergences et des personnes.
Pour notre avenir proche et pour l’intérêt de tous les Tchadiens épris de paix et soucieux de voir notre jeunesse hériter d’un pays à la mesure de son formidable potentiel naturel et humain, le prochain dialogue national inclusif doit être un véritable moment de refondation, le moment d’une palabre progressiste, humaniste, dans le respect des divergences et des personnes. Seule cette boussole nous guidera sur les voies menant à la Terre promise que méritent les générations présentes et futures.
Les Tchadiens auront alors et enfin prouvé aux yeux du monde entier leur capacité de pardon et de réconciliation. Une telle résilience est souhaitée par le peuple tchadien pour qu’enfin s’estompent le crépitement des armes et les guerres civiles inutiles et ravageuses auxquels le Tchad est habitué.
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