Vincent Foucher : « En Guinée-Bissau, beaucoup de politiques sont aussi des hommes d’affaires »

D’après le chercheur français Vincent Foucher, analyste à l’International Crisis Group, la mainmise de l’État de Guinée-Bissau sur les leviers de l’économie freine le développement du pays.

Des habitants de Bissau, la capitale, le 17 avril 2012. © Seyllou/AFP

Des habitants de Bissau, la capitale, le 17 avril 2012. © Seyllou/AFP

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Publié le 10 avril 2014 Lecture : 2 minutes.

Jeune Afrique : L’économie de la Guinée-Bissau a totalement sombré. Comment expliquez-vous ce phénomène ?

Vincent Foucher : Les Portugais, davantage intéressés par l’Angola, avaient peu investi dans l’économie et la formation de cette colonie. Quant au Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC), il a accouché d’un État subventionné par les dons des grandes puissances communistes. Puis le pays a été sevré brutalement des aides internationales dans les années 1990.

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Habituées à une économie administrée, les autorités n’ont jamais réussi à développer le potentiel économique du pays. Même le développement spectaculaire de la noix de cajou est un phénomène spontané. Par ailleurs, l’État ayant conservé des leviers – licences, exemptions, concessions, accès au crédit -, on constate une interpénétration entre l’économique et le politique. Beaucoup d’hommes politiques sont aussi des hommes d’affaires.

>> À lire : Trafic de cocaïne et commerces illicites : bienvenue dans la Bissau Connection

L’armée interfère régulièrement dans le jeu institutionnel. Veut-elle accéder au pouvoir ou craint-elle de perdre ses privilèges ?

Pour des raisons politiques et budgétaires, le pouvoir civil a toujours été tenté de réduire le poids excessif de l’armée. Mais, du fait d’une image d’affairisme et de mauvaise gestion, il a eu du mal à établir sa légitimité. Face à cela, beaucoup de militaires, issus de la guerre de libération et de la guerre civile de 1998-1999, ont le sentiment d’avoir des droits qui doivent être respectés. Donc, quand l’armée prend le pouvoir, elle le rend ensuite à d’autres civils qui lui semblent mieux à même de respecter ses intérêts. En outre, cette armée est un assemblage de grands chefs militaires, disposant de leurs clientèles personnelles, qui entrent parfois en compétition les uns avec les autres.

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Le futur président et son premier ministre auront-ils les moyens de réformer le pays ?

Les choses ne seront pas faciles, car ils devront faire bouger les lignes afin de motiver des bailleurs de fonds qui ont fini par se lasser de l’instabilité chronique du pays, sans pour autant braquer l’armée, qui appréhende la perspective d’une réforme.

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Propos recueillis à Dakar par Mehdi Ba

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