Tunisie : Hamadi Jebali, un repli très tactique
L’ancien Premier ministre tunisien quitte la direction d’Ennahdha mais reste membre de la formation islamiste. Il pourrait se présenter comme « indépendant » à la prochaine élection présidentielle.
L’information a été dévoilée le 23 mars par Zied Ladhari, le porte-parole d’Ennahdha : Hamadi Jebali va quitter prochainement ses fonctions de secrétaire général du parti islamiste tunisien, tout en en restant membre. L’intéressé a confirmé la nouvelle le lendemain sur sa page Facebook.
L’annonce n’a pas surpris, tant le divorce était consommé entre l’ancien Premier ministre et les instances dirigeantes de son mouvement.
Depuis plusieurs mois, Hamadi Jebali n’assistait plus aux réunions du Majlis el-Choura, l’instance décisionnelle suprême du parti. Beaucoup lui prêtent l’intention de présenter une candidature "indépendante" à l’élection présidentielle, censée se tenir avant la fin de l’année. Lui affirme ne pas avoir encore pris de décision.
La démission de Jebali, le numéro deux de l’organisation, complique la donne pour Rached Ghannouchi, le chef des islamistes tunisiens. Trouver un remplaçant ne sera pas aisé, et les "ultras", bien représentés au sein du Majlis el-Choura, pourraient tenter d’imposer l’un des leurs. Ils reprochent à leur leader d’avoir fait preuve de faiblesse en acceptant qu’Ennahdha renonce volontairement au pouvoir au profit d’un gouvernement de technocrates, nommé en décembre 2013. Ironie de l’histoire, il y a un an, c’est Rached Ghannouchi qui accusait Hamadi Jebali d’être trop complaisant.
Fils de menuisier, Hamadi Jebali est né à Sousse, dans le Sahel tunisien, en octobre 1949.
Fils de menuisier, Hamadi Jebali est né à Sousse, dans le Sahel tunisien, en octobre 1949. Ingénieur formé en France, il fut un militant de la première heure du Mouvement de la tendance islamique (MTI, l’ancêtre d’Ennahdha). Porté une première fois à la tête de l’organisation en 1981, il est condamné à mort par contumace en 1987 par le régime de Habib Bourguiba.
Rentré en Tunisie après l’amnistie générale de 1988, il est de nouveau arrêté en décembre 1989 et condamné à un an de prison pour un article de presse. Il est condamné, par la suite, à dix-sept années supplémentaires.
Désigné Premier ministre par la troïka
Il purgera la quasi-intégralité de sa peine. La prison le transforme. Celui qu’on présentait comme un doctrinaire tourne le dos à l’extrémisme et devient l’un des théoriciens de la ligne modérée lors de la campagne électorale d’octobre 2011. Les Tunisiens découvrent avec étonnement ce colosse à la voix douce et au sourire énigmatique.
La troïka (Ennahdha, Ettakatol, le Congrès pour la République), arrivée en tête des élections de décembre 2011, le désigne Premier ministre. Il doit composer avec des ministres peu efficaces et qu’il n’a pas choisis. La situation se dégrade rapidement, et Jebali comprend, dès l’été 2012, qu’il lui faut une équipe resserrée et aguerrie pour mener à bien sa mission. Il plaide pour un remaniement, sans pour autant aller jusqu’à l’affrontement avec les caciques de son parti.
Au soir de l’assassinat de l’opposant Chokri Belaïd, le 6 février 2013, Jebali propose la création d’un gouvernement de technocrates apolitiques. L’opposition, sceptique, croit à une manoeuvre de diversion. Son initiative, soutenue par l’opinion mais désapprouvée par la troïka, est torpillée par le Majlis el-Choura d’Ennahdha. Tirant les conséquences de son échec, Jebali démissionne et passe le témoin à Ali Larayedh, qui ne réussira pas à empêcher le meurtre d’un autre opposant, Mohamed Brahmi.
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