Tech : le Sénégal, nouvel eldorado des développeurs africains ?

Le pays voit le nombre de développeurs augmenter plus vite que partout ailleurs sur le continent. Mais une partie d’entre eux choisit l’exil, faute d’opportunités.  

Une classe d’apprentissage de l’informatique à la Sonatel Academy. © Montage : JA / Sonatel.

Publié le 2 mai 2022 Lecture : 4 minutes.

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Exclusif JA – Tech 2022 : les 50 champions d’un secteur en pleine expansion

Pour la deuxième année consécutive, Jeune Afrique et The Africa Report (TAR) publient en exclusivité un classement des 50 personnalités aux avant-postes de la transformation numérique du continent.

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Selon Jobs Now Africa Coalition, il faudrait créer 15 millions d’emplois par an sur le continent jusqu’en 2025 pour réparer les dégâts occasionnés par la pandémie. Les 40 ONG africaines que ce groupe de travail rassemble invitent les États à miser sur le développement de l’économie numérique.

Pour de plus en plus de jeunes Africains, la programmation informatique apparaît comme un métier d’avenir, et les chiffres leur donnent raison. Selon le cabinet de conseil Accenture, dont le travail a été publié par Google en mars, il y avait 716 000 développeurs en Afrique en 2021, un chiffre en augmentation de 3,8 % en un an.

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Les investisseurs aussi misent sur ce créneau, comme le montrent les différentes levées de fonds opérées pour la plateforme Andela, devenue une licorne en 2021, et dont le premier modèle d’affaires visait à fournir des développeurs aux entreprises.

Puissance émergente

Sans grande surprise, les bassins les plus importants sont à chercher en Afrique du Sud (121 000 développeurs), en Égypte, au Nigeria (89 000 chacun), au Kenya (60 000) et au Maroc (50 000). Mais c’est au Sénégal que ce vivier augmente le plus vite : l’étude recense 10 000 codeurs professionnels au pays de la Teranga en 2021, soit un bond de 7,5 % par rapport à 2020, contre 6 % au Nigeria, au Maroc ou en Éthiopie. À tel point que l’étude place le pays d’Afrique de l’Ouest parmi les puissances « émergentes » du code en Afrique.

Cette position ne surprend pas Léger Djiba, initiateur de « La nuit du code » organisée à Dakar tous les ans depuis 2011 et coordinateur de l’Africa Dotnet Developers Group (A2DG), une communauté panafricaine de formation des technologies Microsoft. « Le Sénégal a toujours eu la crème de la crème de l’enseignement supérieur en Afrique, lance-t-il. L’université Cheikh-Anta-Diop ou l’École supérieure polytechnique (ESP) attirent toute l’Afrique francophone. »

L’innovation est dans l’ADN sénégalais

À cela s’ajoutent des communautés numériques très dynamiques depuis les années 2010, « comme l’A2DG ou encore le Linux User Group (LUG), piloté par l’influenceur du logiciel libre Genova, ou des groupes autour de logiciels tels que Drupal, ou de langages de programmation, tels que Java », énumère Léger Djiba.

École de codes Sonatel Academy, Sénégal. © Sonatel Academy

École de codes Sonatel Academy, Sénégal. © Sonatel Academy

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Malgré ce dynamisme, la demande en développeurs professionnels a commencé à dépasser l’offre au milieu de la dernière décennie. La grogne des entreprises sénégalaises a connu son apogée en décembre 2015, au Salon international des professionnels de l’économie numérique (Sipen) de Dakar, où les chefs d’entreprises ont tapé du poing sur la table, se plaignant de ne pouvoir attirer assez de spécialistes en programmation informatique, condition sine qua non pour rester compétitif.

Initiatives privées

Le gouvernement a semblé avoir compris le message puisqu’il a lancé, en 2016, le plan Sénégal numérique 2025 (SN2025), promettant d’y consacrer près de 1,7 milliard d’euros. L’un de ses axes consiste à créer des « filières de formation sur les technologies émergentes (Big Data, cloud, IA, IoT) ».

Le Sénégal serait le quatrième pays africain en matière de dépenses logicielles

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Depuis, plusieurs initiatives privées d’envergure sont venues renforcer l’offre de formation dans le pays. En 2017, Sonatel, filiale d’Orange et premier opérateur télécom du pays, a d’abord lancé Sonatel Academy, une école de code gratuite en partenariat avec l’organisme français Simplon « pour appuyer la politique de l’État sénégalais dans l’insertion des jeunes grâce au numérique », indique Baye Niass, son responsable.

En 2020, dans le sillage de son entrée au capital de l’opérateur sénégalais Tigo, devenu Free, le milliardaire français Xavier Niel, implantait à Dakar une succursale de l’École 42 sur le modèle du campus informatique gratuit et ouvert à tous, inauguré à Paris en 2013.

Une ouverture suivie, un an plus tard, par celle de l’ICT Academy, sponsorisée, au sein de l’Institut supérieur d’informatique (ISI), par l’équipementier chinois Huawei, qui avait déjà créé en 2018 Huawei ICT Competition, un concours annuel pour les étudiants sénégalais en informatique. Enfin, en avril dernier, Nicolas Poussielgue, ex-attaché scientifique du ministère français des Affaires étrangères, a inauguré le Dakar Institute of Technology, une école qui forme aux technologies d’intelligence artificielle. Même les écoles de commerce s’y mettent. En mars, l’Institut africain de management a inauguré son Innovation Center qui va rapidement proposer des initiations au code.

Premier exportateur de développeurs

Cette dynamique vertueuse conforte les entreprises technologiques internationales, déjà nombreuses – Orange, Free, Huawei, Atos, Google, Microsoft –, à investir localement, et participe à l’arrivée des nouvelles pépites comme la start-up américaine Wave. Plusieurs start-ups ont également profité de ces formations, comme les projets Digital Nisa, Sendawal, Yoon bi ou EDMG, dont les fondateurs sont passés par la Sonatel Academy.

Selon une étude de la plate-forme panafricaine de développeurs Tunga, le Sénégal serait le quatrième pays africain en matière de dépenses logicielles. « L’innovation est dans l’ADN sénégalais et le développement de la formation au code prend beaucoup mieux à Dakar qu’à Abidjan », analyse Léger Djiba, l’un des quatre ambassadeurs de Microsoft en Afrique de l’Ouest.

Ces jeunes talents ne parviennent pas à s’insérer sur le marché local

Néanmoins, ces jeunes talents ne parviennent pas à s’insérer sur le marché local. Amadou Daffe, initiateur de feu Coders for Africa au Sénégal, s’est installé en Éthiopie pour lancer Gebeya, un concurrent à Andela. Et si l’on en croit les chiffres avancés par Tunga, le Sénégal est le pays africain qui exporte le plus de développeurs.

L’écart trop important entre les salaires et le coût de la vie explique cette fuite des cerveaux, due aussi à un manque d’accompagnement post-formation, argue Bouna Kane, président de Simplon Afrique. « Les jeunes que nous formons ont tous des projets concrets. Mais qui prend le relais pour les incuber ? Pour les financer ? Je peux vous sortir au moins une dizaine de projets abandonnés, tout simplement parce qu’ils n’ont pas trouvé de financement. »

Conserver ses développeurs et les aider à faire fructifier leurs idées constitue un nouveau défi pour le Sénégal et conditionnera grandement la réussite du Start-up Act lancé à la fin de l’année 2019.

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