Tunisie : ce que l’on sait du naufrage d’un pétrolier au large de Gabès
Les 750 tonnes de gazole du pétrolier Xelo échoué au large de Gabès menacent un environnement aussi fragile qu’exceptionnel.
Dans la nuit du 15 au 16 avril, le cargo Xelo, 58 mètres de long et 9 mètres de large, battant pavillon équato-guinéen, reçoit l’autorisation d’entrer dans les eaux territoriales tunisiennes pour se mettre à l’abri de vents particulièrement violents.
Mais juste avant le petit jour, le navire lance un appel de détresse et s’échoue à 7 kilomètres des côtes. Il coulera dès le lendemain matin, à vingt mètres de fond. L’odyssée du Xelo finie, débute un compte à rebours pour endiguer une catastrophe écologique et mettre au clair une affaire aux nombreuses zones d’ombre.
Sept membres d’équipage secourus
Selon les autorités tunisiennes, le Xelo faisait route vers Malte depuis le port de Damiette en Égypte où il a chargé 750 tonnes de gazole. Sa présence bien plus au sud que ce que prévoit sa route initiale intrigue. Le commandant de bord aurait affirmé avoir été dérouté par le vent mais l’argument interroge, compte tenu de la violence toute relative du vent. Son équipage, quatre Turcs, un Géorgien et deux Azerbaïdjanais qui ont été sauvés avant le naufrage, s’en tiendra à cette version.
Certains soupçonnent un éventuel sabordage volontaire pour frauder les assurances
Immatriculé OMI 7618272, le Xelo, construit en 1977, fait figure, après 45 ans de service, de vieux rafiot. Les autorités grecques de Neapolis aurait ainsi estimé qu’il était inapte à la navigation en 2021. Certains soupçonnent un éventuel sabordage volontaire pour frauder les assurances. Pour ajouter à la confusion, la ministre de l’Environnement en charge de la gestion de crise annonce qu’un document a disparu.
Selon des sources proches de l’affaire, il s’agit du connaissement maritime, document qui accompagne le transport maritime de marchandises et où figure le détail du chargement. Entre temps, le tribunal de première instance de Gabès a diligenté une enquête sur les conditions du naufrage et une autre sur les dommages environnementaux.
Trajectoire mystérieuse
Les autorités tunisiennes, le ministère de l’Environnement et celui du Transport affirment que le navire venait de Damiette. Des données satellitaires révèlent sa présence à Sfax (centre-est) du 2 au 9 avril, en provenance de Malte. Jusqu’au 14 avril, il disparaît des radars pour finir par s’échouer le 16 avril. Certains, sans convaincre, estiment qu’il aurait eu le temps du 14 au 16 de rallier Damiette et de parvenir au niveau des côtes tunisiennes.
Soutien italien
Après une journée de consultation, la Tunisie, qui a activé le « plan national d’urgence de prévention des pollutions marines », a demandé l’appui d’une intervention internationale.
L’Italie a aussitôt envoyé deux patrouilleurs italiens, le Vega et l’Orione, ainsi qu’un avion de patrouille navale, un drone sous-marin, des barrages flottants anti-pollution et du matériel permettant d’endiguer les fuites de gazole avec l’intervention d’un équipage des forces spéciales de la marine italienne.
Ce réservoir fissuré est à distinguer de la cale du navire, où sont entreposés les 750 tonnes de gazole
La ministre de l’Environnement, Leila Chikhaoui, assure que la Tunisie demandera des dommages et intérêts sans spécifier les dessous de l’affaire et qui est tenu pour responsable de ce qui pourrait provoquer une catastrophe d’une ampleur imprévue.
Saison menacée ?
Elle se veut rassurante en assurant que « le gazole s’évapore », sans évoquer les effets désastreux d’une marée noire sur la faune et la flore. Ni parler de l’impact économique et de la contamination des côtes qui concernerait aussi l’île de Djerba. Le Xelo ne transportait en effet « que » 750 tonnes de gazole. À titre de comparaison, l’Erika, qui s’était échoué au large des côtes françaises en 1999, transportait lui plus de 30 000 tonnes de fioul lourd.
Les opérations de renflouement ont déjà commencé, ainsi que la fixation d’un dispositif de pompage et d’évacuation à travers la fissure de la coque du réservoir par une équipe de plongeurs de la marine nationale.
« Ils sont parfaitement entraînés et préparés pour ce genre d’opération », rassure le militant écologiste Abdelmajid Dabbar qui craint malgré tout l’apparition de nappes de mazout. Ce réservoir est à distinguer de la cale du navire, où sont entreposés les 750 tonnes de gazole et qui, selon le ministère tunisien de l’Environnement, ne présente pas de fissures.
Un environnement déjà pollué…
Unique oasis maritime en Méditerranée, Gabès est aussi l’une des régions côtières dont l’équilibre environnemental est compromis par la pollution générée par la production de dérivés du phosphate. Depuis les années 1970, l’environnement de Gabès n’est plus préservé, rendant difficile la production agricole et précaire l’activité de la pêche, sans compter les effets sur la santé humaine.
Avant de passer sous pavillon équato-guinéen, le Xelo, sous d’autres noms, a été successivement rattaché à Singapour, à l’Irlande, au Royaume-Uni, à Saint-Vincent-et-les-Grenadines, au Bélize et à la Russie, selon le site spécialisé vesselfinder.com.
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