Un nouveau type de contrôle social
Le contrôle social, c’est par exemple le fait qu’on ne puisse se promener avec quelqu’un sans que tout le monde soit au courant dans l’instant. Les réputations se font et se défont ainsi. On ne peut pas avoir de vie privée dans les hameaux et les bourgs. Dans les villes, les quartiers sont de gros villages où le contrôle social s’exerce de façon aussi tyrannique et insidieuse qu’ailleurs. C’est l’un de nos fléaux, au Maghreb. Je dis bien "fléau" car la vie privée devrait être… privée. On pourrait même affirmer qu’une société tolérante et démocratique ne peut exister avec un contrôle social étouffant.
Jusqu’ici, c’était un petit avantage qu’on possédait en Europe : le fait que le contrôle social y soit relâché, sinon inexistant. On peut habiter dix ans dans un immeuble sans connaître ses voisins, en se fichant de ce qu’ils sont et de leurs allées et venues. Moyennant quoi on peut vivre en bonne intelligence, se contentant de se saluer parfois d’un discret signe de la tête. La plupart des Maghrébines ou des Africaines que je rencontre me citent l’absence de contrôle social comme principal agrément de la vie en Europe. Non pas qu’elles en profitent pour faire les quatre cents coups, mais c’est reposant.
Ou dois-je dire : c’était reposant ? Car un nouveau type de contrôle social vient de faire son apparition dans certaines communautés en Europe : c’est le contrôle par internet. Sur les réseaux sociaux se développent maintenant des conversations où l’on parle de Khadija X ou de Fatimatou Y, avec nom, prénom, adresse parfois, photo, même, et quiconque sait quelque chose sur la donzelle en question est invité à le partager avec tous les inquiétants gugusses qui s’intéressent à elle.
En d’autres termes, on a réussi à recréer, au milieu des métropoles européennes, des villages virtuels et le contrôle social qui les caractérise. C’est classique : dès que le progrès technique met un nouvel instrument à la portée des hommes, la plupart s’en servent pour pourrir la vie des autres et, en particulier, la vie des femmes. Il y a de quoi désespérer !
Certaines de ces jeunes femmes envisagent de combattre la bêtise avec ses propres armes. Étant donné que la délinquance est bien plus ancrée parmi les garçons que parmi les filles, elles menacent de créer des sites pour surveiller Khalid, Rachid ou Jamal, leurs virées nocturnes, leurs expéditions dans des quartiers où ils n’ont rien à faire. Au fond, les garçons ont plus à perdre au contrôle social que les filles. Et, devant un clavier d’ordinateur, les filles peuvent faire autant de dégâts que les garçons. À bon entendeur, salut… La police doit jubiler.
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