Art contemporain : en Espagne, Sabrina Amrani épate la galerie

En Espagne, pays marqué par l’héritage d’Al-Andalus, la Française d’origine algérienne Sabrina Amrani a ouvert une galerie d’art contemporain consacrée aux artistes du Maghreb et du Moyen-Orient.

« Ça marchera si tu es fidèle à toi-même », voilà le leitmotiv de la jeune galeriste. © Photo : Navia/Agence VU pour J.A.

« Ça marchera si tu es fidèle à toi-même », voilà le leitmotiv de la jeune galeriste. © Photo : Navia/Agence VU pour J.A.

Publié le 27 mars 2014 Lecture : 3 minutes.

Calle de la Madera, en fin d’après-midi. Dans cette rue du quartier de Malasaña, dans le centre de Madrid, le soleil illumine les pavés mouillés par la pluie. Point névralgique de la capitale espagnole, ce quartier a vu naître la Movida, le mouvement culturel de la transition démocratique, au début des années 1980. C’est là que Sabrina Amrani a choisi d’installer sa galerie d’art il y a trois ans. "Ce quartier abrite beaucoup d’artistes et d’écrivains, il s’est imposé tout naturellement. Et puis je vis à deux rues d’ici", explique cette Française d’origine algérienne. À l’étage inférieur, les oeuvres du Saoudien Ayman Yossri Daydban ornent les grands murs blancs de la pièce. S’il a passé la majeure partie de sa vie à Djeddah, l’artiste est d’origine palestinienne, de nationalité jordanienne. Cette mosaïque d’appartenances, qui se retrouve dans son travail, Sabrina Amrani y est sensible. "À l’heure du choix, il faut que quelque chose me provoque, qu’il y ait une connexion entre l’oeuvre et l’artiste", reconnaît la galeriste de 33 ans. L’immigration est un sujet qui la touche particulièrement. C’est pourquoi la Sabrina Amrani Gallery expose aussi bien des artistes arabes que latino-américains. "Au Mexique ou au Brésil, on désire s’évader vers le nord. Au Moyen-Orient, on retrouve aussi ce rêve capitaliste", affirme-t-elle.

Son histoire personnelle y est bien sûr pour quelque chose. Algériens, ses parents ont émigré en France quand elle n’était pas encore née. Son père arrive à Paris en 1966, sa mère cinq ans plus tard. Ouvriers, ils transmettent à leur fille et à ses trois frères leur passion pour la culture. Une ou deux fois par mois, la famille visite un musée. Sabrina découvre à l’âge de 3 ans celui des Arts et Traditions populaires, son premier.

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Mais si l’art l’a toujours passionnée, l’idée de travailler dans ce domaine lui est venue tard. Diplômée en sociologie à l’université Paris-Descartes, elle est embauchée, en 2005, dans une multinationale française en stratégies de développement (Soparind Bongrain). Au bout d’un an, elle part pour une mission de dix mois à Madrid, puis y demande sa mutation en 2008, fatiguée de voyager. "Malheureusement, cela a coïncidé avec le début de la crise. Il n’y avait pas de budget alloué à mon département et je m’ennuyais terriblement, raconte-t-elle. J’ai démissionné." Sabrina Amrani replonge alors dans son rêve d’adolescente : ouvrir une galerie d’art. Dans un pays en crise, où les galeries sont peu nombreuses – "la scène artistique espagnole est bien plus jeune qu’en France" -, la jeune femme se fait une raison : "J’ouvrirai dans dix ans." Finalement, ses discussions avec une amie dans la même situation l’encouragent à monter, petit à petit, des expositions.

Grâce à un réseau tissé auparavant, et avec ses économies, le rêve devient palpable en six mois.

Grâce à un réseau tissé auparavant, et avec ses économies, le rêve devient palpable en six mois. Mais elle est encore novice. Alors quand un directeur de musée lui souffle une idée, elle la fait sienne : "Ça marchera si tu es fidèle à ce que tu es." En juin 2011, l’exposition "Mirage" de la Franco-Algérienne Zoulikha Bouabdellah inaugure son espace et annonce sa ligne directrice : donner une visibilité aux artistes contemporains arabes, peu présents sur la péninsule Ibérique, pourtant marquée par le patrimoine d’Al-Andalus. "Au moment de l’ouverture, le public avait les yeux tournés vers le Printemps arabe. Aujourd’hui, les collectionneurs s’intéressent aux artistes de la région." Néanmoins, ses clients sont en majorité américains (50 %), nord-européens (Français, Anglais, Hollandais, 20 %) ou bien émiratis (20 %). "J’ai aussi quelques clients pakistanais et indiens. En Asie, l’intérêt pour les artistes arabes grandit."

Sabrina Amrani a élargi ses perspectives en se tournant vers l’Amérique latine, les pays d’Asie du Sud et les diasporas libanaise, syrienne et palestinienne. Les artistes subsahariens ? Elle n’est pas encore arrivée jusqu’à eux. "Cela demande beaucoup de recherches de ma part, mais on commence à recevoir pas mal de demandes." Son terrain de prédilection pour se faire connaître reste les foires, rendez-vous obligé du marché de l’art. Ce mois-ci, elle participe à Art Dubaï, avec les oeuvres de la Marocaine Amina Benbouchta et du Brésilien Marlon de Azambuja. Financièrement parlant, les débuts n’ont pas été faciles, mais au bout de trois ans elle n’enregistre plus de pertes. Bientôt, elle se rendra à Alger, où elle n’est pas allée depuis de nombreuses années, afin de visiter la résidence d’artistes Aria, fondée par sa compatriote Zineb Sedira. Mariée à un Espagnol d’origine syrienne, mère d’une petite fille, Sabrina Amrani a le sentiment d’avoir trouvé, en Espagne, "un compromis" entre la France et l’Algérie.

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