Sécurité alimentaire : plaidoyer pour les petites exploitations agricoles

Dans un ouvrage à succès paru en 2013, un journaliste britannique spécialiste de l’Asie analyse comment la Chine, le Japon, la Corée du Sud et Taïwan ont réussi à s’extraire de l’extrême pauvreté. Une leçon pour l’Afrique ?

Un agriculteur dans un champ de piments forts, le 22 septembre 2018 à Tondola, dans le district de Gomba, en Ouganda. © Camille Delbos/Art In All of Us/Corbis via Getty

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© Vincent Fournier pour JA

Publié le 15 mai 2022 Lecture : 3 minutes.

Les titres sont parfois trompeurs. Ainsi en va-t-il de celui-ci qui laisse entrevoir un monde fleuri où l’on parlerait couramment taille, binage et arrosage. Ce serait bucolique et tentant, mais c’est d’un sujet bien plus grave – au cœur des préoccupations du monde en général et de l’Afrique en particulier – dont il est question ici : la sécurité alimentaire et la manière de la garantir. 

« Le triomphe du jardinage » est l’intitulé de la première partie d’un livre à succès paru en 2013 aux éditions Profile, Books : How Asia Works. Son auteur, Joe Studwell, journaliste britannique spécialiste de l’Asie, y décrypte de manière édifiante la façon dont quatre pays d’Asie (la Chine, le Japon, la Corée du Sud et Taïwan) ont réussi à s’extraire de l’extrême pauvreté et à s’engager sur la voie de l’industrialisation en misant, notamment, sur les petites exploitations agricoles.

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Politique agricole bien pensée

En ces temps où la flambée des prix des produits alimentaires fait de nouveau planer le spectre de la famine et où les discours sur la nécessité de promouvoir les produits locaux – par opposition à ceux qui sont importés – reprennent de la vigueur, les quelque 300 pages de l’enquête de Joe Studwell, maintes fois encensé par la presse économique internationale, nous rappellent plusieurs choses. 

D’abord que dans nos pays, où les populations rurales demeurent majoritaires, l’agriculture est le secteur qui « offre la possibilité la plus immédiate d’accroître [notre] production économique ». Ensuite, et c’est là que le propos devient véritablement intéressant, qu’augmenter notre production n’est pas uniquement une affaire d’argent si nous nous référons aux cas des pays cités plus haut, mais que c’est avant tout le fruit d’une politique agricole bien pensée, adaptée aux réalités locales.  

En Asie, la réforme foncière a permis de garantir aux producteurs un accès équitable à des terres cultivables

À chaque crise alimentaire sur le continent, les institutions internationales et les gouvernements promettent d’investir des milliards de dollars pour changer la donne. Bien sûr, il faut du capital pour former les paysans et les aider à s’adapter aux conséquences du changement climatique. Il faut des ressources financières pour qu’ils puissent se soigner convenablement, leur donner accès au crédit et faire en sorte que leur production soit achetée à des prix assez rémunérateurs pour leur permettre de vivre dignement de leur travail.

Mais Joe Studwell nous dit qu’en Asie, avant tout cela, une réforme foncière a été indispensable et que c’est elle qui a permis de garantir aux producteurs un accès équitable à des terres cultivables. 

Ne dit-on pas que l’augmentation de la production agricole et la création de surplus sont des préalables à la création d’épargne ? 

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En Chine, en Corée du Sud ou au Japon, cela s’est traduit par l’attribution de parcelles d’à peine un hectare à des familles de cinq, six voire sept personnes. « L’agriculture était alors une forme de jardinage à grande échelle », écrit Studwell. Ces familles ont pu augmenter leur production et leurs rendements, suffisamment pour se nourrir elles-mêmes et nourrir le reste de la population, tout en emmagasinant des surplus.

Ne dit-on pas souvent, en économie, que l’augmentation de la production agricole et la création de surplus sont des préalables à la création d’épargne, laquelle peut être utilisée pour financer les investissements industriels ? 

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Ce qu’il faut comprendre ici, c’est que les grandes exploitations mécanisées de plusieurs milliers d’hectares comme au Brésil ou en Australie, et dont certains rêvent pour l’Afrique, ne sont pas la panacée. Sur le continent, notamment dans sa partie ouest et centrale, la sécurité alimentaire et, partant, le développement économique s’obtiendront avec les petits agriculteurs ou ne s’obtiendront pas.

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