Cameroun : les États-Unis désavouent Yaoundé et annoncent un moratoire sur les expulsions

L’administration Biden n’expulsera plus les demandeurs d’asile camerounais victimes de violence, de tortures et de traitements dégradants dans leur pays. À Yaoundé, l’opposition y voit un revers pour le régime de Paul Biya.

Un pick-up de l’armée camerounaise en route pour sécuriser un bureau de vote à Lysoka, près de Buea, dans le sud-ouest du Cameroun, le 7 octobre 2018. © MARCO LONGARI/AFP

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Publié le 20 avril 2022 Lecture : 3 minutes.

Les États-Unis ont décidé un moratoire sur les expulsions des demandeurs d’asile camerounais pour une durée reconductible de 18 mois. La mesure, dite de « protection temporaire », a été annoncée le 15 avril et concerne environ 12 000 Camerounais. Elle leur accorde un droit de séjour temporaire, avec le droit de travailler.

« C’est une bonne nouvelle même si elle était attendue depuis longtemps. Ces réfugiés vivaient dans la terreur d’une expulsion imminente. Ils peuvent enfin être plus rassurés », se réjouit Ilaria Allegrozzi, chercheuse spécialisée sur le Cameroun au sein de l’ONG Human Rights Watch (HRW).

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En février dernier, HRW avait publié un rapport intitulé « Comment pouvez-vous nous renvoyer ? » qui détaillait les mauvais traitements infligés à près de 90 Camerounais expulsés en octobre et novembre 2020 des États-Unis, et à d’autres expulsés en 2021.

Selon ce rapport, les personnes renvoyées au Cameroun ont fait l’objet d’arrestations et de détentions arbitraires, de disparitions forcées, de tortures, de viols, d’extorsion et de poursuites injustes. Certains ont vu leurs cartes d’identité confisquées, d’autres ont été victimes de harcèlement.

Les ONG accusaient depuis longtemps les États-Unis de violer le principe de non-refoulement

Beaucoup ont déclaré avoir également subi des brutalités policières, une négligence médicale et d’autres mauvais traitements sur le territoire des États-Unis lorsqu’ils séjournaient dans les centres de détention des services d’immigration.

Principe de non-refoulement

Ilaria Allegrozzi estime que « les gouvernements camerounais et américain devraient offrir aux personnes expulsées à tort la possibilité de revenir et de présenter une nouvelle demande d’asile ». À ce propos, les ONG accusaient depuis longtemps les États-Unis de violer le principe de non-refoulement, pierre angulaire du droit international des réfugiés et des droits de l’homme, qui veut que personne ne devrait être renvoyé dans un pays où il serait exposé à la torture, à des traitements cruels et inhumains.

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Les demandeurs d’asile camerounais sont pour la plupart originaires des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, en proie à la violence depuis 2016 après que les séparatistes anglophones ont pris les armes pour rompre avec la majorité francophone du pays. Selon les estimations, près de 3 500 personnes ont été tuées dans des affrontements entre séparatistes et armée camerounaise, tandis qu’environ 700 000 personnes ont été contraintes de quitter leurs foyers.­­­­­­­­­

Durcissement

Le gouvernement camerounais n’a fait aucun commentaire sur le sujet, mais nul doute qu’il a peu goûté la décision américaine. « C’est embarrassant pour le régime. Cette décision traduit un durcissement qui pourrait conduire l’administration Biden à adopter des sanctions contre les officiels camerounais impliqués dans les exactions dénoncées par les demandeurs d’asile», s’avance un avocat proche de l’opposition.

Le Cameroun qu’ils décrivent n’existe pas

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Il y a un an, alors que des parlementaires américains avaient plaidé auprès du président Biden pour que le Cameroun devienne éligible au programme Temporary Protected Status (TPS) ou au Deferred Enforced Departure (DED) pour surseoir aux expulsions, les élus camerounais s’en étaient émus. Dans une lettre adressée à leurs homologues, 66 députés camerounais leur avaient reproché d’être à l’origine d’une « représentation négative » de leur pays.

« [Nous sommes] consternés par les mensonges, l’opinion déformée et la caractérisation extrêmement négative de [notre] pays », avaient-ils écrit, affirmant que le Cameroun avait toujours collaboré avec le gouvernement américain en matière de questions migratoires.

Et d’ajouter : « Le Cameroun qu’ils décrivent n’existe pas. Nous exhortons les membres du Congrès américain à s’engager davantage à veiller au respect des conventions internationales contre le crime et la criminalité transnationale afin que leur pays ne soit pas un refuge [pour les] auteurs de crimes et [les] financiers des actes de terrorisme que subissent le peuple camerounais. »

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